J'avais annoncé, dans ma critique du cinquième épisode de Marauders, que, sauf improbable miracle, j'en resterai là avec la série au numéro six, qui marque la fin du premier arc narratif de Gerry Duggan. Le miracle n'a pas lieu : c'est un ratage complet. Mais pouvait-il en être autrement quand on choisit pour titre le nom d'une des plus sinistres équipes anti-mutants pour espérer en rire ?
Je vais m'en tenir à un résumé succinct car cela ne vaut pas le coup d'aller plus loin : abordés par Hate-Monger l'X-Cutioner, le "Marauder" de Kitty Pryde est en fâcheuse posture. Iceberg est K.O., Pyro est vite blessé - et cela permet à Yellowjacket de pénétrer dans son corps.
Les gamins d'Homines Verendi, aux commandes de cette opération, savourent leur quasi-victoire, car Kitty résiste vaillamment en attendant les renforts. Tornade et Bishop quittent le port de Madripoor avec Shinobi Shaw au même moment, avertis de sa situation.
Kitty découvre que Chen Zhao et Daniel Pierce sont les distributeurs des armures inhibitrices de pouvoirs dont sont équipés les russes. Grâce à Tornade et Bishop, elle vient à bout de ses adversaires et leur matériel est transporté pour y être examiné par Forge sur Krakoa.
C'est alors qu'elle est seule avec Lockheed sur le "Marauder" que Kitty est piégée par Sebastian Shaw qui a noué une alliance avec Christian Frost et Daniel Pierce pour l'écarter du conseil d'administration de la Hellfire Trading Company...
... Et c'est donc sur l'image de Kitty en train de se noyer, impuissante à passer à travers un branchage de Krakoa avec lequel Shaw l'a piégée, que s'achève l'épisode et ce premier arc.
Entendons-nous bien : tout n'est pas à jeter dans ce numéro où Gerry Duggan fait ce qu'il sait le mieux faire, soit orchestrer une action permanente, avec des adversaires coriaces, qui mobilise toute l'énergie et la solidarité des héros pour vaincre, avant un cliffhanger accrocheur.
C'est d'autant plus frustrant que, à partir du prochain épisode, la série va (enfin !) disposer d'un vrai bon dessinateur régulier avec Stefano Caselli, et on peut légitimement espérer que la qualité, au moins visuelle, sera au rendez-vous après un arc très inégal sur cet aspect.
Mais un excellent artiste ne peut à lui seul prétendre redresser une série si mal conduite. Depuis le début, même si c'était d'abord charmant, Duggan a pris le parti de se distinguer dans la collection de titres d'une franchise renaissante (et que, on ne se refait pas, Marvel a entrepris de faire grossir les parutions jusqu'à l'indigestion, avec des projets plus ou moins fumeux). Alors que Hickman et Percy ne rigolent pas avec leurs histoires, lui a ambitionné de partir à l'aventure, avec des mutants pirates.
Pourtant, nommer cela Marauders a surpris, voire choqué, car cela renvoie à une équipe de tueurs de mutants, une référence maladroite, incongrue pour le moins. Ensuite, il y a la construction de la série, où Duggan n'a jamais voulu choisir entre raconter les exploits de l'équipage de la capitaine Kate Pryde et la lutte de pouvoir au sein de la Hellfire Trading Company. On pouvait croire que l'impossibilité surprenante de Kitty Pryde à passer les portails de Krakoa fournirait un sujet suffisant pour (au moins) une première intrigue. Mais six épisodes plus tard, le mystère reste total, et on peut même douter que Duggan nous fournisse une réponse un jour.
Comme un aveu, il nous montre Sebastian Shaw piégeant Kitty avec la végétation de l'île : c'est bien pratique, il a trouvé une sorte de plante à travers laquelle la jeune mutante ne peut pas phaser. Et, malgré la stupidité de son plan (il la tue en la noyant... Sans se soucier que cette disparition sera suspecte et qu'il sera vite soupçonné puisqu'il est en conflit ouvert avec Kitty et Emma Frost), il pense avoir gagné, après avoir dûment expliqué à sa victime comment, grâce à une alliance passée avec Christian Frost et Daniel Pierce, il allait avec son fils mettre la main sur la HTC.
Que Duggan souligne qu'il y a des serpents au paradis supposé des mutants, on s'en doutait (quand à la table du Conseil siègent des fripouilles comme Mr. Sinister, Exodus, Mystique, Apocalypse et Shaw, il est évident que ça ne va pas aller sans mal pour Charles Xavier, Magneto, Tornade, Jean Grey, Emma Frost, et Diablo). Mais qu'il le fasse avec un peu plus de subtilité.
Plus la série avançait, plus le malaise grandissait sur la ligne adoptée par Duggan, tellement en décalage que ça devenait absurde, grotesque. La caractérisation des personnages est calamiteuse, quand elle existe (Tornade est inconsistante, Pyro est insupportable). La promesse d'une équipe de pirates, d'un récit d'aventures a fait long feu. Les ennemis sont tout juste passables (fallait-il ramener sur le devant de la scène Chen Zhao et surtout les gamins d'Homines Verendi ?).
Enfin, visuellement, en six épisodes, Marauders n'a jamais offert que de l'à peu près. Matteo Lolli revient ici un peu plus concrètement, mais son dessin est d'une faiblesse telle qu'on ne saurait lui trouver une quelconque plus-valu : tout paraît fait à la va-vite, dans la précipitation, sans aucune vision, ni force. On sent un artiste peu investi, mais aussi pressé par les délais, en tout cas incapable de soutenir le récit.
Une fois de plus, il lui faut de l'aide et, après Lukas Werneck, c'est au tout de Mario del Pennino de s'y coller. Sans davantage de réussite. Le niveau est indigne, sans relief, sans saveur, les quelques planches qu'il signe sont quelconques. On en revient au même regret : Marvel ne manque pas de dessinateurs, mais donne sa chance à des types qui ne le méritent pas quand d'autres végètent en attendant qu'on leur confie un épisode ici ou là (ou partent tenter leur chance ailleurs).
Je n'abandonne pas Marauders sans un pincement au coeur, car je croyais en cette série, parce que la fin de cet épisode donne encore un peu envie (ne serait-ce que pour le sort réservé à Kitty, même si je ne pense pas qu'elle sera sacrifiée), et aussi parce que Caselli arrive. Mais il y a mieux ailleurs, chez les mutants.
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