vendredi 6 septembre 2019

SPACE BANDITS #3, de Mark Millar et Matteo Scalera


Nous voici au milieu de la mini-série Space Bandits et force est d'avouer que si c'est assez rigolo à lire, la nouvelle production du "Millarworld" ronronne gentiment. Mark Millar ne manque pas d'imagination et pourtant son récit ne donne jamais l'impression de décoller, ne surprend jamais vraiment. Dommage pour Matteo Scalera, qui, lui, est très en verve.


Avec sa part du butin qu'il a volée à Cody Blue, Skinner, le vétéran de son ancien gang, a fait l'acquisition d'un spa sur la planète Korax. On y dispense notamment un soin remarquable, un bain de jouvence grâce à de petits poissons - dont le bandit a, le premier, bien profité.


Cody Blue et Thena Cole surgissent dans le bureau de Skinner mais il a un as dans sa manche avec l'extraterrestre Boiler qui peut fondre la matière à distance. Thena est défenestrée et atterrit dans un des bains de jouvence tandis que Cody est désarmée.


Régénérée, Thena remonte dans le bureau de Skinner et abat tous les gardes sur son passage. Cody massacre Skinner et devient la nouvelle patronne du spa. Grâce aux fonds de l'affaire, elle peut passer à la prochaine étape de son plan et sa prochaine cible : Bowser Weex.


Depuis deux ans, ce dernier dépense sa fortune à bord du "Rob and Charlie", un lupanar géant qui traverse l'univers et qui propose à sa clientèle les plaisirs les plus fous. Cody et Thena échouent cependant à louer une chambre voisine de la suite du malfrat.


Qu'à cela ne tienne : elles paient un prostitué télépathe pour déjouer la surveillance et pénétrer dans les quartiers de Weex. L'illusion est parfaite et il s'isole avec elles. Les deux femmes recouvrent leur véritable apparence et braquent le malfrat.

On reproche souvent à Mark Millar de concevoir ses mini-séries comme des "prêt-à-filmer", des sortes de storyboards de luxe en vue d'être adaptées pour le cinéma. C'est injuste car ses histoires existent bel et bien comme des comics dignes de ce nom et les artistes qui collaborent avec le scénariste travaillent sans penser au 7ème Art.

Néanmoins, il est indéniable que la narration de Millar se présente comme un matériau idéal pour être transposé sur un autre média : les intrigues sont simples, rythmées, efficaces, revisitant souvent des genres chers à l'auteur - et Space Bandits n'échappe pas à cette règle puisque Millar lui-même l'a "pitché" comme une version au féminin de Butch Cassidy et le Kid.

Pour rendre tout cela plus exotique et spectaculaire, le contexte est modifié (ici, le western se passe dans l'espace et le futur), ce qui permet aux artistes de s'amuser. Matteo Scalera s'en donne à coeur joie et fait preuve d'une inventivité visuelle remarquable en plusieurs occasions : admirez le design du lupanar géant, qui est vraiment original parce qu'il ne s'inspire d'aucun vaisseau spatial déjà vu en bande dessinée ou au cinéma.

L'autre reproche qu'on adresse à Millar, c'est de souvent bien s'entourer pour compenser les faiblesses de ses histoires. Le "tableau de chasse" du scénariste est impressionnant et fait la part belle à des graphistes très imaginatifs, qui profitent de l'occasion pour tenter de nouvelles choses difficilement compatibles avec les contraintes des comics de super-héros traditionnels.

En ce qui concerne Scalera cependant, la situation est un peu différente car le dessinateur italien n'est plus associé à Marvel depuis longtemps : il a filé chez Image Comics avec Rick Remender, son partenaire de Secret Avengers, pour une série de SF, Black Science. Il ne manque donc pas de liberté et n'a pas à forcer son talent chez Millar.

Cela créé un étrange décalage, qui se renforce d'épisode en épisode, car Millar est visiblement en petite forme. Plus inspiré que pour le navrant Prodigy, mais incapable de renouer avec le niveau de ses grandes réussites comme The Magic Order ou Jupiter's Legacy (par exemple). Les rebondissements s'enchaînent, à vive allure, mais, et c'est un comble, sans jamais susciter de véritable emballement, de grande surprise.

En fait, l'intrigue est trop linéaire, trop convenue, et souffre d'un problème qui accablait déjà Prodigy, l'absence d'un vrai méchant, bien coriace, susceptible de donner du fil à retordre aux héroïnes, donc de faire vibrer le lecteur. Cody a déjà éliminé deux de ses anciens complices et il ne fait guère de doute que Bowser Weex sera vite liquidé. Une fois le gang de traîtres supprimé, restera à faire payer le fiancé de Thena Cole (et à récupérer Cosmo, le lézard télépathe de Cody). Mais on doute que quelque chose freine vraiment ces deux vengeresses déterminées.

Parce que rien ne menace réellement ses protagonistes, rien n'accroche suffisamment le lecteur. On se laisse porter par le savoir-faire d'un auteur roublard mais paresseux dont la série manque surtout d'un cadre et d'un enjeu de taille. 

Dommage qu'au moment de sa carrière où Millar peut vraiment tout faire, tout se permettre, il se contente de si peu. Réveille-toi, écossais de malheur !   

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