vendredi 13 septembre 2019

EVENT LEVIATHAN #4, de Brian Michael Bendis et Alex Maleev


Nous voici au deux tiers d'Event Leviathan et on peut dire qu'on est dans le "ventre mou" de l'histoire, comme si Brian Michael Bendis ralentissait nettement, quitte à faire du surplace. Pourtant la lecture demeure agréable, mais elle manque un peu de piment et il faut attendre le cliffhanger pour que l'intérêt revienne. En revanche, Alex Maleev est lui en pleine bourre, compensant le coup de mou de son scénariste.


Contre toute attente, Superman a été incapable d'empêcher que Leviathan enlève Amanda Waller. Il s'était pourtant préparé, en élaborant une parade contre les téléportations de l'ennemi, mais ça n'a pas suffi. A la Batcave, où le kryptonien se trouve avec les détectives, l'accablement guette.


Batman envoie ses troupes dans une pièce voisine le temps qu'il ait un entretien avec Superman et Lois. Il s'agit surtout de permettre à Superman d'entendre les conversations des détectives à leur insu. Et Manhunter est au centre des échanges.


Kate Spencer est en effet la seule de la bande à n'avoir pas été éliminée ni recrutée par Leviathan - au contraire, elle est accusée de ses méfaits par les autorités. Batman, Superman et Lois se mêlent à la discussion et en déduisent que Manhunter a servi à les distraire.


Lois fausse compagnie à la bande au volant d'une voiture de Bruce Wayne. Au même moment, Batgirl entre en contact avec Batman mais la communication est mauvaise et elle doit être brève pour ne pas être remarquée par Leviathan.


Superman localise la source et s'envole en direction de Seattle mais arrive trop tard. Cependant, Lois gagne une ruelle sombre où elle est attendue par une autre équipe de détectives. Celle-ci a mené ses propres investigations et obtenu des résultats qui ne vont pas plaire à la reporter...

C'est un peu un problème récurrent à tous ces events, quels que soient leur nombre d'épisodes, leur genre d'histoire, leur progression dramatique : à la moitié ou au deux tiers de leur déroulement, ils accusent un coup de moins bien, et le lecteur aborde une sorte de "ventre mou" du récit. Il ne se passe plus grand-chose, et on peut redouter que la dernière ligne droite n'ait pas l'énergie nécessaire pour faire rebondir l'intrigue.

Event Leviathan n'échappe pas à la règle, et c'est un défaut présent dans pratiquement toutes les sagas qu'a pu écrire Brian Michael Bendis. Les personnages sont dans une impasse, à se demander quoi faire maintenant, tandis que leur ennemi a acquis un avantage certain. Auront-ils les ressources pour, malgré tout, surmonter cela ? 

Le scénariste y répond d'une manière surprenante avec une révélation finale qui modifie totalement la perspective de l'histoire et surtout le profil d'un des protagonistes - tout en confirmant l'ambition avec laquelle l'auteur souhaitait la traiter désormais. Mais reprenons du début pour bien mesurer l'ensemble.

Un bref flash-back nous informe que Superman a une nouvelle fois échoué à déjouer les manoeuvres de Leviathan lorsque celui-ci a voulu enlever Amanda Waller. Ce point est significatif car, une fois de plus, il souligne la science tactique de l'ennemi, capable de défier Superman et de gagner la manche qui l'oppose à lui. Ce n'est pas rien et ceux qui restaient dubitatifs quant à l'efficacité de Leviathan en seront pour leurs frais.

Reste qu'ensuite l'épisode échoue, lui, à entretenir cette tension mêlée de découragement. C'est ce côté "et maintenant, que fait-on ?" de la part des héros. Or on a du mal à croire qu'un tel accablement, une telle impuissance se manifestent chez des limiers aussi aguerris que Batman, la Question ou Lois Lane (Batman, en particulier, n'est vraiment pas du genre à en rester là). La conversation concernant le statut de Manhunter est intéressante, mais ne fait pas avancer le schmilblick - même si Bendis confirme que, victime de Manhunter, elle a distrait les détectives.

Non, le vrai clou de l'épisode se trouve dans les deux dernières pages. On passe vite sur le "caméo" de Silencer (recrue de Talia Al Ghul pour surveiller Batman, et dont la présence tombe complètement à plat - trop tardive de toute façon pour suggérer une nouvelle piste au lecteur). Qui va Lois va-t-elle retrouver après avoir planté dans la Batcave toute l'équipe de détectives ? Une autre équipe de détectives, qui a mené, avec sa complicité, des recherches en parallèle !

C'est inattendu, tout comme la composition de ce groupe où l'on trouve Zatanna, John Constantine, Ralph Dibny, Harvey Bullock, Renee Montoya et... Deathstroke ! Qu'ont-ils trouvé qu'ils jugent déplaisant ? Mystère, mais le double jeu de Lois, l'enquête de ces personnages-là, la présence de Deathstroke parmi eux, le duo Zatanna-Constantine, tout cela ouvre plein de portes (sur le surnaturel, les super-vilains du DCU...), inexplorés jusque-là (beaucoup de lecteurs étaient persuadés que Leviathan était peut-être un héros dévoyé, et l'épisode laisse même penser que Batgirl est Leviathan). On verra ce que Bendis va faire de ça, mais notre curiosité est piquée.

Inégal, l'épisode se savoure en revanche par ses dessins car Alex Maleev ne flanche pas. Dès la première page (où Superman passe l'équipe de détectives aux rayons x, puisque Leviathan et ses sbires portent des armures qui résistent à cet examen) jusqu'au découpage du dialogue entre Manhunter et les autres membres de l'équipe et la pleine page finale, c'est un sans faute.

On apprécie d'autant plus la complicité entre Bendis et Maleev qu'on sent bien qu'au moment où le scénariste peine un peu, son artiste continue à assurer et maintient notre intérêt par une mise en scène très subtile. 

Comme depuis le début, les couleurs baignent dans une ambiance bleutée, quasi onirique. C'est une longue nuit qui correspond bien à l'état d'âme des héros mais aussi au genre "série noire" du récit. Dans tout cela, seule le rouge de la cape de Superman tranche, mais l'homme d'acier est atteint par la morosité générale.

On est donc dans un numéro de transition, qui assume cette position. Ce n'est pas forcément le moment le plus captivant, mais la surprise finale fournit une relance spectaculaire. Suffisante pour redresser la barre du récit ? Quelque chose me dit qu'en tout cas, Event Leviathan ne va pas se résoudre de manière classique.

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