vendredi 30 août 2019

HOUSE OF X #3, de Jonathan Hickman et Pepe Larraz


Avec ce troisième épisode de House of X, et en comptant les trois de Powers of X, nous arrivons donc à mi-parcours du projet de Jonathan Hickman. Et ce qui est troublant, c'est qu'en avançant dans cette double histoire, le scénariste simplifie. Quoiqu'il réserve encore des surprises et invite à se questionner... Avec l'aide, puissante, de Pepe Larraz au dessin, cela aboutit à ce qui ressemble le plus à un chapitre classique des X-Men.


Cyclope a rassemblé une équipe de sept X-Men pour remplir la mission que lui ont assigné Charles Xavier et Magneto : détruire la Sentinelle-Mère fabriqué sur la station Orchis en orbite solaire. Chacun connaît les risques, d'autant que Cyclope a décidé de se priver de la végétation de Krakoa - au cas où l'ennemi les vaincrait et entrerait en sa possession.



Le Projet Achille est un complexe pénitentiaire de haute sécurité assorti d'une cour de justice : c'est là qu'a été conduit Dents-de-sabre après son arrestation par les Quatre Fantastiques. Il plaide coupable tout en assurant qu'il ne sera pas retenu ici, malgré un piètre avocat et des charges accablantes.


Sur ces entrefaites, Emma Frost et les Stepford Cuckoos font leur entrée dans le tribunal et réclament le prisonnier en faisant valoir que, comme tout citoyen de Krakoa, il bénéficie d'une immunité diplomatique. Malgré la tension générée par cette demande, on les laisse partir avec Dents-de-sabre.


Station Orchis. Alors que le Dr. Alia McGregor et Karima Shapandar inspectent les installations, l'alarme se déclenche. Le vaisseau des X-Men est en approche. Nightcrawler se téléporte dans le bâtiment et se présente devant McGregor et Karima.


La sécurité se déploie et les issues sont condamnées. Erasmus, l'ex-mari de McGregor et à la tête d'un commando, ordonne que le projet soit protégé à tout prix tandis qu'il se prépare à accueillir les mutants. Il se fait sauter à proximité de la piste d'atterrissage et l'explosion détruit le vaisseau des X-Men.

C'est un épisode très linéaire encore une fois qu'a écrit Jonathan Hickman, tout comme pour Powers of X #3 la semaine dernière. D'ailleurs ce qui tient lieu d'intrigue semble répondre en écho à ce précédent chapitre puisqu'on suit essentiellement une équipe de X-Men dans une mission risquée, dont l'objectif est d'empêcher la finalisation de la construction d'une Sentinelle-Mère (capable de générer d'autres Sentinelles), à l'origine de la conception de Nimrod.

Mais avec Hickman, il faut se méfier de ce qui semble simple comme de l'eau qui dort. L'issue de l'épisode pose de nombreuses questions parce que, justement, elle emploie un procédé narratif tellement éculé qu'on est obligé de douter de ses conséquences. Les X-Men peuvent-ils vraiment avoir été tués dans l'explosion provoquée par Erasmus ?

Avant cela, Hickman dispose ses pions de manière très élémentaire : un dernier échange entre Cyclope, Xavier et Magneto d'abord. Déjà un trouble s'installe car Xavier s'adresse à Cyclope comme s'il lisait sans se gêner dans ses pensées et même davantage, comme s'il influait sur celles-ci. Cyclope va-t-il au feu volontairement ou forcé ? Il est indéniable qu'en temps que chef d'équipe, il répond à son devoir (protéger les siens) mais Xavier sent de la peur chez lui malgré tout, et alors Cyclope part sans plus d'hésitation. L'attitude de Xavier, depuis le début, interroge (il ne quitte jamais son casque Cerebro, se comporte comme un guide, une éminence grise, laissant à Magneto la lumière) : se pourrait-il qu'il manipule tout son monde (excepté Magneto) ?

Ensuite, nous faisons connaissance avec les X-Men qui ont accepté la mission. La composition de cette équipe est variée : on y trouve des membres attendus (Wolverine), d'autres invisibles jusqu'à présent (Nightcrawler, Archangel), et des surprises (Monet, Husk, voire Mystique et Jean Grey). 'est une formation intéressante par ses éléments les plus inattendus : Cyclope aurait pu choisir des X-Men très puissants (style Havok, son propre frère), au lieu de ça on a Mystique (une métamorphe), Nightcrawler (un téléporteur)... Mais on imagine bien que ceux-ci ne sont pas là par hasard (même Mystique, qui semble toujours aussi revêche).

Cette séquence d'ouverture se termine par le décollage du vaisseau de l'équipe depuis... La lune ! Et on se rappelle en effet qu'une fleur de Krakoa y avait été plantée (voir HOX #1). Il n'empêche, l'effet est efficace et rappelle que Krakoa, donc les X-Men sont désormais un peu partout  sur Terre et dans l'espace (il y a aussi un poste sur Mars).

Hickman emploie ensuite une narration parallèle, très sobre. Qu'est devenu Dents-de-sabre depuis que Cyclope l'a laissé aux Fantastic Four (dans le premier épisode), après le cambriolage de Damage Control ? Il a été convoyé dans un complexe de haute sécurité, une installation du nom de "Projet Achille", avec un tribunal, et des détenus très dangereux. Alors qu'il plaide coupable, en fanfaronnant qu'il ne restera pas ici, Emma Frost intervient et le fait libérer en deux temps, trois mouvements (la fameuse immunité diplomatique obtenue par les Krakoans).

Dans cette scène jubilatoire et ambiguë, on sent tout le plaisir qu'a Hickman d'écrire les X-Men, et en particulier Dents-de-sabre mais surtout Emma Frost, dont il a déclaré qu'elle était un de ses personnages favoris depuis toujours. Il faut associer à cette réussite dans la caractérisation Pepe Larraz qui, comme dans la première séquence, fait des merveilles avec presque rien : en une image, il saisit à la perfection, mieux qu'une présentation, les personnages que lui donne à animer son scénariste. Dents-de-sabre est imposant, insolent, frustre ; Emma Frost est élégante, froide, précise. Le dessinateur capte la substantifique moelle des personnages par leurs gestuelles, leurs expressions, leurs tenues, leurs positions dans l'espace. C'est remarquable.

Puis nous nous dirigeons vers la dernière ligne droite : les X-Men arrivent à la station Orchis, la sécurité de celle-ci s'active... Le déroulement de l'action s'accélère subitement, on sent que les deux parties en présence n'ont pas de temps à perdre. Les X-Men doivent agir prestement tout comme le personnel d'Orchis. Hickman orchestre tout cela magistralement, on sent la tension à l'oeuvre. La façon dont Nightcrawler est employé est jubilatoire : un éclaireur, sûr de lui (et muni d'une épée - un clin d'oeil à un fameux épisode d'Excalibur, ou à sa passion pour les films de cape et d'épée ? En tout cas, c'est bien vu).

Larraz encore une fois fait des prodiges. Ses planches sont spectaculaires, le flux de lecture d'une fluidité imparable, la valeur de chaque plan ajustée (là-aussi, le découpage qui accompagne Nightcrawler dans la station est superbe). L'artiste compose merveilleusement ses cadres pour que le lecteur ressente pleinement que, malgré la petitesse du vaisseau des X-Men, il y a un danger réel pour Orchis, malgré son arsenal de défense. Les couleurs de Marte Gracia participent aussi de cela, avec les teintes chaudes (soleil proche oblige) environnant la station et les lumières à l'intérieur du bâtiment quand l'alarme se déclenche.

Il faut alors en revenir au cliffhanger de l'épisode. Si tout s'enchaîne avec beaucoup de souplesse, l'explosion finale relève d'un artifice dramatique vu et revu. Mais il me semble que Hickman en joue justement pour titiller le lecteur. Deux options s'offrent à nous : soit les X-Men meurent, soit ils survivent (on peut imaginer plusieurs moyens allant dans ce sens : Nightcrawler téléporte plusieurs de ses partenaires, Jean Grey les enveloppe dans une bulle télékinésique...).

S'ils meurent, alors on ne peut guère s'empêcher de penser à la toute première scène du premier épisode de HOX dans laquelle on voyait Xavier dans les entrailles de Krakoa au moment où sortait de cocons plusieurs mutants - dont l'un avait les yeux rougeoyants comme Cyclope. Cette scène était-elle un flash-forward, révélant que l'équipe envoyée sur Orchis renaissait grâce à Krakoa après avoir été tué en mission sur Orchis ? C'est une théorie, la semaine prochaine permettra sûrement de vérifier sa pertinence.

Mais, au fond, c'est en cela, peut-être autant (voire plus) que la relance réussie dans POX-HOX des X-Men, que le projet de Hickman est si jouissif à lire et suivre (en plus de sa structure narrative, où les deux titres se répondent, se complètent) : le lecteur est invité et motivé pour tenter d'anticiper le prochain mouvement de l'histoire. Lorsque le scénariste, comme cette semaine, complète son propos par des "data pages" (cette fois sur l'échelle évolutive des Sentinelles jusqu'à Nimrod, sur le Projet Achille, sur les vies antérieures de Moira...), ce ne sont jamais des indications sur la narration elle-même, sur les rebondissements à venir. On lit tout cela, accroché, mais toujours suspendu à la suite.

Chapeau bas !

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