dimanche 12 avril 2020

WESTWORLD - SAISON 3, EPISODE 4 : THE MOTHER OF EXILES (HBO)



Attention ! Chef d'oeuvre ! Ce quatrième épisode de la saison 3 de Westworld, The Mother of Exiles, intervient donc à mi-parcours et atteint un pic dans la narration. Tout y est parfait : la caractérisation des personnages, les coups de théâtre, la progression de l'intrigue, les pistes ouvertes, la réalisation, l'interprétation. Le plaisir est total et la seconde moitié de la saison s'annonce grandiose.

William et le fantôme de sa fille Emily (Ed Harris et Katja Herbers)

Evacué de Westworld alors qu'il était gravement blessé et mentalement très atteint par la mort de sa fille Emily (qu'il a tuée en pensant qu'elle était un hôte du parc), William (alias l'Homme en Noir) n'est plus que l'ombre de lui-même, hanté par des visions de sa victime. C'est dans ce contexte qu'il reçoit la visite de Charlotte Hale, venue lui demander de réintégrer le conseil d'administration de Delos afin de contrer les manoeuvres de rachat de Serac.

Caleb et Dolores (Aaron Paul et Evan Rachel Wood)

Cependant, Dolores et Caleb poursuivent le plan de cette dernière en s'emparant d'une clé de décryptage donnant accès au compte bancaire de Liam Dempsey Jr.. Ils lui subtilisent sa fortune colossale en trompant le vigilance de la banque. Bernard et Ashley sont encore loin derrière mais le premier est convaincu que Dolores a remplacé Liam par un hôte et il compte le kidnapper lors d'une soirée de charité à laquelle il doit participer.

Bernard et Caleb (Jeffrey Wright et Aaron Paul)

C'est dans ce cadre que Dolores et Caleb, d'un côté, et Bernard et Ashley, de l'autre, vont se croiser. Bernard et Ashley coincent Liam pour constater qu'il n'est pas un hôte lorsque Dolores et Caleb les surprennent. Bernard s'enfuit avec Liam, poursuivis par Caleb, tandis que Dolores affronte (et tue) Ashley. Dehors, Martin Connels intervient pour stopper Bernard, laissant Liam décamper, rattrapé par Caleb.

Enguerrand Serac (Vincent Cassel)

Loin du théâtre de ces opérations, Serac convainc enfin Maeve de collaborer avec lui en échange de quoi il la renverra auprès de sa fille dans la Sublime.Il explique que son projet avec le Rehoboam est de dupliquer l'esprit humain afin de prévenir les catastrophes - comme la destruction atomique de Paris à laquelle il,assista enfant. Mais pour cela il doit détenir des données développées par Delos, auxquelles Dolores peut seule accéder.

Maeve (Thandie Newton)

Pour remonter la piste de Dolores, il faut à Maeve retrouver le Croque-Mort, un trafiquant d'organes qui aurait pu lui fournir des corps pour héberger les cinq perles qu'elle a emportées en quittant Westworld. A Singapour, en utilisant ses pouvoirs sur la technologie, Maeve atteint le Croque-Mort qui lui révèle disposer des corps grâce aux yakusas. Ainsi Maeve rencontre-t-elle le chef de ces derniers, Sato... Qui n'est autre que Sato, rescapé du Shogunworld !

Liam Dempsey Jr., Dolores et Caleb (John Gallagher Jr., Evan Rachel Wood et Aaron Paul)

Simultanèment, William, Bernard et Maeve vont comprendre le stratagème génial de Dolores. Elle a implanté dans les corps de Charlotte, Martin et Sato/Musashi son esprit - ils sont tous des copies de Dolores ! Bernard reste stupéfait. Maeve, surprise, est tué par Sato en combat au sabre. William est interné dans un asile après avoir dénoncé Charlotte à des infirmiers qu'il prenait pour des employés de Delos - dans sa cellule, il reçoit la visite du spectre de Dolores qui lui dit avoir accompli les dernières volontés d'Emily en l'enfermant dans sa propre folie.

Il y a, comme ça, des épisodes (de comics, de séries télé) si bien foutus qu'on en retire un plaisir intense, même si les auteurs vous ont roulé dans la farine en vous entraînant auparavant sur de fausses pistes. La solution choisie par les auteurs de Westworld pour révéler qui sont les hôtes alliés de Dolores est aussi simple que magistrale car fabuleusement amenée.

Ce n'est pas la première fois que la série réserve à ses fans un coup de théâtre si subtilement et efficacement conduit : on se souviendra par exemple de ce moment où on découvrit que le jeune William était le futur Homme en Noir, ou encore quand Ford décida de se suicider en préprogrammant les hôtes pour qu'ils massacrent les invités de Delos à son pot de départ, ou encore quand on comprit que Bernard était un hôte, etc.

Réussir encore à surprendre son public après trois saisons de façon aussi spectaculaire et intelligente est la preuve de l'excellence dans l'écriture des auteurs de la série. Cet épisode est un mécanique de précision, un modèle de construction, et quand Maeve, William et Bernard saisissent, en même temps, à qui ils font face, un frisson délicieux vous parcourt. La suite est encore plus jubilatoire : Bernard est comme interdit, Maeve est dépassée par Sato...

Mais c'est surtout le sort de William/l'Homme en Noir qui retient le plus l'attention. L'épisode 1 était celui de Dolores, le 2 celui de Maeve, le 3 de Charlotte : celui-ci est le sien. On retrouve ce personnage emblématique de la série dans un sale état physique et surtout mental, hanté par le fantôme de sa fille (le plaisir de revoir Katja Herbers, qui est depuis la vedette de la série Evil). Rappelons qu'il a assassiné cette dernière dans le parc en croyant qu'il s'agissait d'un hôte venue le tourmenter selon le voeu de Ford et tout devient évident.

Sur ces entrefaîtes, Charlotte Hale arrive et elle a besoin de lui pour contrer l'OPA de Serac sur Delos. Elle rase (comme autrefois Dolores le fit dans le parc, ce qui est déjà un indice sur ce qui suit), il s'habille, parle à Emily dont le reflet apparaît dans un miroir. Ce dialogue n'échappe par à Charlotte et elle le lui révèle. Un malaise s'installe et dans le regard malade de William brille déjà un soupçon sur l'identité réelle de son interlocutrice. En présence de deux employés supposés de Delos, qui sont en fait des infirmiers et surtout des témoins, saisissant à qui il parle, William commet la faute qu'elle attendait : il s'emporte en prétendant que Charlotte est Dolores - les paroles d'un fou assurément, même s'il a raison. Et Charlotte/Dolores de lui avouer qu'elle a orchestré cette mise en scène pour qu'il soit déclaré dément et qu'elle hérite de sa voix au sein du conseil d'administration (elle devient ainsi de facto la patronne unique de la compagnie).

Le calvaire de William n'est pas terminé. Il est enfermé dans un asile, vêtu d'une combinaison blanche (en opposition à son costume noir de cowboy dans le parc) et, drogué, est sujet à de nouvelles hallucinations. Il voit désormais Dolores telle qu'elle était dans Westworld qui lui murmure à l'oreille avoir exaucé le souhait d'Emily en le condamnant à la pire des prisons, seul avec lui-même et ses démons. "We're at the endgame now" conclut-elle : la fin de la partie donc pour William - et une sortie terrible pour ce personnage.

Tout ce dispositif diabolique est ponctué par une autre série de scènes qui permettent de voir l'ensemble du casting comme autant de binômes en marche. Il y a la team Dolores avec Caleb, qui détourne la fortune de Liam Dempsey Jr.. Il y a la team Bernard avec Ashley qui veut empêcher Dolores d'enlever Liam. Et il y a la team Maeve avec Serac qui veut retrouver Dolores.

Les scénaristes disposent donc leurs pions de manière à ce chacun rencontre un double de Dolores dans le corps d'un hôte : Bernard avec Martin Connels, Maeve avec sato/Musashi, et donc William avec Charlotte. la simultanéité de la révélation renforce sa puissance dramatique et souligne la perfection tactique des mouvements de Dolores "Prime". Je crois que chaque téléspectateur sera aussi sidéré que Maeve, Bernard et William en découvrant la vérité sur la Dolores army. Personnellement, j'ai trouvé cela malin, imprévisible et prometteur (car cela déjoue tous les pronostics sur les perles subtilisées par Dolores). La réalisation doit rendre compte de ce moment de bascule le plus clairement possible pour maximiser son impact et à cet égard le montage de la scène est d'une fluidité absolue.

Le niveau atteint par les acteurs est aussi exceptionnel. Tessa Thompson a expliqué en interview qu'un de ses regrets concernant la fin de la saison 2 était d'avoir appris tardivement qu'elle jouerait désormais un double de Evan Rachel Wood. Elle a eu, cette fois, le temps de s'y préparer et comme Tommy Flanagan (Martin Connels) et Hiroyuku Sanada (Sato/Musashi) on peut apprécier avec quelle finesse elle a calé son jeu sur celui de sa partenaire, en adoptant la raideur glaciale, la détermination machiavélique. C'est très troublant.

Mais, bien sûr, c'est aussi Ed Harris qui assure le show. Il a toujours été phénoménal dans le rôle de l'Homme en Noir et une fois encore il habite le personnage avec une intensité peu commune. On regrette qu'il sorte de la série (apparemment définitivement... Même si dans Westworld, tout est possible : après tout, il ne meurt pas), mais il faut reconnaître aux auteurs de lui avoir donné une sortie mémorable (de ce point de vue, les grands acteurs qui ont peuplé la série ont toujours eu droit à des adieux de première classe).

Vous l'aurez compris, les superlatifs manquent pour distinguer cet épisode. On peut bien sûr craindre qu'après la série peine à maintenir ce niveau. Mais l'expérience nous contredirait car Westworld, c'est ce miracle permanent d'une série qui sait grandir sans avoir peur de rien. Surtout pas de se dépasser.

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