dimanche 15 septembre 2019

BLACK HAMMER / JUSTICE LEAGUE : HAMMER OF JUSTICE ! #3, de Jeff Lemire et Michael Walsh


Hammer of Justice ! arrive à mi-chemin de son intrigue et Jeff Lemire épate toujours par son sens du récit. Pas à dire, ce diable de scénariste sait mener son affaire et il est actuellement bien le narrateur le plus excitant à suivre. Michael Walsh sait se hisser au niveau de son partenaire en livrant un épisode efficace et dense. Pour une histoire qui en a encore beaucoup sous le pied...


Arrêtés par les membres restants de la Justice League, l'équipe du Black Hammer clame son innocence dans la disparition de Superman, Batman, Wonder Woman, Cyborg et Flash. Frustrés, Aquaman, Martian Manhunter et Hawkgirl les enferment dans une cellule du Hall de Justice.


Aussitôt, Gail veut s'évader mais Abe tente de l'en dissuader car une telle initiative convaincrait leurs geôliers de leur culpabilité. Barbalien note aussi que le colonel Weird et Talky Walky n'ont pas été déplacés comme eux dans cette dimension. Gail, excédée, file.


Dans la ferme de Rockwood, Cyborg rejoint Bruce Wayne dans la grange où il bricole de quoi partir de là. En fouillant dans les affaires entreposées, Vic Stone découvre la carcasse de Talky Walky. Il ne rallume et le robot demande qui ils sont et ce qu'ils font là.


Dans la Para-Zone, le colonel Weird et John Stewart localisent le moment où l'étranger s'est manifesté simultanément à Rockwood et Metropolis. Mais c'est en voyant Flash tenter de quitter le ferme et risquer sa vie que tout déraille car Green Lantern le sauve... Et les expédie, lui, Flash et Weird dans une dimension inconnue du colonel.


Cependant, à Metropolis, Gail est surprise par Zatanna. La magicienne détecte que la fillette ne vient pas de cette dimension et lance un sortilège pour percer son secret. La formule qui transforme Gail aboutit à un résultat inédit : elle devient adulte !

L'habileté avec laquelle un scénariste réussit à remplir un épisode avec autant de péripéties sans étouffer le lecteur prouve sa maîtrise. Sur ce plan, Jeff Lemire est certainement l'auteur actuel le plus talentueux, surtout quand il déploie son talent dans l'univers qu'il a lui-même créé.

Alors, évidemment, on peut dire : c'est facile, il joue à domicile. Et c'est vrai. N'empêche, comment ne pas être épaté, par ailleurs, par l'originalité de ce crossover, qui évolue bien au-dessus de toutes les productions de ce genre. Lemire n'a pas besoin de convoquer les clichés, le folklore habituels pour nous distraire, nous captiver, nous surprendre : il nous emmène ailleurs, et ses personnages avec. C'est bien mieux.

Et il le fait avec style, le bougre ! L'épisode démarre par des pages découpées en "gaufriers" de neuf cases... Comme du Tom King ! Lemire, qui n'est pas du genre provocateur ni moqueur, rend un hommage très amusant à son confrère, surtout quand on lit les dialogues qu'il donne aux héros de Black Hammer, qui font tourner en bourrique les Justice Leaguers (mentions spéciales : la drague embarrassante de Gail avec Aquaman et le dépit de Barbalien devant le cliché du martien vert représenté par Martian Manhunter).

La partie à Rockwood avec Bruce Wayne et Cyborg a moins de relief mais elle aboutit à un twist comme Lemire en a le secret car on découvre avec eux que Talky Walky a échappé à la téléportation de l'étranger. Cette piste vient compléter le mystère du récit et, alors qu'il ne reste tout compte fait que deux épisodes avant le dénouement, montre que Lemire ne va pas se contenter de dérouler sa pelote tranquillement.

Direction : la Para-Zone. Et là encore, un coup de théâtre remet tout en jeu. Le scénariste n'a vraiment peur de rien en multipliant les décors, les subplots, et en les développant dans le cadre d'une histoire de seulement cinq épisodes. En tout cas, tous les protagonistes sont bien occupés. Et ce n'est pas l'apparition de Zatanna à la fin et le sort réservé à Gail qui contredira cela...

Michael Walsh a du travail pour illustrer une telle matière. De fait, c'est très dense, mais jamais étouffant. Au contraire, l'artiste fluidifie au maximum la narration en n'en rajoutant jamais graphiquement. Un peu trop sage ? Plutôt intelligemment sobre.

Walsh, comme Dean Ormston, ne cherche pas spécialement à faire joli, mais il sert le scénario, ne se met jamais en avant. Et c'est cette humilité qui paie. Là encore, c'est ce qui manque souvent aux crossovers, qui ressemblent trop à des pièces montées indigestes où le dessinateur semble chercher à en rajouter alors que le bon sens est de se laisser porter par les événements pour ne pas assommer le lecteur.

Pour le talent à l'oeuvre, Hammer of Justice ! mérite toutes ces louanges : Lemire et Walsh transcendent l'exercice de style tout en offrant un divertissement imprévisible et consistant.   

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