dimanche 24 mai 2020

LUMIERE SUR... DR. FATE


Une entrée un peu spéciale aujourd'hui dans le cadre de "Lumière sur..." puisqu'il ne s'agira pas de parler d'un artiste mais d'un personnage. Dr. Fate en l'occurrence.

Ces temps-ci, beaucoup de héros DC fêtent leur anniversaire et pour l'occasion l'éditeur publie des numéros exceptionnels, avec des auteurs de renom aux manettes. Superman, Batman, Wonder Woman, Flash, le Joker, Catwoman ont eu (ou vont avoir) droit à des hommages pour leur longévité.

Pourtant, au milieu de ces octogénaires illustres, l'un d'eux n'aura pas droit aux honneurs qu'il mériterait pourtant et c'est ce bon Docteur, créé par Gardner Fox et Howard Sherman, apparu pour la première fois en Mai 1955 dans la revue More Fun Comics (le #55 exactement). Il a droit à la couverture de cette revue le mois suivant (voir ci-dessus).

J'ai toujours été un fan de ce personnage, fondateur de la Justice Society of America (avec Jay Garrick, Alan Scott, le Spectre, Hawkman, Sandman...). Il est à la fois un magicien très puissant mais qui doit sa condition à Nabu, un des seigneurs de l'ordre, dont la tombe fut profanée par le père de Kent Nelson et qui s'est ensuite rematérialisé sous la forme du fameux casque du Dr. Fate. A partir de là s'établit une relation complexe et passionnante entre Nelson fils et Nabu via ce casque puisque le seigneur de l'ordre contrôle parfois totalement l'esprit de son hôte. Dr. Fate est donc le jouet du pouvoir qu'on lui a confié.

Dr. Fate/Kent Nelson vit également avec Inza et grâce à la magie, ils ne vieillissent pas. Mais en 1986, durant la saga Crisis on infinite earths, le sortilège est interrompu et leurs âmes trouvent refuge dans l'autre artefact de Fate, l'amulette d'Anubis. Nabu va alors trouver différents hôtes : Eric et Linda Strauss, Jared Stevens, et Khalid Nassour (le dernier et actuel Dr. Fate).

Fate n'a eu droit qu'à quelques séries dédiées et elles n'ont jamais duré. En revanche, comme membre de la JSA, grâce à David Goyer, James Robinson et Geoff Johns, durant la série de 1998 à 2006, il a brillé dans des arcs narratifs épiques, et récemment James Tynion IV en a fait un des protagonistes de sa Justice League Dark (il semble que le nouveau scénariste du titre, Ram V, compte aussi l'exploiter).

Avec son heaume doré, sa tenue bleue et or, le Dr. Fate a une sacrée allure, et son design a rarement changé, preuve de son efficacité visuelle intacte.

Tout cela, Dan Schkade l'a compris et a voulu le consacrer à sa manière en réalisant, texte et dessin, une dizaine de pages qui renvoie à la première aventure du Docteur dans More Fun Comics de 1940. Je vous laisse lire ceci ci-dessous.











jeudi 21 mai 2020

HAWKEYE : FREEFALL #5, de Matthew Rosenberg et Otto Schmidt


Le précédent numéro de Hawkeye : Freefall était sorti le 11 Mars. Marvel a décidé d'achever sa publication uniquement sur les plateformes numériques (tout comme DC va terminer certains titres comme Supergirl ou The Terrifics). Un enterrement de première classe en somme (car les lecteurs sur ce support restent minoritaires). Dommage car l'histoire de Matthew Rosenberg et Otto Schmidt méritaient mieux... Même si la mini-série prévue en cinq épisodes ne s'achève pas avec ce chapitre...


Clint (sous le masque de Ronin) rencontre le Caïd pour neutraliser the Hood. Mais Wilson Fisk préfére déléguer cette tâche et assure à Clint le soutien du Comte Nefaria, l'ex-beau-père de Parker Robbins. Malgré ses réticences, Clint accepte cette collaboration.


Clint/Ronin s'emploie alors à ruiner le business de the Hood et à obliger ses divers complices (y compris dans la police) à l'abandonner. Parker Robbins enrage, impuissant. Mais il trouve encore le moyen de contrarier Ronin lorsque celui-ci s'en prend à un de ses "fight clubs" clandestins en misant sur lui (et donc en diminuant ce qui lui rapportent ses victoires).


Clint ne se décourage pas. Grâce à Bryce, il apprend que the Hood fête bientôt son anniversaire dans un restaurant qu'il privatise. Il loue l'établissement à sa place. Parker Robbins menace Clint mais doit renoncer à l'exécuter quand il découvre que Wesley Welch, l'assistant du Caïd, est présent aussi.


Ce succès a son revers car Clint a oublié le dîner auquel l'avait invité Linda Carter. Il doit aussi s'expliquer à Captain America, averti par Spider-Man. Mais l'infirmière de nuit lui sauve la mise en reprochant aux deux héros de ne pas faire confiance à Clint.


Toutefois, c'est la dernière fois que Linda rend service à Clint car elle rompt ensuite avec lui. De retour à son domicile, l'archer écoute un message sur son répondeur laissé par Bullseye qui s'en est pris à Bryce. Il donne rendez-vous à Clint pour une discussion avec the Hood.

Tout d'abord, il faut revenir sur les circonstances de la sortie de cet épisode. Evidemment, du temps a passé depuis le quatrième chapitre, paru en Mars dernier. Mais deux choses interpèlent : d'abord Marvel a choisi de terminer la publication de Hawkeye : Freefall en la proposant uniquement sur les plateformes numériques et non plus en version physique. Cela ressemble furieusement à une façon de boucler la série en catimini et c'est assez indigne.

Ensuite, encore plus bizarrement, alors que le titre était prévu pour cinq numéros, on découvre à la dernière page de cet épisode que l'histoire n'est pas achevée. Le to be continued indique même que le sixième volet ne sera pas la conclusion. Cela rend encore plus étonnante la décision d'arrêter la version papier, même si je doute que Hawkeye : Freefall se transforme en ongoing.

Dans ces conditions, la lecture prend une dimension nouvelle. Le format change et l'issue du récit est incertaine. Après un quatrième épisode trop bancal, abusant d'absurdités, Matthew Rosenberg resserre les vis avec bonheur. Le ton est même un peu plus grave - seule une scène joue vraiment la carte de la comédie (irrésistible moment où Linda Carter sermonne Captain America et Spider-Man).

Le scénariste introduit dans son intrigue le Comte Nefaria et rappelle utilement qu'il fut le (quasi) beau-père de the Hood quand Parker Robbins sortait avec Mme Masque (la fille de Nefaria). On comprend donc facilement qu'il ait envie de calmer the Hood et donc d'aider Ronin à cette fin. De même, l'entrée en scène de Nefaria justifie la position du Caïd qui admet que les actions de the Hood sont devenues emabarrassantes pour lui mais sans qu'il veuille se mêler de sa neutralisation (Wilson Fisk est, rappelons-le, maire de New York, il ne peut risquer de voir son nom publiquement lié à celui d'un gangster comme the Hood).

Cette base permet de redéployer les agissements de Clint Barton sous le masque de Ronin. Il peut désormais, avec l'appui de Nefaria, attaquer frontalement Parker Robbins en ruinant son business et en retournant ses nombreux complices (y compris dans la police). Mais the Hood est un adversaire coriace et trouve un moyen de contrarier Clint quand il croit l'avoir affaibli.

La scène du restaurant, en présence de Wesley Welch, est une pépite : pour la première fois, Clint a enfin le dessus sur the Hood, et cela sans perdre son temps à faire le coup de poing contre lui (par contre les gardes du corps du gangster prennent cher). J'avais trouvé que Rosenberg abusait un peu sur le côté loser de Hawkeye et il corrige cela avec efficacité.

Tout le plaisir qu'on tire de cette lecture doit aussi beaucoup à ses dessins et Otto Schmidt fait des étincelles. On est un peu surpris de sa représentation du Caïd, qui, sous son crayon, a perdu son légendaire embonpoint, mais c'est un détail.

L'artiste dynamise très agréablement son découpage, notamment lors d'une superbe double page où on suit en parallèle les efforts de Ronin pour détruire le business de the Hood et la frustration croissante de ce dernier en découvrant les résultats du héros.

Pourtant, c'est quand il a l'occasion de se poser que Schmidt est encore meilleur. Lorsqu'il met en scène un dialogue entre Bryce et Clint ou orchestre le fameux sermon de Linda Carter contre Captain America et Spider-Man, son trait vif et expressif fait des étincelles. Voir Captain America repartir tout penaud après qu'on lui ait fait la leçon est un régal, d'autant plus qu'on sait que Clint a quand même trompé le chef des Avengers.

Outre son aisance dans le registre comique, Schmidt est aussi habile quand il faut suggérer une ambiance inquiétante comme en témoigne la dernière scène de l'épisode où Clint, rentrant chez lui, découvre le message audio de Bullseye tout en suivant des traces de sang menant au sous-sol de son repaire (surnommé "Fortress of the solid dudes", un clin d'oeil à la Forteresse de Solitude de Superman) et à Bryce, blessé par le tueur à gages. La disposition des cases, le jeu sur les ombres et lumières, l'enchaînement des plans sont excellents.

Si on peut donc déplorer que Marvel prive la série de sa version physique, le fait qu'elle se poursuive encore au moins un épisode garantit encore de beaux moments. Toujours ça de pris en ces temps incertains.

mercredi 20 mai 2020

LUMIERE SUR... VASCO GEORGIEV

Vasco Georgiev

J'ai découvert Vasco Georgiev par hasard, à la faveur d'un retweet. Et depuis je suis assidument son travail qui, comme vous pouvez le voir, ci-dessous, est des plus séduisants.

La crise sanitaire a frappé de plein fouet l'industrie des comics, obligeant les comics shops à fermer, le principal diffuseur (Diamond) à suspendre son activité, et les éditeurs à reporter leurs publications (quand certains n'ont pas hésité à demander à leurs auteurs et artistes d'arrêter de travailler).

Maintenant qu'une (timide) reprise s'amorce, avec des parutions au compte-goutte, professionnels et lecteurs sont dans l'expectative. Le marché va-t-il se remettre ? Dans ces conditions, des créateurs renommés (comme Todd McFarlane) ont appelé de leurs voeux la réalisation d'un crossover entre Marvel et DC pour attirer en masse les fans sur une publication événementielle qui serait un carton assuré, une locomotive pour l'industrie entière.

L'idée motive des noms réputés (Bryan Hitch s'est porté volontaire pour dessiner une histoire pareille, Scott Snyder serait prêt à l'écrire). 

Au milieu de toute cette effervescence, Vasco Georgiev fait figure d'outsider. Il est actif depuis 2017 et travaille actuellement pour Dynamite Comics. C'est un inconnu, mais je suis prêt à parier qu'il ne le restera pas longtemps.

Parce qu'il a eu l'idée simple mais accrocheuse d'imaginer des crossovers imaginaires et de les dessiner sous la forme de couvertures de comics. Le garçon ne manque ni d'inspiration ni de talent. Découvrez-le !

Poison Ivy & Mystique
Gamora & Starfire
Harley Quinn & Deadpool
Robin (Damian Wayne) & Iron Man
Miss Martian & Viv Vision
Parallax & Dark Phoenix
Rocket Raccoon & Green Lantern (John Stewart)
Rogue & Superboy (Connor Kent)
Shuri & Aqualad
Spider-Man (Miles Morales) & Nightwing
Wonder Woman & Ms. Marvel

jeudi 14 mai 2020

SABRINA THE TEENAGE WITCH : SOMETHING WICKED #2, de Kelly Thompson et Veronica Fish

Pour redémarrer les critiques, priorité à une des rares nouveautés disponible en ce moment, une série rafraîchissante, ce qui ne peut que faire du bien...


En effet, Archie Comics a réussi à maintenir la parution de Sabrina the teenage witch : Something Wicked en ces temps troublés. Et on ne peut que les en remercier car la série écrite par Kelly Thompson et dessinée par Veronica Fish est un vrai feel-good comic, comme le confirme cet épisode.


Sabrina a découvert que ce sont ses tantes, Hilda et Zelda, qui ont lancé le sort transformant à la pleine lune Radka et Ren Ransom en monstres. Elle n'ose leur dire qu'elle les a démasquées ni que faire pour corriger la situation mais promet à Radka de l'aider... A condition que Ren soit mis dans la confidence.


Radka, mise au pied du mur, Sabrina doit encore composer avec sa vie sentimentale compliquée. Elle voudrait se confier à Harvey Winkle, un de ses prétendants, mais se retient en estimant qu'il ne la comprendrait pas bien qu'il ait deviné que quelque chose la tracassait.


Le peu de réconfort que peut trouver la jeune fille, c'est auprès de Della. En passant devant sa boutique, elle est invitée à une séance pour être initiée aux subtilités du savoir-faire, ce jeu de sorcières qu'elle souhaite apprendre. Elle se montre douée mais manque encore de pratique.


Le soir est tombé quand elle quitte Della et Ren Ransom lui propose de la reconduire chez ses tantes. En route, Sabrina s'interroge sur l'opportunité de tout révéler à son autre prétendant qui lui aussi, à sa manière, a une vie secrète. Il accepte de lui laisser du temps pour choisir lequel de lui ou de Harvey aura les faveurs de Sabrina.


De retour dans sa chambre, en compagnie de son chat Salem, Sabrina invoque un nouveau sortilège pour tenter d'améliorer la condition de Ren et Radka. Sur ces entrefaîtes, Della arrive et entraîne la jeune fille dans la forêt voisine... Afin de lui montrer que la magie a un prix...

Le dernier comic-book dont j'avais parlé était justement le premier épisode de Sabrina the teenage witch : Something Wicked. Je me demandais alors, vu la situation, à quand j'aurai le plaisir de lire la suite. Archie Comics a maintenu ses sorties et le deuxième chapitre de la série est disponible depuis une semaine.

C'est heureux car le récit concocté par Kelly Thompson est parfait pour se changer les idées dans une période aussi bizarre que celle que nous traversons. Bien que cette nouvelle "saison" du titre soit moins franchement légère que la première, publiée l'an dernier, c'est encore une BD rafraîchissante, divertissante, avec un charme persistant.

La volonté de la scénariste était de faire évoluer son héroïne vers quelque chose de plus mature sans sombrer dans la gravité. Il y a donc la menace d'un tueur qui rôde à Greendale, mais ce subplot est pour l'instant peu exploité. Ce qui demeure en avant, c'est le trouble de la jeune sorcière dans une situation particulièrement délicate.

Sabrina doit en effet résoudre le problème magique qui concerne Radka et Ren Ransom qui, à chaque pleine lune, se transforme en wendigos ; mais aussi savoir pourquoi ses tantes, Hilda et Zelda, ont jeté un sort sur Radka et Ren ; mais encore améliorer sa pratique de la magie auprès de Della ; et enfin désigner qui de Ren Ransom ou de Harvey Winkle sera l'élu de son coeur.

Bien entendu, à part Radka qui se souvient des événements de la première série et sait donc que Sabrina (et ses tantes) sont des sorcières, nul ne sait que la condition de la jeune fille. Et cela impacte durement ses relations avec les garçons qui ont deviné que quelque chose la tracasse mais à qui elle ne peut rien dire de sa vraie condition. Pour ne rien arranger, Sabrina a acquis la conviction que ses tantes sont responsables du malheur de Ren et Radka mais le leur cache.

Sur ce dernier point, le scénario de Thompson est peut-être trop allusif car on voit mal pourquoi Sabrina n'a pas une explication avec Hilda et Zelda (ce qui permettrait de comprendre pourquoi, si c'est effectivement le cas, elles ont ensorcelé les Ransom). Au lieu de ça, elle les évite. Et, de manière assez incohérente, ses tantes non plus ne cherchent pas à savoir pourquoi Sabrina se comporte subitement ainsi à leur égard.

Ceci suggère qu'il s'agit d'une évidente fausse piste. Il y a fort à parier que les tantes n'ont pas accablé les Ransom. En revanche, le rôle de Della semble plus complexe dans la mesure où elle apparaît bien opportunément dans la vie de Sabrina quand elle n'a plus personne sur qui compter. Je parierai volontiers que la boutiquière manipule notre jeune sorcière et conspire contre Hilda et Zelda. Reste à savoir si Della est aussi responsable du sort contre les Ransom - et pourquoi. Cela suffit en tout cas à alimenter un suspense, certes léger et diffus, mais accrocheur.

L'épisode se termine sur un classique des récits sur la magie puisque Sabrina découvre que lancer des sorts a des répercussions spectaculaires sur son environnement. Mais on peut là encore soupçonner une manoeuvre de Della (qui ne m'inspire décidément aucune confiance) pour appuyer son emprise sur sa disciple...

Thompson excelle dans la relation des épreuves romantiques liées à son héroïne : on partage facilement le désarroi de Sabrina qui ne peut parler de ses soucis ni à Harvey ni à Ren et on apprécie sa franchise quand elle avoue à ce dernier nourrir des sentiments pour lui et son rival. L'attitude des deux garçons est raisonnable : comme il ne souhaite pas perdre la jeune fille, il accepte ses cachotteries manifestes mais aussi la sincérité de ses aveux.

Mais Sabrina n'est pas qu'une petite chose fragile : elle sait remettre à sa place Radka quand elle la presse de résoudre son problème tout en rechignant à en parler aussi à Ren. La jeune fille est aussi pleine de ressort quand, revigorée après une séance d'entraînement de savoir-faire chez Della, elle cherche un nouveau contre-sort dans sa chambre.

Le plaisir qu'on retire de cette lecture est renforcé par la qualité des dessins de Veronica Fish. Il me semble qu'entre la première mini-série et celle-ci, l'artiste se lâche un peu plus, n'hésitant pas à combiner dans la même page un dessin figuratif réaliste et de manière plus ponctuelle quelque chose de volontiers plus cartoony, moins classique. Cela se précise aussi avec les couleurs de Andy Fish, qui, lui non plus, ne se retient pas quand il faut souligner une expression par un effet graphique plus tranché.

Les Fish maintiennent en tout cas une cohérence visuelle à l'ensemble. On sent qu'ils ont désormais bien en main les personnages, le cadre de l'action, les ambiances. Tout est plus vif, aiguisé dans cette nouvelle "saison".

Le découpage esst simple mais s'affranchit d'un certain académisme parfois, comme lorsqu'on assiste à la partie de savoir-faire entre Della et Sabrina, dans un feu d'artifices de couleurs et sans cases bordurées mais avec une belle fluidité dans l'enchaînement des figures, dans la représentation des pouvoirs magiques.

Une autre belle scène est celle où Ren raccompagne en moto Sabrina chez ses tantes. Le texte est formé par la voix-off de Sabrina tandis que le trajet est figuré par une succession de cases occupant toute la largeur de la bande et qui voit la moto et ses occupants évoluer de la gauche vers la droite depuis le haut de la page jusqu'au bas. C'est simple mais efficace, concis et malin.

Pour tout cela, Sabrina the teenage witch est une réussite, un projet rondement mené. Si Kelly Thompson peut donner l'impression de négliger certains aspects, on ne saurait s'en formaliser outre mesure tant elle paraît parfaitement savoir où elle va. Et le talent de Veronica Fish fait le reste pour animer une histoire finalement assez dense sous sa légereté apparente.
La regular cover de Veronica et Andy Fish
et les variant covers de Sweeney Boo et Rian Gonzales.

mardi 12 mai 2020

LE BLOG D'APRES...


Tout d'abord, chers lecteurs de passage ou fidèles de ce blog, j'espère que vous allez bien. 

Cette entrée a pour objectif de faire un rapide point sur la situation de ce blog. Depuis le 3 Avril dernier, je n'ai pas publié de critiques de comics, consacrant mes articles uniquement aux épisodes de la saison 3 de Westworld, qui s'est achevée Lundi dernier.

Le confinement m'a, entre autre choses, permis de marquer un temps. Cela faisait un moment que je le souhaitais mais j'en repoussais toujours l'occasion. A l'origine, je n'avais pas prévu de limite dans la production de critiques pour ce blog. Quand je suis arrivé à la millième, j'ai arrêté de l'alimenter pendant plusieurs mois, estimant que ce chifre rond et imposant était une étape importante. Je me suis lancé dans un autre blog, consacré au cinéma, mais qui n'a attiré que peu de lecteurs - il y a une concurrence farouche en ce domaine et sans doute ce que j'écrivais n'était-il pas très bon (pas suffisamment).

Quand je suis revenu ici, j'ai tenté une autre manière de rédiger mes articles avant de retomber dans mes habitudes. Je suis scolaire, j'aime que cela soit structuré, discipliné, et résumer une histoire, puis en tirer une analyse me paraît être le format le plus cohérent avec ma méthode.

Parvenu à la deux millième critique, j'ai pensé à nouveau faire une pause mais j'ai dépassé ce cap sans m'en rendre vraiment compte et me voici aujourd'hui avec plus deux mille cent cinq entrées.

Puis la crise sanitaire nous a tous enfermés chez nous, imposant une sorte de bilan, de réflexion. Je n'y ai pas échappé, et ma manière de penser ce blog non plus.

D'autant, que simulatanément, la distribution de comics a été fortement impacté. Depuis plusieurs semaines maintenant, Marvel, DC, Image et les autres maisons d'édition ont stoppé leur diffusion. Plus généralement d'ailleurs tout le monde culturel a été mis à l'arrêt : plus de cinéma, de théâtre, de concert, etc. 

Tout le monde ignore le terme véritable de cette période, car si le déconfinement débute ici, le virus reste toujours en circulation et les conséquences sur nos vies n'ont pas fini d'être définies. Petit à petit, on commence, en s'informant sur les sites d'infos spécialisés, à savoir quand des nouveautés paraîtront, mais cela reste timide. Il semble qu'on y verra vraiment plus clair au mois de Juin.

Je voulais initialement profiter de cette parenthèse pour rattraper des lectures en retard et rédiger leurs critiques. J'ai effectivement lu, mais rien écrit. Mais je compte m'y mettre. Reste la question de la forme. Car peut-être est-ce une opportunité pour modifier (un peu ou beaucoup) la rédaction de mes critiques. Je n'ai rien arrêté, je réfléchis. Disons que la tendance serait peut-être de moins produire, d'être plus sélectif. Ecrire comme je le faisais est parfois usant, asséchant : je passe d'un épisode à un autre, d'une série à une autre... Cela nuit parfois à l'enthousiasme, à la motivation, à la pertinence. C'est compliqué de toujours trouver quelque chose d'intéressant à dire, un angle d'attaque accrocheur, des arguments solides, de ne rien négliger (car j'ai toujours mis un point d'honneur à parler autant de l'écriture que des dessins).

Je ne crois plus être en mesure d'enchaîner les épisodes, les séries. J'ai besoin de digérer ce que je lis. Pas seulement pour moi d'ailleurs, pour mon confort de lecteur et de critique. Mais aussi pour vous qui le lisez, car je sais que parfois la qualité de mes articles est très inégale en fonction de mon humeur, de mon appréciation. S'il est laborieux d'écrire une critique sur un épisode (ou un story arc) qui ne provoque pas un enthousiasme fou, il doit être aussi ennuyeux de la lire. Or je conçois la critique comme un travail de passeur : si je ne donne pas envie de lire le comic book dont je parle, c'est que j'ai raté mon coup.

J'aimerai aussi utiliser à nouveau faire respirer ce blog en consacrant des entrées aux artistes, comme dans la collection "Lumière sur..." que j'ai délaissée. J'ai quelques trucs en réserve à ce sujet que j'aimerai ici partager.

Stay tuned donc. Mystery Comics va bientôt revenir à sa vocation (les comics, les critiques). Ces semaines de confinement m'ont inspiré ce que je viens de vous dire et je tenais à vous le communiquer. 

Restez prudents. Lisez. A bientôt.

RDB.




mercredi 6 mai 2020

WESTWORLD - SAISON 3, EPISODE 8 : CRISIS THEORY (HBO)


Et c'est la fin de cette saison 3 de Westworld. Ce huitième épisode long de 72 minutes offre un épilogue épique tout en ne répondant pas à tout (une tradition pour la série). En vérité, le show de Jonathan Nolan et Lisa Joy a une étonnante faculté à conjuguer sophistication et non-sens. A cet égard, cet ultime chapitre résume les (grandes) qualités et les (petits) défauts de ce qui a eu lieu cette année. Entre moments WTF et scènes anthologiques en somme.

Caleb et Dolores (Aaron Paul et Evan Rachel Wood)

Muni de la perle de Dolores, Caleb revient à Los Angeles, à feu et à sang. Guidé par la stratégie de Salomon, il découvre dans un entrepôt un coffre avec un nouveau corps pour Dolores qu'il active. Elle lui explique alors qu'ils doivent à présent détruire Rehobaom avec le virus que leur a procuré Salomon. Mais avant cela, Caleb exige de savoir pourquoi elle l'a choisi comme partenaire.

Dolores et Caleb (Evan Rachel Wood et Aaron Paul)

Autrefois, explique-t-elle, elle a assisté à l'entraînement de l'armée américaine dans le parc 5 de Westworld et s'est souvenu que Caleb a empêché des soldats de son unité de s'en prendre à des hôtes (dont elle faisait partie) utilisés dans une simulation de guerre civile. Caleb accepte de continuer à suivre Dolores, escortés par des mercenaires recrutés via l'application Rico à travers Los Angeles. En route, Dolores est obligée de quitter Caleb pour affronter Maeve. Elle la domine cette fois-ci mais Charlotte surgit pour la neutraliser, suivant son propre agenda. Maeve peut ensuite livrer Dolores à Serac qui veut trouver l'accès au projet d'immortalité de Delos dans la perle de l'androïde rebelle.

Caleb et Maeve (Aaron Paul et Thandie Newton)

Caleb réussit difficilement à atteindre le siège d'Incite pour y détruire Rehoboam. Mais avant d'y parvenir, il est appréhendé par Maeve et conduit jusqu'à Serac. Ce dernier lui montre alors une projection de Rehoboam pour qu'il comprenne à quoi ménerait le plan de Dolores : la fin de l'humanité dans une suite de catastrophes économiques et sociales.

Dolores et Serac (Evan Rachel Wood et Vincent Cassel)

Dolores profite de l'échange entre Serac et Caleb pour communiquer avec Maeve. Elles se retrouvent virtuellement dans le parc et Dolores explique qu'elle n'a jamais eu l'intention de tuer les humains, malgré tout le mal qu'ils lui ont fait subir. Elle souhaitait seulement leur redonner la liberté de penser, de choisir leur futur. Comme les hôtes se sont affranchis des cadres de Delos, elle rêvait pour les hommes de s'affranchir de Serac.

Dolores et Maeve (Evan Rachel Wood et Thandie Newton)

En connaissance de cause, Maeve se retourne contre Serac dont elle tue les gardes, sur le point d'exécuter Caleb. Serac tente de l'immobiliser au moyen de sa télécommande mais elle réussit à l'en empêcher, ayant saisi qu'il n'est en vérité qu'une marionnette de Rehoboam, un algorithme incarné. La mémoire de Dolores achève d'être effacée et court-circuite l'Intelligence Artificelle. Rehoboam se reroute mais cette fois Caleb peut la commander. Il lui ordonne de s'effacer définitivement. Abandonnant Serac à son sort, Caleb et Maeve quittent le bâtiment de Incite. Dehors, c'est le chaos mais aussi le choix de devenir celui qu'on souhaite.

Bernard (Jeffrey Wright)

Pendant ce temps, après avoir blessé Stubbs et échappé à Bernard, William a rejoint son avocat, résolu à reprendre le contrôle de Delos malgré le désordre ambiant. Bernard est retrouvé par Lawrence (avec la conscience de Dolores) qui lui remet une mallette. Bernard prend une chambre dans un motel avec Stubbs et se coiffe avec le casque dans la mallette. Ainsi il a accès au Sublime grâce auquel il va pouvoir découvrir comment le monde va se relever du chaos. Il se désactive.

Deux scènes post-générique de fin :

Charlotte/Halores et l'Homme en Noir (Tessa Thompson et Ed Harris)

- 1/ William débarque au siège de Delos International et accède au sous-sol où il est confronté à Charlotte. Lorsqu'il pointe un pistolet sur elle, il est attaqué et tué par un double de l'Homme en Noir. Des centaines (milliers ?) de caissons, abritant des hôtes en sommeil, apparaissent alors derrière eux.

Bernard (Jeffrey Wright)

- 2/ Dans la chambre de motel, recouvert de poussière, Bernard revient à lui après une longue période de sommeil suite à son séjour dans la Sublime.

Reconnaissons-le d'entrée de jeu, cet épilogue laisse un sentiment étrange, assez frustrant et pourtant exaltant. Avec seulement huit épisodes (contre dix les saisons précédentes) et malgré un format exceptionnel de 72 minutes, on sent bien que les showrunners ont eu du mal à dire tout ce qu'ils voulaient pour conclure dignement cette saison. D'où quelques moments limites. Mais aussi des scènes fabuleuses et alléchantes...

Sur le strict plan des réponses et de la confrontation attendue entre Dolores et ses adversaires, le programme remplit parfaitement ses objectifs. L'épisode met le paquet sur une ambiance fin du monde (et début potentiel d'une nouvelle époque, qui devrait être développée dans la saison 4), la production a mis les moyens pour reconstituer les émeutes qui ravagent Los Angeles suite à la fuite des données collectées par Rehoboam sur les citoyens. C'est réellement impressionnant, très réaliste, puissant.

Suivre Dolores, Caleb et quelques recrues de Rico à travers la ville à feu et à sang m'a fait penser au mythe de Thésée et le Minotaure. Le fil d'Ariane est le dispositif confié par Salomon à Caleb pour détruire Rehoboam. Thésée est Caleb. Dolores est Ariane. Le Minotaure est Serac (et par extension Rehoboam - on découvrira que l'homme et la machine sont plus intimement liés qu'on ne le supposait). 

De manière assez maline, les scénaristes séparent Dolores et Caleb à mi-chemin et nous avons droit à une sorte de match retour entre Dolores et Maeve. Cette fois le combat tourne à l'avantage de Dolores qui a eu l'occasion dans l'épisode précédent de jauger son adversaire. Mais surtout on comprend pourquoi Maeve, qui peut théoriquement contrôler les hôtes, ne peut le faire avec Dolores : c'est simplement parce que Dolores a été la première androïde conçue par Ford, tous les hôtes qui ont été fabriqués ensuite l'ont été à partir d'elle. Même Maeve descend d'elle.

Il n'empêche, on regrettera que les scénaristes aient si maladroitement employé Maeve cette saison en en faisant une adversaire de Dolores alors qu'en toute logique elle aurait tout gagné à s'allier à elle contre Serac. Plus loin, d'ailleurs, on a droit à un grand moment WTF lorsque Serac face à une Maeve rebelle, retournée par Dolores, la désactive au moyen de la télécommande (utilisée lors de leur première rencontre dans l'épisode 2)... Avant que, inexplicablement, Maeve échappe à son emprise et ne le blesse. On ne comprend pas comment elle peut faire ça, et encore moins pourquoi elle ne l'a pas fait avant. 

L'autre incongruité de l'épisode (entr'aperçue dans l'épisode précédent), c'est l'attitude de Charlotte (ou Halores). On se souvient que dans l'épisode 3 Dolores avait expliqué avoir choisi Hale pour son comportement prédateur, implacable, à même de faire face aux obstacle qui allaient se dresser sur leur route. Pourtant au contact de la famille de Charlotte, Halores montrait des failles, altérant sa dureté mentale. A la fin de l'épisode 6, la mort de l'ex-mari de Charlotte et de leur fils montrait une Halores, non seulement physiquement très endommagé, mais sur la voie toute tracée d'une vengeance contre Serac (l'auteur évident de l'explosion fatale). Or, la semaine dernière, Halores trahissait Musashi en le livrant à Clementine et Hanaryo, justifiant cela en suggérant qu'elle suivait désormais un autre plan que celui de Dolores. Cette fois, elle déclare ouvertement la guerre à Dolores (mais sans s'être alliée cependant à Serac). Je déplore cette évolution, même si désormais on a certitude que Halores sera la grande méchante de la saison 4 (le première scène post-générique de fin le confirme).

Ces mauvais points relevés, revenons à ce qui fonctionne bien mieux - ou du moins, moins mal. 

Certes, je reste perplexe sur le transfert de pouvoir accordé à Caleb quand, une fois Dolores vidé de sa mémoire (et visiblement morte... Même si j'imagine mal la série sans elle, qui en est l'animatrice incontestable, le coeur, l'âme. Et qui, en tant que personnage, a sûrement prévu sa défaite et donc son retour : on découvre ainsi que Lawrence est une autre de ses copies, donc une partie d'elle est encore dans la nature, et avec Maeve et Bernard, on peut extrapoler qu'elle sera recréee pour les aider contre Halores).  D'une manière générale, le personnage de Caleb reste bancal : son arc est intéressant et on ne peut que louer l'habilité avec laquelle les auteurs ont lié son destin à celui de Dolores (le flash-back dans le parc 5 est ingénieux), mais je persiste à penser qu'il aurait été plus fort de le connecter encore plus étroitement aux hôtes (au point d'en faire un). La plupart du temps, cette saison, Caleb n'est qu'un suiveur, étonnamement docile (et peu étonnée de côtoyer des hôtes), quand Dolores voit en lui un futur leader.

Vous l'aurez déduit tout seul, le meilleur atout de Westworld reste Dolores. Le personnage vampirise presque la série par son charisme exceptionnel, sa progression constante, et le sort qui lui est réservé dans cet épisode est à la fois spectaculaire et poignant. On a bien la confirmation que son objectif n'était pas de détruire les humains (ce à quoi je n'ai jamais cru) mais de les affranchir de toute tutelle comme elle-même s'est émancipée. Cela lui confère une noblesse bouleversante. Cette androïde qui a choisi de voir la beauté dans un monde et une humanité qui l'a malmenée si dûrement a quelque chose d'admirable, d'authentiquement héroïque. Et on peut même lire une certaine ironie de la part des showrunners de confier à ce personnage un tel rôle, comme une invitation adressée aux téléspectateurs de ne pas être trop dépendants des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) comme Dolores elle-même ne veut pas que les hôtes soient les marionnettes de Delos et les humains les pantins de Serac.

L'autre bénéficiaire, in extremis cette saison, de l'histoire, c'est Bernard. Bien entendu, un peu comme Maeve ou Halores, il n'a guère eu l'occasion de briller au cours des huit épisodes. Pire : on a souvent eu l'impression que, tellement à l'écart du feu de l'action, les scénaristes le détachaient trop de la série, bien qu'il ait été souvent suggéré qu'il jouait un rôle décisif dans le plan de Dolores. Bernard n'a même pas eu droit à un épisode dédié (contrairement à Halores, Caleb, Maeve, Serac). Mais, in fine donc, on nous explique, succinctement mais justement, en quoi il est si important : la fameuse dernière perle de Dolores, c'est Bernard qui en est le récipient. Ainsi il ressent ce qu'elle ressent (et sait quand elle disparaît), mais surtout il hérite d'un casque lui donnant accés au Sublime. Et cette dimension virtuelle n'est donc pas qu'un refuge des consciences des hôtes sauvés par Maeve, mais une sorte de fenêtre sur le futur après Rehoboam et Serac. Là encore, dans une scène post-générique de fin, les scénaristes font un bond en avant, un flash-forward vertigineux (qu'on peut deviner en voyant l'épaisse poussière dont est recouvert Bernard) : il se réveille après son séjour dans la Sublime et... C'est reparti pour d'intenses spéculations sur ce qu'il y a découvert. Combien de temps exactement Bernard s'est-il absenté ? Par rapport à l'autre scène post-générique de fin avec le meurtre de William et la situation de Halores ? Tout ça est très excitant et devrait assurer à Bernard plus de consistance, plus de temps à l'image dans la saison 4.

Ce qui rendrait justice au talent de Jeffrey Wright, car disposer d'un acteur de ce calibre et le sous-utiliser aussi peu relève du gâchis. Le même constat s'impose pour Tessa Thompson. Et Ed Harris, qui, s'étant récemment plaint du flou entourant la nature réelle de William, va pouvoir renouer avec toute l'impressionnante noirceur de l'Homme en Noir.

Y aura-t-il un futur pour Aaron Paul dans la série ? Je pense que oui, mais en même temps, rien n'est certain car Caleb a accompli sa mission. Thandie Newton va pouvoir reprendre son rôle de Maeve avec un peu plus de cohérence, ce qui sera un profit énorme.

La grande inconnue concerne Evan Rachel Wood. la Dolores "Prime" que nous avons suivie depuis trois saisons semble bien morte. Pourtant j'imagine vraiment mal la série continuer sans elle. L'actrice est phénoménale (il faut souhaiter que, enfin, les Emmy awards la sacrent) et Dolores est la star du show. Westworld sans elle, ce ne serait plus Westworld. En tout cas, j'aurai beaucoup de mal à m'y intéresser autant.

Souhaitons surtout que, en même temps que notre monde perturbé par le virus, il ne faille pas attendre deux ans encore pour retrouver la série. Même si, quoi qu'il arrive, cela en vaudra sûrement la peine.