samedi 21 mars 2020

X-FORCE #9, de Benjamin Percy et Joshua Cassara


C'est le retour de la X-Force que j'aime avec ce neuvième épisode, après deux numéros en deçà. Déjà parce qu'on retrouve au dessin l'impeccable Joshua Cassara, avec les couleurs de Dean White : la face de la série en est changée, rien de moins. Et aussi parce que Benjamin Percy renoue avec l'inspiration de ses débuts, nous entraînant dans une aventure à suivre palpitante, capable de nous faire ressentir le danger.


Krakoa. Les mutants profitent de congés bien mérités. Wolverine joue à la roulette russe avec Daken. Jean Grey observe cela avec perplexité, constatant que sa participation à la X-Force a brouillé ses repères moraux. Sage retrouve Domino, ressuscitée et délestée de mauvais souvenirs.


Black Tom Cassidy tente de se soûler pour ne pas être envahi par les pensées de l'île. Une bagarre éclate quand un mutant lui reproche son attitude. Wolverine va s'en mêler quand le Fauve le réclame ailleurs pour une mission, en compagnie de Domino et Kid Omega, en Terra Verde.


Depuis leur dernière visite là-bas, les contacts se sont rompus inexplicablement. Le trio doit aller voir si quelque chose cloche. Et déjà, en voulant traverser un portail pour s'y rendre, ils sont empêchés. Kid Omega y remédie.


Sur place, Wolverine, Domino et Kid Omega découvrent un pays envahi par une végétation anormalement abondante et virulente. le président est mort. Le Fauve fait des recherches rapides sur la mythologie locale et oriente le trio en direction d'un temple voisin.


Tandis que Wolverine, Domino et Kid Omega pénètrent dans le temple, en s'inquiétant de l'environnement et de la faune, le Fauve convoque Black Tom Cassidy pour l'envoyer en Terra Verde en renfort. Kid Omega ressort du temple, affolé, poursuivi par une présence menaçante.

Les deux précédents épisodes de X-Force, en s'éloignant des fondamentaux du titre depuis sa reprise par Benjamin Percy, m'avaient déçu. Par ailleurs l'absence de Joshua Cassara au dessin se faisait durement sentir.

C'est le propre des bonnes séries de se ressaisir rapidement et ce neuvième numéro le prouve car le scénariste reprend ses bonnes habitudes et retrouve son artiste pour une livraison de haute volée.

Pourtant l'épisode démarre curieusement en montrant les mutants sur leur île en train de s'amuser. Bon, ce sont des distractions spéciales : Wolverine et Daken pratiquent une variante de la roulette russe bien saignante par exemple. Et, comme Jean Grey, qui lui en fait le reproche, on s'interroge. Et déjà on voit que Percy est en verve car, mine de rien, il met l'accent sur l'étrangeté de cette communauté, et à travers elle de sa police, la X-Force, dont les missions affectent les membres très diversement.

Jean Grey avoue à Cyclope qu'elle ne sait plus trop où elle en est. Domino reconnaît qu'elle s'est débarrassée de mauvais souvenirs à la faveur de sa résurrection et Sage s'en soucie. On reconnaît bien là des motifs suggérés chez Hickman dans X-Men au sujet de manipulations mentales au cours des résurrections et des comportements sociaux perturbants en vigueur sur Krakoa - une somptueuse double page nous montre les mutants à la fête (voir ci-dessus, image 1) et on retrouve bien ce mélange d'orgie et de mouvements sectaires dans une ambiance vite surchauffée. Je me demande si on s'y habituera vraiment tant c'est atypique.

Puis Percy rentre dans le vif du sujet. Il envoie, grâce au Fauve (lui-même devenu un personnage plus trouble qu'auparavant, en tant que chef d'orchestre de la X-Force), Wolverine, Domino et Kid Omega en Terra Verde - il les y renvoie plus exactement puisque l'équipe y est déjà intervenue et en est repartie sans voir qu'une menace inédite y était apparue à la suite de son action.

La situation de la Terra Verde est rappelée avec à-propos dans une data page (Percy continue d'y avoir recours fréquemment, avec intelligence, alors que Hickman a considérablement diminué son usage). On se souvient que ce petit pays d'Amérique du Sud a vu son économie ruiner par l'apparition des remèdes de Krakoa avant de sceller une alliance (et de reconnaître la souveraineté de) avec l'île des mutants. Mais depuis les communications ont brusquement cessé entre les deux parties.

Ce que vont découvrir les trois agents de terrain est spectaculaire et particulièrement angoissant. Percy avec Cassara réussit à restituer le sentiment de malaise et d'incrédulité, et même d'horreur face à ce qui se passe en Terra Verde. On ressent la moiteur, le danger, du lieu et les deux dernières pages sont un sommet de suspense et d'épouvante.

Le scénario est donc fantastique mais profite à plein du retour de Cassara au dessin et de Dean White aux couleurs. Ces deux-là sont au diapason et produisent des images mémorables, percutantes, qui servent idéalement le script. Beaucoup évoquent Jerome Opena (qui illustra de nombreux épisodes de Uncanny X-Force écrits par Rick Remender) en citant Cassara : il y a une similitude évidente, mais avec une personnalité distincte - Cassara est plus brut que Opena. Et ce rapprochement est bien entendu facilité par White qui a colorisé les deux artistes.

N'empêche quel travail extraordinaire sur les décors, les matières, les textures. Cassara s'y entend pour créer des plans impressionnants et suffocants, camper des personnages de durs-à-cuire, et découper les scènes de manière optimale en dosant ses effets (voyez ci-dessus, image 5, comme il utilise des vignettes verticales pour aller et venir de Krakoa à Terra Verde et alterner les actions du Fauve et celles de Kid Omega). Quant à White, il donne des couleurs parfaites pour soutenir ces efforts, transformant le dessin en une tapisserie proche de la moisissure, comme si chaque page contenait l'essence pourrie de la raison d'être de la X-Force.

Pas de doute, quand le titre est à ce niveau, il fait l'unanimité et s'impose comme le complément idéal aux X-Men de Hickman.

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