jeudi 22 août 2019

POWERS OF X #3, de Jonathan Hickman et R. B. Silva


Ce troisième chapitre de Powers of X surprend encore une fois, à commencer par sa propre parution puisqu'elle intervient directement après celle du #2 (par conséquent, la semaine prochaine et dans quinze jours, nous aurons droit à deux épisodes d'affilée de House of X). Mais la mécanique élaborée par Jonathan Hickman suit une logique implacable et les événements narrés continuent d'éclairer le fil des deux récits. RB Silva lâche les chevaux dans ce volet spectaculaire et désespéré.


X-Men, An 100. Les mutants survivants de l'Astéroïde K lance leur mission-suicide sur Terre et se divise en deux groupes. Le premier, composé de North, Xorn, Rasputin IV et Cardinal attaquent une assemblée de l'Eglise de l'Ascendant.


La manoeuvre attire immédiatement l'attention de Nimrod et Karima Shapandar, qui part intervenir avec des Sentinelles. Elles tuent North et Cardinal. Xorn est blessé et Rasputin IV lui ôte son masque, créant un trou noir qui les emporte avec leurs adversaires.
   

Le deuxième groupe, composé de Wolverine, Apocalypse et Cypher/Krakoa, s'introduit dans les archives de Nimrod grâce à la diversion offerte par le premier groupe. Cypher/Krakoa y trouve vite ce qu'ils sont venus chercher.


Mais Nimrod intervient. Apocalypse ordonne à Wolverine de se retirer via un portail ouvert par Cypher/Krakoa pendant qu'il occupe le robot. Wolverine accède à une pièce où Moira McTaggert est en animation suspendue.


Elle se réveille et assimile les données dérobées par Cypher/Krakoa : les fichiers originaux de la conception de Nimrod. Pour ne pas risquer que ce dernier les récupère, Wolverine tue Moira comme convenu. Ainsi s'achève sa neuvième vie.

Tout d'abord, ce troisième épisode est le plus linéaire, directe de la mini-série (et de la saga entière). Jonathan Hickman avait annoncé le programme dans le chapitre précédent : les X-Men du futur allaient partir en mission-suicide pour piller les archives de Nimrod et c'est ce à quoi on a droit - un récit intense, rapide, spectaculaire, désespéré, où pratiquement tout le monde meurt.

Mais l'apparente simplicité de cette construction, inhabituelle de la part d'un scénariste qui adore jouer avec la spatio-temporalité, se révèle une fois encore génialement ludique et complexe à la fois car elle relance la partie de manière très profonde.

Pour bien saisir l'enjeu, il faut se rappeler de House of X #2, en particulier de la neuvième vie de Moira McTaggert - dans laquelle elle devenait une disciple d'Apocalypse et se lancait à ses côtés dans une guerre sans fin contre Nimrod - et ensuite que, à chaque réincarnation, Moira se souvient de toutes les expériences de ses vies passées - donc, que dans sa dixième existence, elle a la connaissance de celle avec Apocalypse comme maître et partenaire dans un contexte dominé par Nimrod.

Une fois ceci rappelé, on peut ensuite situer l'action de l'An 100 des X-Men dans la neuvième vie de Moira McTaggert. Il s'agit d'une ligne temporelle différente de celle qu'on voit lors des scènes estampillées "X-Men, Year Ten", lorsque Cyclope accepte de partir en mission contre la station Orchis (voir Powers of X #2).

Vous commencez à voir où je veux en venir ? Si, comme c'est le plus probable, quand Cyclope accepte de mener l'assaut contre Orchis, nous sommes dans la dixième (et supposément dernière) vie de Moira McTaggert. Il y a donc fort à partier que c'est elle, en se souvenant de ce qui lui arrive dans sa neuvième vie, donc dans ce qu'on découvre dans ce Power of X #3, indique à Charles Xavier qu'il faut cambrioler Damage Control car c'est là que se trouve le plan d'Orchis (construction d'une Super-Sentinelle, capable de générer d'autres Sentinelles, ce qui conduira à la naissance de Nimrod).

Les mutants de l'Astéroïde K (les fameux "Dix" restants - même si Cylobel et Parcival sont morts) se lancent donc dans une mission-suicide pour récupérer le premier fichier de construction de Nimrod. Une équipe fait diversion pour occuper Karima Shapandar pendant que l'autre pille les archives du robot. Ils se sacrifient tous pour que Wolverine rejoignent une chambre où Apocalypse a placé Moira en animation suspendue. Wolverine la réveille, Moira intrègre les données relatives à la conception de Nimrod, Wolverine la tue. Fin de la neuvième vie de Moira. Dixième renaissance de Moira, qui informe Xavier sur Orchis, etc.

Deux choses : la première, c'est que, du coup, même si l'assaut programmé contre Orchis reste dangereux, il n'est pas condamné à être une mission-suicide, car il est mieux préparé, disposant d'un stratège comme Cyclops pour le mener (et certainement d'une équipe de choc pour l'accompagner : la couverture de House of X #3 montre Jean Grey, Wolverine...). Si l'opération est un succès, c'est l'existence de Nimrod qui est sérieusement compromise, voire annulée, et donc un futur différent de celui de la neuvième vie de Moira (sans compter la probable neutralisation de Karima Shapandar).

La seconde... C'est que Jonathan Hickman n'a quand même pas abattu toutes ses cartes. En effet, la sixième vie de Moira demeure un mystère total : que s'y est-il passé ? Quelle direction a-t-elle prise ? Quel impact a-t-elle eu sur les suivantes (et sur la dixième surtout) ? On devine bien que l'auteur n'est pas pressé de lever le voile - peut-être même ne le lévera-t-il pas dans HOX-POX, pour en faire une sorte de subplot de la série X-Men qui prendra le relais en Octobre (un peu à la manière des Bâtisseurs dans ses Avengers qui ont irrigué toute la série jusqu'à Infinity).

Quoiqu'il en soit, cet épisode est explosif et très efficace. Sa couverture évoque le western avec Rapustin IV et Cardinal défiant la Sentinelle Oméga (tandis que d'autres Sentinelles sont postées derrière eux). La narration poursuit dans ce sens : avec sept héros en action, on pense aux Sept Mercenaires, également engagés dans une missio-suicide. Hickman ne fait pas de cadeau au lecteur : seul Wolverine (mais d'une manière logique, et pas seulement parce que c'est le plus populaire des mutants encore en activité) s'en sort.

RB Silva donne tout dans cet épisode. J'ai pu sembler un peu réservé sur sa prestation ou son style parce que, pour ce dernier, la ressemblance avec Immonen est tellement visible qu'elle en devient parasite. Mais il accomplit là un effort tout à fait admirable.

L'artiste doit en effet produire suffisamment d'images iconiques pour que le lecteur mesure le sacrifice de ces rebelles mutants, prêts à tout pour sauver non pas le futur mais une nouvelle ligne de vie. L'entrée en scène de la première unité (avec Xorn dans un rôle de fataliste, Cardinal qui enfreint toutes ses propres règles et Rasputin IV qui effectue un baroud d'honneur) est vraiment puissante. Lorsque les Sentinelles arrivent, on sent immédiatement que ça ne finira effectivement pas bien, soudain ces grands robots font à nouveau vraiment peur.

Le mouvement de la seconde unité est presque plus feutré. Silva (qui s'encre lui-même pour la première fois, avec succès) exploite parfaitement le non-décor éthéré des archives de Nimrod pour en faire ensuite un champ de bataille presque dématérialisé par la riposte du robot. Le dessinateur croque Wolverine comme il doit l'être : petit, rablé, trappu - le contraste avec Cypher/Krakoa (qui ont donc fini par fusionner - une idée là encore logique) et Apocalypse, aux silhouettes plus imposantes et baroques, fonctionne à plein, tout comme l'attitude de Nimrod que Silva anime comme une entité imbattable, profitant de sa supériorité pour jouer avec ses adversaires.

Le découpage est toujours basique, il sert le récit, maximise les effets. C'est ce qu'il faut. C'est juste, approprié. Intelligent.

Le numéro bénéficie encore une fois d'une mise en forme exemplaire : Tom Muller présente les pages non dessinées avec élégance et originalité - comme quand il s'agit de visualiser les quatre derniers cavaliers d'Apocalypse, et les enfants d'Akkaba. Ou le graphique des vies de Moira McTaggert (voir ci-dessus), qui nous enseigne qu'elle meurt à 123 ans dans sa neuvième vie.

C'est vraiment jouissif à lire. Ah, les amis, quel pied de relire du X-Men aussi épatant et inventif !  

2 commentaires:

  1. North, c'est le "magnéto" que tu cites, c'est la chimère entre Frost et Lorna Dane, alias polaris, d'où la couleur verte du costume de ce "magnéto"

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  2. C'est effectivement logique, et à la relecture, c'est même explicité. Merci de m'avoir affranchi - je vais corriger ça.

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