dimanche 3 mars 2019

MARTIAN MANHUNTER #3, de Steve Orlando et Riley Rossmo


Ce troisième épisode (sur douze) de Martian Manhunter donne un salutaire coup d'accélèrateur à l'intrigue imaginée par Steve Orlando. Le fond du sujet reste une retcon, mais en abandonnant les flash-backs martiens et en convoquant des instantanés classiques du héros, on avance considérablement. Le tout servi par un graphisme toujours très original de Riley Rossmo.


Dian Meade a tiré en plein coeur et à bout portant sur son collègue John Jones dont elle a découvert la nature extraterrestre et qui menaçait de lui laver le cerveau. Mais il survit et, contre des soins, accepte de lui raconter son histoire en détail.


Dix jours plus tôt. Le Professeur Saul Erdel a téléporté accidentellement J'onn J'onzz sur Terre. L'apparition du martien lui cause une attaque cardiaque fatale. Sans pouvoir retourner chez lui, J'onn erre, invisible parmi les humains.


Il échoue à sauver le policier John Jones sur le point d'arrêter un tueur en série mais neutralise ce dernier et libère ses otages. Puis il transporte le corps du policier pour l'enterrer et prend son identité, son apparence et absorbe ses souvenirs.


Habitant chez Jones et se familiarisant avec la vie humaine, J'onn décide de prendre sa place comme policier. Diane Meade ne se rend compte de rien, au point qu'ils arrêtent ensemble un gang, les Fils de la Terre.


J'onn fait promettre à Diane de ne pas révèler son secret. Elle accepte à condition de retrouver Ashley Addams vivante. Or, celle-ci est captive d'un martien rouge qui pratique des expériences sur la jeune femme...

Alors, oui, cela reste bien décompressé : à titre de comparaison, l'origine de J'onn J'onzz, depuis son arrivée sur Terre jusqu'à son usurpation d'identité, prenait quelques pages à peine à Darwyn Cooke dans son foisonnant DC : The New Frontier, là où Steve Orlando n'en parle qu'après quarante pages et deux mois de publication !

Mais on a le sentiment, enfin, d'entrer dans le vif du sujet avec ce numéro, qui laisse tomber les flash-backs sur la vie du héros sur Mars, auxquels j'avais du mal à m'intéresser (bien que montrer J'onn dans la peau d'un flic brutal et inquiet lui donnait une ambiguïté troublante).

Même si le script de Steve Orlando a dû être validé il y a des mois, on peut s'étonner de cette avancée soudaine quand, dans le même temps, dans la série Justice League, écrite par Scott Snyder et James Tynion IV, on assiste à une correction importante du passé du limier martien - on découvre que Lex Luthor l'a connu enfant. 

Faut-il en déduire que cette maxi-série ne s'inscrit pas dans la continuité de "DC Rebirth" puisqu'ici il n'est pas du tout question de Luthor, d'une rencontre entre ce dernier et J'onn enfants ? Orlando reprend au contraire l'origine du martien presque telle qu'on la connait, c'est-à-dire un extra-terrestre accidentellement téléporté par un vieux savant sur Terre, qui meurt en le voyant. Puis J'onn usurpe l'identité d'un flic en voulant à la fois s'intégrer sur notre planète (puisqu'il n'a pas les moyens de retourner sur Mars) et pour le venger.

Orlando concentre même le déroulement de ces faits : il y a seulement dix jours que le martien est sur Terre, un cycle correspondant au temps que passent ses semblables pour rendre hommage à un défunt. Cette fluctuation entre le rythme de la narration globale et celui de ce chapitre est curieux mais pas déplaisant, et suggère que J'onn restera John Jones au-delà de cette période parce qu'il conclut un marché avec sa partenaire, Diane Meade (elle ne révèle pas son secret s'il l'aide à retrouver Ashley Addams en vie).

Le récit est servi par le dessin toujours aussi étonnant de Riley Rossmo. Comme l'action ne se passe plus que sur Terre, il a abandonné ses excentricités dans la forme de ses cases et la lecture s'en trouve améliorée, facilitée. Cela ne l'empêche pas de faire preuve d'audace et de conserver une grande densité dans le découpage avec des pages remplies de vignettes de petite taille, au moyen desquelles Rossmo fait passer un maximum d'informations visuelles en peu de place.

Surtout, en confrontant le personnage à une série de drames sur un bref laps de temps, Rossmo peut s'amuser et nous impressionner en représentant les pouvoirs du martien. Lorsqu'il surprend le tueur en série et l'attaque, l'apparence qu'il prend est vraiment terrifiante et la mise en pages traduit formidablement l'accès de rage qui s'empare du personnage.

Puis, ensuite, Rossmo fait superbement passer des moments-clés comme l'enterrement de John Jones, la transformation du martien en terrien, et adresse même un clin d'oeil à Darwyn Cooke en montrant J'onn J'onzz devant une télé en train de se familiariser avec la culture américaine et plus particulièrement ses chaînes d'info - une transposition quasi-identique à une scène géniale de DC : The New Frontier. Saluer Cooke ne fait jamais de mal et rappelle son influence.

Certes on n'en est qu'au quart de la maxi-série, mais à jeu égal, Martian Manhunter gagne en relief par rapport à Freedom Fighters. Espérons que ça dure (et, accessoirement, que Robert Vendetti, de son côté, soit à son tour aussi bien inspiré...).
  
La variant cover de Joshua Middleton.

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