dimanche 6 octobre 2019

SPACE BANDITS #4, de Mark Millar et Matteo Scalera


Space Bandits arrivera à son terme le mois prochain avec son cinquième et dernier numéro, mais on peut déjà la compter au nombre des échecs artistiques de Mark Millar (pour qui 2019 aura donc été un mauvais cru). Abusant de tous les (mauvais) tics d'écriture dont il est capable, le scénariste sombre. Matteo Scalera fait ce qu'il peut mais ne peut éviter le naufrage.


Thena Cole et Cody Blue ont cru avoir réussi le plus difficile en accédant à la suite privée de Bowser Weex mais elles apprennent de la bouche du malfrat que la sécurité de l'établissement neutralise toutes les armes dans les locations les plus chères. Il peut donc les affronter sans crainte.
  

Thena alerte les gardes qui embarquent tout le monde. Au sous-sol du lupanar, la manager résout l'affaire de manière expéditive en tuant Weex... Et en libérant Thena et Cody au prétexte qu'elles lui ont permis de se débarrasser d'un client ayant dépassé son crédit et violé toutes les règles.


Les deux filles reprennent leur périple mais sans savoir où aller désormais. En effet la dernière cible de Thena, Kaiser Crowe, est introuvable, tout comme Viggo, l'ex-partenaire et amant de Cody. Jusqu'à ce que celle-ci le remarque sur une retransmission en direct sur le télécast.


Viggo est sur le point d'être marié à la princesse de Most, une des lignées les plus sanguinaires et puissantes de l'univers. Les deux filles l'attrapent au vol mais il les convainc d'avoir été enlevé et d'être promis à un sacrifice. Elles acceptent donc de l'aider à fuir en leur compagnie.


Tandis que le trio se sépare pour préparer leur évasion, Viggo entre en contact avec le complice qu'il a à l'extérieur... Et qui n'est autre que Kaiser Crowe !

Mark Millar a de toute évidence de faire un break et de le mettre à profit pour bien réfléchir à l'avenir de ses productions comics car après le navrant Prodigy, Space Bandits confirme une baisse inquiétante de son inspiration. Pour son pénultième épisode, cette nouvelle série affiche et confirme ses faiblesses de manière vraiment embarrassante, comme si l'auteur écossais avait perdu son mojo.

On le sait, Millar aime "pitcher" ses histoires sur la base de formules accrocheuses et les écrire comme des hommages, des mixes des bandes dessinées ou des films qui ont marqué sa jeunesse. Space Bandits devait être ainsi son "Butch Cassidy et le Kid avec deux héroïnes dans l'espace". Au bout du compte, on est très loin du chef d'oeuvre de George Roy-Hill avec Paul Newman et Robert Redford, même transposé dans le cosmos.

Le scénario se déploie de façon paresseuse et grossière, avec des rebondissements cousus de fil blanc - comme celui qui aboutit au cliffhanger de cet épisode, dont on croit à peine que Millar ait osé le servir. Avant cela, l'invraisemblable et grotesque twist qui a permis aux deux héroïnes de se sortir vivantes de leur face-à-face avec Bowser Weex sombre aux pires accès gore auxquels le scénariste cède régulièrement.

Mais pire que les figures récurrentes, ce qui inquiète, c'est donc l'absence de conviction dans la conduite du récit. Comme dans Prodigy où Millar avait pensé pouvoir se passer d'un méchant consistant, Space Bandits fait l'impasse sur des adversaires bien caractérisés : tous les anciens partenaires de Thena sont interchangeables et sans épaisseur, ce sont de canailles brutales, se comportant de manière excessive et d'une bêtise affligeante. Même quand on croit qu'ils vont poser problème, ils sont écartés par des coups de théâtre providentiels qui traduisent le fait que Millar s'en débarrasse au lieu de les exploiter. 

Si la nullité des méchants est là pour mettre en valeur l'intelligence et les muscles de ses héroïnes, c'est aussi raté puisque Thena et Cody ne sont guère que deux bougresses fonçant dans le tas, en croyant avoir tout prévu, mais en ne calculant rien et en faisant preuve d'une naïveté et d'une mièvrerie gênantes (Thena et son lézard Cosmo, Cody et Viggo). Au lieu d'une aventure féministe, Millar écrit plutôt celle de deux nanas guère plus futées et matures que les hommes dont elles se vengent.

Matteo Scalera ne peut rien faire pour sauver ce naufrage. D'ailleurs, ses planches sont de moins en moins inventives et il est toujours déplorable de voir un talent aussi original illustrer des scènes aussi affligeantes. Suivre un mauvais script qui accapare une pleine page pour montrer la décapitation d'un gredin, même avec un style cartoon et des couleurs flashy, reste un effort vain.

Là aussi, sans doute Millar serait bien avisé de penser à une future série qui compte moins sur un artiste vedette chipé à la concurrence que sur un dessinateur qui veut en découdre et qui lui inspirerait une histoire plus élaborée. Un dessinateur dont le style serait moins convenu pour son genre de récits et qui l'obligerait en quelque sorte à sortir de sa zone de confort.

Tout en tout cas pour ne pas lire quelque chose d'aussi indigent que ça.

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