samedi 4 avril 2020

BIRDS OF PREY ET LA FANTABULEUSE HISTOIRE DE HARLEY QUINN, de Cathy Yan


C'était juste avant le confinement général, presque dans une autre vie : Birds of Prey et la Fantabuleuse Histoire de Harley Quinn sortait en salles. C'est un vrai ovni que le film réalisé par Cathy Yan, à la fois spin-off de Suicide Squad (David Ayer, 2016), hybride inspiré par le cinéma de Tarantino et Guy Ritchie, manifeste féministe, drôle de film de super-héros. Armé d'un casting bigarré, malgré quelques gros défauts, cette curiosité est souvent jubilatoire.

Dinah Lance/Black Canary et Harley Quinn (Jurnee Smollett Bell et Margot Robbie)

Abandonnée par le Joker, Harley Quinn est désormais livrée à elle-même dans les rues de Gotham. Entre chagrin et volonté de s'émanciper, elle créé un esclandre au club tenu par Roman Sionis alias Black Mask lorsqu'elle refuse sa protection. Une fois dehors, au petit matin, elle échappe à une tentative d'enlèvement par des malfrats qu'elle humilia jadis grâce à l'intervention musclée de Dinah Lance alias Black Canaary. Sionis, témoin de la scène, charge son lieutenant, Victor Zsasz, d'offrir à Dinah un poste de chauffeur particulier.

Huntress et Renee Montoya (Mary Elizabeth Winstead et Rosie Perez)

La nuit suivante, Harley fait exploser l'usine de Ace Chemicals, où elle lia son destin à celui du Joker. Au même moment, non loin de là, la détective du GCPD Renee Montoya enquête sur une nouvelle exécution commise par le tueur à l'arbalète lorsque la déflagration l'entraîne dehors. Elle y trouve le collier de Harley et en déduit qu'ellle est responsable de la destruction de l'usine voisine.

Harley Quinn, Victor Zsasz et Roman Sionis (Margot Robbie, Chris Messina et Ewan McGregor)

Sionis envoie Dinah et Zsasz récupérer le diamant Bertinelli, dans lequel serait gravé un code permettant d'accéder à leur fortune. Mais la jeune pickpocket Cassandra Cain subtilise le caillou à Zsasz juste avant d'être arrêtée par la police. Montoya appréhende Harley - mais doit la relâcher sous la pression de son supérieur qui ne veut pas risquer d'attirer l'attention du Joker. A peine libérée, Harley est capturée par les sbires de Sionis, qui n'a pas apprécié qu'elle le repousse.

Helena Bertinelli/Huntress (Mary Elizabeth Winstead)

En échange de la vie sauve, Harley, qui l'a entendu évoquer le diamant Bertinelli avec Zsasz, propose à Sionis de le lui retrouver. Elle attaque le commissariat où a été conduite Cassandra et l'aide à s'en échapper. Elle l'emmène ensuite chez elle, dans l'appartement qu'elle occupe au-dessus du restaurant de Doc. Ce dernier sait tout ce qui se passe dans le milieu et il est abordé par Helena Bertinelli alias le tueur à l'arbalète alias Huntress qui traque les assassins de ses parents - et apprend ainsi qu'ils étaient à la solde de Sionis.

Huntress, Harley Quinn, Renee Montoya, Cassandra Cain et Dinah Lance
(Mary Elizabeth Winstead, Margot Robbie, Rosie Perez
Ella Jay Blasco et Jurnee Smollett Bell)

Délogées par des ennemis du Joker, Harley et Cassandra sont obligées de fuir. Pour se protéger d'eux, Harley appelle Sionis et accepte de lui livrer Cassandra. Ils conviennent de se rencontrer dans un parc d'attractions désaffecté. Dinah prévient Montoya du danger que court Cassandra, sans se méfier de Zsasz qui l'entend au téléphone et prévient Sionis - que Huntress suit désormais en attendant de pouvoir l'éliminer. Tout ce beau monde se retrouve au point de rendez-vous, assiégé par Sionis et son armée. Harley convainc Montoya, Dinah, et Huntress (qui a tué Zsasz) de s'allier. Une bataille épique s'ensuit au terme de laquelle Sionis elève Cassandra avant d'être exécuté par cette dernière et Harley.

Cassandra Cain et Harley Quinn (Ella Jay Blasco et Margot Robbie)

Montoya démissionne du GCPD et forme avec Dinah (qui reprend le pseudo de Black Canary porté par sa défunte mère justicière) et Huntress pour combattre le crime organisé. Harley et Cassandra quittent Gotham avec l'argent que leur a rapporté la vente du diamant Bertinelli à un prêteur sur gages.

Plus encore que le film de Cathy Yan, Birds of Prey... est celui de son actrice-vedette Margot Robbie qui souhaitait donner au personnage de Harley Quinn son propre long métrage depuis Suicide Squad de David Ayer en 2006. Il fallait de la conviction et de détermination pour croire à ce spin-off après les critiques désastreuses du précédent opus et son mauvais score au box office.

De fait, la conception a été longue et chaotique pour aboutir moins à un film sur Harley Quinn qu'à un team-movie assez curieux, voulue comme une sorte de manifeste féministe post #metoo et une alternative farfelue aux films de super-héros.

Pour cela, la scénariste Christine Hodson a pris des libertés, parfois discutables du point de vue de la continuité, mais on n'est plus vraiment à ça près quand il s'agit de parler du DCCU (DC Cinematic Universe) où la notion d'univers partagé a volé en éclats depuis le désastre Justice League. Désormais Warner met en chantier des longs métrages sans lien les uns avec les autres, avec des styles très divers comme Joker, Shazam, Aquaman, Suicide Squad 2 (qui promet d'ignorer le premier), etc. L'antithèse du MCU donc.

Pourquoi alors être allé voir Birds of Prey... après avoir zappé Shazam, Aquaman ou Joker ? En bonne partie, une fois n'est pas coutume, sur la foi de la bande annonce et d'un passage en particulier où, lors d'une fusillade, on voyait Harley Quinn se planquer derrière un tas de sac qui contenait de la coke. La poudre respirée alors la motivait pour contre-attaquer et dégommer ses ennemis. Si tout le reste était à l'avenant, ça promettait. Et puis, un chouette casting aussi.

Le résultat n'est pas aussi dingue que promis mais tout de même assez surprenant et jubilatoire, malgré des maladresses. Le script et la réalisation usent et abusent même pendant le premier tiers du film d'artifices un peu lassants, avec des allers-retours présent-passé, pour présenter ses protagonistes et justifier leur présence dans un périmètre réduit. Il faut néanmoins en passer par là pour introduire une justicière comme Huntress dont l'histoire familiale est la base de l'intrigue et qui n'est guère connu du grand public (y compris chez les fans de comics). Il s'agit aussi de situer la flic dur à cuire qu'est Renee Montoya (au risque d'en faire une vraie caricature, mais assumée comme telle par les auteurs), de totalement modifier Cassandra Cain (une tueuse implacable dans les comics, une pickpocket dans le film) ou de résumer Dinah Lance (jouée par une actrice noire, alors que c'est une blonde blanche dans les comics).

Paradoxalement, c'est dans cette mosaïque de personnages que le film gagne une identité accrochesue plutôt que de rester focalisé sur Harley Quinn. Le récit échoue assez remarquablement à traduire la folie de l'ex-fiancée du Joker et en tirer des effets comiques convaincants. En fin de compte, elle apparaît plutôt comme une foldingue pathétique pendant les deux tiers de l'histoire et quand elle doit rebondir pour sauver sa peau, elle le fait en admettant commettre un acte lâche (livrer Cassandra à Sionis). Etrange façon de rendre le personnage sympathique - et de fait, on aura plus de faciliter à se lier à Dinah ou même à Huntress.

La mise en scène est aussi déroutante. Cathy Yan cite, jusqu'à l'excès, Tarantino (jusqu'à la fin où le combat des "Oiseaux de Proie" renvoie à celui des filles de Boulevard de la Mort) et Guy Ritchie (avec une surabondance de plans, un montage effrénée, des ralentis, tout une collection d'effets tape-à-l'oeil). On a l'impression d'un film rempli à ras-bord de références stylistiques, une sorte de collage dans lequel la contribution réelle de la réalisatrice est difficile à cerner. Pourtant il semble qu'elle ait bénéficié d'une grande liberté (grâce à sa complicité avec son actrice-vedette qui est aussi co-productrice). Ce n'est pas déplaisant mais impersonnel.

Toutefois, cet aspect baroque, bancal, joue en faveur de l'ensemble car on finit par ne plus savoir à quoi s'attendre. Et quand, dans le dernier tiers, tout s'assemble, converge, on est agréablement surpris. La manière dont le scénario réussit à réunir bons et méchants dans un lieu unique pour une explication épique, mise en scène avec brio, et avec, pour le coup, un humour réjouissant, est même formidable.

Cela, le film le doit beaucoup à ses acteurs, et surtout ses actrices. Margot Robbie reprend donc son rôle de Harley Quinn et livre une composition outrancière à souhait : cela ne répond pas à la question de son talent réel (que je trouve surestimé, bien que les critiques montent la comédienne en épingle depuis son passage, pourtant insignifiant, chez Tarantino), mais indéniablement elle investit le personnage et le défend avec énergie. le choix de Rosie Perez pour jouer Renee Montoya m'a également surpris car la comédienne est trop âgée et moins séduisante que son modèle, le script lui réservant un traitement par ailleurs trop caricatural. La jeune Ella Jay Blasco a aussi du mal à exister au milieu de ce cirque (alors que, c'est embêtant, elle est le trait d'union entre une majorité de personnages).

En revanche, il y a de superbes surprises. Par exemple, le tandem formé par Ewan McGregor et Chris Messina, avec un sous-texte homo savoureux, est fameux, voilà des méchants à la fois grotesques et sinistres. Jurnee Smollett Bell incarne Dinah Lance avec sobriété et efficacité, une espèce de rage rentrée et malgré tout très sexy détonante.

Pourtant, la grande gagnante de l'affaire, c'est Mary Elizabeth Winstead, dont l'interprétation a fait l'unanimité auprès des fans. Actice honteusement sous-côtée, elle joue Huntress avec beaucoup d'auto-dérision et fait de cette justicière une irrésisitible névrosée, qui ne contrôle pas du tout ses accès de colère et entretient des relations avec ses alliées de circonstances constamment décalées. Si Warner-DC est inspiré, alors il faudrait lui consacrer son propre long métrage.

Birds of Prey and the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn est un objet foutraque, mal foutu, mais finalement attachant. Sa bizarrerie est son meilleur atout, avec le numéro de quelques-uns de ses acteurs, l'habileté insoupçonnée de son script. Fouillis donc, mais aussi diablement rafraîchissant et tonique.  


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