Et c'est la fin de cette saison 3 de Westworld. Ce huitième épisode long de 72 minutes offre un épilogue épique tout en ne répondant pas à tout (une tradition pour la série). En vérité, le show de Jonathan Nolan et Lisa Joy a une étonnante faculté à conjuguer sophistication et non-sens. A cet égard, cet ultime chapitre résume les (grandes) qualités et les (petits) défauts de ce qui a eu lieu cette année. Entre moments WTF et scènes anthologiques en somme.
Caleb et Dolores (Aaron Paul et Evan Rachel Wood)
Muni de la perle de Dolores, Caleb revient à Los Angeles, à feu et à sang. Guidé par la stratégie de Salomon, il découvre dans un entrepôt un coffre avec un nouveau corps pour Dolores qu'il active. Elle lui explique alors qu'ils doivent à présent détruire Rehobaom avec le virus que leur a procuré Salomon. Mais avant cela, Caleb exige de savoir pourquoi elle l'a choisi comme partenaire.
Dolores et Caleb (Evan Rachel Wood et Aaron Paul)
Autrefois, explique-t-elle, elle a assisté à l'entraînement de l'armée américaine dans le parc 5 de Westworld et s'est souvenu que Caleb a empêché des soldats de son unité de s'en prendre à des hôtes (dont elle faisait partie) utilisés dans une simulation de guerre civile. Caleb accepte de continuer à suivre Dolores, escortés par des mercenaires recrutés via l'application Rico à travers Los Angeles. En route, Dolores est obligée de quitter Caleb pour affronter Maeve. Elle la domine cette fois-ci mais Charlotte surgit pour la neutraliser, suivant son propre agenda. Maeve peut ensuite livrer Dolores à Serac qui veut trouver l'accès au projet d'immortalité de Delos dans la perle de l'androïde rebelle.
Caleb et Maeve (Aaron Paul et Thandie Newton)
Caleb réussit difficilement à atteindre le siège d'Incite pour y détruire Rehoboam. Mais avant d'y parvenir, il est appréhendé par Maeve et conduit jusqu'à Serac. Ce dernier lui montre alors une projection de Rehoboam pour qu'il comprenne à quoi ménerait le plan de Dolores : la fin de l'humanité dans une suite de catastrophes économiques et sociales.
Dolores et Serac (Evan Rachel Wood et Vincent Cassel)
Dolores profite de l'échange entre Serac et Caleb pour communiquer avec Maeve. Elles se retrouvent virtuellement dans le parc et Dolores explique qu'elle n'a jamais eu l'intention de tuer les humains, malgré tout le mal qu'ils lui ont fait subir. Elle souhaitait seulement leur redonner la liberté de penser, de choisir leur futur. Comme les hôtes se sont affranchis des cadres de Delos, elle rêvait pour les hommes de s'affranchir de Serac.
Dolores et Maeve (Evan Rachel Wood et Thandie Newton)
En connaissance de cause, Maeve se retourne contre Serac dont elle tue les gardes, sur le point d'exécuter Caleb. Serac tente de l'immobiliser au moyen de sa télécommande mais elle réussit à l'en empêcher, ayant saisi qu'il n'est en vérité qu'une marionnette de Rehoboam, un algorithme incarné. La mémoire de Dolores achève d'être effacée et court-circuite l'Intelligence Artificelle. Rehoboam se reroute mais cette fois Caleb peut la commander. Il lui ordonne de s'effacer définitivement. Abandonnant Serac à son sort, Caleb et Maeve quittent le bâtiment de Incite. Dehors, c'est le chaos mais aussi le choix de devenir celui qu'on souhaite.
Bernard (Jeffrey Wright)
Pendant ce temps, après avoir blessé Stubbs et échappé à Bernard, William a rejoint son avocat, résolu à reprendre le contrôle de Delos malgré le désordre ambiant. Bernard est retrouvé par Lawrence (avec la conscience de Dolores) qui lui remet une mallette. Bernard prend une chambre dans un motel avec Stubbs et se coiffe avec le casque dans la mallette. Ainsi il a accès au Sublime grâce auquel il va pouvoir découvrir comment le monde va se relever du chaos. Il se désactive.
Deux scènes post-générique de fin :
Charlotte/Halores et l'Homme en Noir (Tessa Thompson et Ed Harris)
- 1/ William débarque au siège de Delos International et accède au sous-sol où il est confronté à Charlotte. Lorsqu'il pointe un pistolet sur elle, il est attaqué et tué par un double de l'Homme en Noir. Des centaines (milliers ?) de caissons, abritant des hôtes en sommeil, apparaissent alors derrière eux.
- 2/ Dans la chambre de motel, recouvert de poussière, Bernard revient à lui après une longue période de sommeil suite à son séjour dans la Sublime.
Reconnaissons-le d'entrée de jeu, cet épilogue laisse un sentiment étrange, assez frustrant et pourtant exaltant. Avec seulement huit épisodes (contre dix les saisons précédentes) et malgré un format exceptionnel de 72 minutes, on sent bien que les showrunners ont eu du mal à dire tout ce qu'ils voulaient pour conclure dignement cette saison. D'où quelques moments limites. Mais aussi des scènes fabuleuses et alléchantes...
Sur le strict plan des réponses et de la confrontation attendue entre Dolores et ses adversaires, le programme remplit parfaitement ses objectifs. L'épisode met le paquet sur une ambiance fin du monde (et début potentiel d'une nouvelle époque, qui devrait être développée dans la saison 4), la production a mis les moyens pour reconstituer les émeutes qui ravagent Los Angeles suite à la fuite des données collectées par Rehoboam sur les citoyens. C'est réellement impressionnant, très réaliste, puissant.
Suivre Dolores, Caleb et quelques recrues de Rico à travers la ville à feu et à sang m'a fait penser au mythe de Thésée et le Minotaure. Le fil d'Ariane est le dispositif confié par Salomon à Caleb pour détruire Rehoboam. Thésée est Caleb. Dolores est Ariane. Le Minotaure est Serac (et par extension Rehoboam - on découvrira que l'homme et la machine sont plus intimement liés qu'on ne le supposait).
De manière assez maline, les scénaristes séparent Dolores et Caleb à mi-chemin et nous avons droit à une sorte de match retour entre Dolores et Maeve. Cette fois le combat tourne à l'avantage de Dolores qui a eu l'occasion dans l'épisode précédent de jauger son adversaire. Mais surtout on comprend pourquoi Maeve, qui peut théoriquement contrôler les hôtes, ne peut le faire avec Dolores : c'est simplement parce que Dolores a été la première androïde conçue par Ford, tous les hôtes qui ont été fabriqués ensuite l'ont été à partir d'elle. Même Maeve descend d'elle.
Il n'empêche, on regrettera que les scénaristes aient si maladroitement employé Maeve cette saison en en faisant une adversaire de Dolores alors qu'en toute logique elle aurait tout gagné à s'allier à elle contre Serac. Plus loin, d'ailleurs, on a droit à un grand moment WTF lorsque Serac face à une Maeve rebelle, retournée par Dolores, la désactive au moyen de la télécommande (utilisée lors de leur première rencontre dans l'épisode 2)... Avant que, inexplicablement, Maeve échappe à son emprise et ne le blesse. On ne comprend pas comment elle peut faire ça, et encore moins pourquoi elle ne l'a pas fait avant.
L'autre incongruité de l'épisode (entr'aperçue dans l'épisode précédent), c'est l'attitude de Charlotte (ou Halores). On se souvient que dans l'épisode 3 Dolores avait expliqué avoir choisi Hale pour son comportement prédateur, implacable, à même de faire face aux obstacle qui allaient se dresser sur leur route. Pourtant au contact de la famille de Charlotte, Halores montrait des failles, altérant sa dureté mentale. A la fin de l'épisode 6, la mort de l'ex-mari de Charlotte et de leur fils montrait une Halores, non seulement physiquement très endommagé, mais sur la voie toute tracée d'une vengeance contre Serac (l'auteur évident de l'explosion fatale). Or, la semaine dernière, Halores trahissait Musashi en le livrant à Clementine et Hanaryo, justifiant cela en suggérant qu'elle suivait désormais un autre plan que celui de Dolores. Cette fois, elle déclare ouvertement la guerre à Dolores (mais sans s'être alliée cependant à Serac). Je déplore cette évolution, même si désormais on a certitude que Halores sera la grande méchante de la saison 4 (le première scène post-générique de fin le confirme).
Ces mauvais points relevés, revenons à ce qui fonctionne bien mieux - ou du moins, moins mal.
Certes, je reste perplexe sur le transfert de pouvoir accordé à Caleb quand, une fois Dolores vidé de sa mémoire (et visiblement morte... Même si j'imagine mal la série sans elle, qui en est l'animatrice incontestable, le coeur, l'âme. Et qui, en tant que personnage, a sûrement prévu sa défaite et donc son retour : on découvre ainsi que Lawrence est une autre de ses copies, donc une partie d'elle est encore dans la nature, et avec Maeve et Bernard, on peut extrapoler qu'elle sera recréee pour les aider contre Halores). D'une manière générale, le personnage de Caleb reste bancal : son arc est intéressant et on ne peut que louer l'habilité avec laquelle les auteurs ont lié son destin à celui de Dolores (le flash-back dans le parc 5 est ingénieux), mais je persiste à penser qu'il aurait été plus fort de le connecter encore plus étroitement aux hôtes (au point d'en faire un). La plupart du temps, cette saison, Caleb n'est qu'un suiveur, étonnamement docile (et peu étonnée de côtoyer des hôtes), quand Dolores voit en lui un futur leader.
Vous l'aurez déduit tout seul, le meilleur atout de Westworld reste Dolores. Le personnage vampirise presque la série par son charisme exceptionnel, sa progression constante, et le sort qui lui est réservé dans cet épisode est à la fois spectaculaire et poignant. On a bien la confirmation que son objectif n'était pas de détruire les humains (ce à quoi je n'ai jamais cru) mais de les affranchir de toute tutelle comme elle-même s'est émancipée. Cela lui confère une noblesse bouleversante. Cette androïde qui a choisi de voir la beauté dans un monde et une humanité qui l'a malmenée si dûrement a quelque chose d'admirable, d'authentiquement héroïque. Et on peut même lire une certaine ironie de la part des showrunners de confier à ce personnage un tel rôle, comme une invitation adressée aux téléspectateurs de ne pas être trop dépendants des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) comme Dolores elle-même ne veut pas que les hôtes soient les marionnettes de Delos et les humains les pantins de Serac.
L'autre bénéficiaire, in extremis cette saison, de l'histoire, c'est Bernard. Bien entendu, un peu comme Maeve ou Halores, il n'a guère eu l'occasion de briller au cours des huit épisodes. Pire : on a souvent eu l'impression que, tellement à l'écart du feu de l'action, les scénaristes le détachaient trop de la série, bien qu'il ait été souvent suggéré qu'il jouait un rôle décisif dans le plan de Dolores. Bernard n'a même pas eu droit à un épisode dédié (contrairement à Halores, Caleb, Maeve, Serac). Mais, in fine donc, on nous explique, succinctement mais justement, en quoi il est si important : la fameuse dernière perle de Dolores, c'est Bernard qui en est le récipient. Ainsi il ressent ce qu'elle ressent (et sait quand elle disparaît), mais surtout il hérite d'un casque lui donnant accés au Sublime. Et cette dimension virtuelle n'est donc pas qu'un refuge des consciences des hôtes sauvés par Maeve, mais une sorte de fenêtre sur le futur après Rehoboam et Serac. Là encore, dans une scène post-générique de fin, les scénaristes font un bond en avant, un flash-forward vertigineux (qu'on peut deviner en voyant l'épaisse poussière dont est recouvert Bernard) : il se réveille après son séjour dans la Sublime et... C'est reparti pour d'intenses spéculations sur ce qu'il y a découvert. Combien de temps exactement Bernard s'est-il absenté ? Par rapport à l'autre scène post-générique de fin avec le meurtre de William et la situation de Halores ? Tout ça est très excitant et devrait assurer à Bernard plus de consistance, plus de temps à l'image dans la saison 4.
Ce qui rendrait justice au talent de Jeffrey Wright, car disposer d'un acteur de ce calibre et le sous-utiliser aussi peu relève du gâchis. Le même constat s'impose pour Tessa Thompson. Et Ed Harris, qui, s'étant récemment plaint du flou entourant la nature réelle de William, va pouvoir renouer avec toute l'impressionnante noirceur de l'Homme en Noir.
Y aura-t-il un futur pour Aaron Paul dans la série ? Je pense que oui, mais en même temps, rien n'est certain car Caleb a accompli sa mission. Thandie Newton va pouvoir reprendre son rôle de Maeve avec un peu plus de cohérence, ce qui sera un profit énorme.
La grande inconnue concerne Evan Rachel Wood. la Dolores "Prime" que nous avons suivie depuis trois saisons semble bien morte. Pourtant j'imagine vraiment mal la série continuer sans elle. L'actrice est phénoménale (il faut souhaiter que, enfin, les Emmy awards la sacrent) et Dolores est la star du show. Westworld sans elle, ce ne serait plus Westworld. En tout cas, j'aurai beaucoup de mal à m'y intéresser autant.
Souhaitons surtout que, en même temps que notre monde perturbé par le virus, il ne faille pas attendre deux ans encore pour retrouver la série. Même si, quoi qu'il arrive, cela en vaudra sûrement la peine.