dimanche 17 mars 2019

JUSTICE LEAGUE DARK #9, de James Tynion IV, Alvaro Martinez et Miguel Mendonça


Rarement une série m'a fait l'effet de Justice League Dark par James Tynion IV, un titre si prometteur sur le papier et si déroutant à l'arrivée. C'est comme si elle avait été conçue pour éprouver le sens critique. Et ce neuvième épisode concentre toutes ses qualités mais surtout ses défauts : beau à voir, mais pénible à lire.


Le pupille de Kent Nelson/Dr. Fate, Khalid Nassour, explique à Man-Bat comment Nabu a pris unilatéralement le contrôle pour imposer un nouvel ordre drastique à la magie sur Terre, en puisant sa force à la source de l'Arbre des Merveilles au pied de sa Tour.


Pour illustrer cette situation, il faut aller au royaume de Myrra où Bobo a téléporté le maximum de clients du bar Oblivion attaqué par l'Homme Inversé et ses pairs. Nabu et les seigneurs de l'Ordre les y a suivis.


N'entendant pas se laisser faire, Jason Blood se transforme en Etrigan et attaque. Mais le démon et son hôte humain sont séparés, le premier est aspiré dans les limbes, le second soumis à un vieillissement accéléré. Blue Devil arrive avec sa cavalerie et Bobo téléporte à nouveau tout le monde au château de son ami.


Pendant ce temps, Zatanna accompagne Wonder Woman pour trouver Mordru, le seigneur du Chaos, seul susceptible de contrer Nabu. Circé les conduit dans son antre et Zatanna la soumet au rubis de Sargon, sans l'impressionner.


A Myrra, Khalid Nassour et Man-Bat rejoignent Bobo et les autres. Mais le renfort espéré du pupille de Kent Nelson délivre une mauvaise nouvelle : il est trop tard pour sauver le royaume que Nabu et les seigneurs de l'Ordre détruisent déjà...

Les mois passant, les épisodes de Justice League Dark ne me convainquent pas davantage. C'est même, en un sens, pire car l'intrigue, verbeuse et touffue (donc pas du tout "reader's friendly" - je mets ainsi au défi ceux qui n'ont jamais entendu parler de la série Fate d'identifier Khalid Nassour, éphémère Dr. Fate devenu ensuite son disciple), s'adresse à des initiés et le groupe de héros lui-même ne dégage toujours aucune alchimie susceptible d'accrocher le lecteur.

Alors pourquoi continuer à lire ? J'ai décidé d'aller jusqu'à la fin de cet arc, avec le secret espoir, non pas d'une amélioration spectaculaire, mais d'un dénouement à cette histoire impliquant Nabu, Circé, Mordru, le nouvel Ordre magique. Je veux quitter cette série en sachant si James Tynion IV avait vraiment un objectif en tête ou m'a seulement (salement ?) mené en bateau.

L'épisode de ce mois ne m'inspire rien de plus ou de moins, de mieux ou de moins bien que les précédents (exception faite du dyptique sur Myrra, le seul vraiment digeste). Tynion IV poursuit sur sa lancée déplaisante en ayant fait de Nabu le méchant extrêmiste de sa saga face à une équipe dont l'improbabilité n'a plus, depuis belle lurette, quoi que ce soit d'attrayant.

Plonger les héros la tête sous l'eau, les placer dans une position d'infériorité sont des ressorts conventionnels. Mais il faut tout de même que l'auteur laisse au lecteur l'espoir que dans leur réunion, ces héros possèdent la clé du problème, que leur collectif soit en mesure de renverser la tendance. Si tout tient, comme ici, à un providentiel mais incertain sauveur, comme Mordru (dont le gain à la cause de la JLD n'est pas du tout acquis), alors tout ce qui est mis en place n'aboutira qu'à un dispositif du type deus ex machina.

Animer une équipe qui accumule les échecs et ne doit son salut qu'à un intervenant externe, c'est ce que fit Bendis avec New Avengers (vol. 1), et c'était autrement mieux mené puisque, rapidement, cela a conduit les personnages à entrer dans une clandestinité, à devenir des résistants dérisoires mais résolus, obligés de ne s'en remettre qu'à eux-mêmes. Ce n'est pas le chemin que prend la JLD qui n'a à vrai dire jamais fonctionné comme une équipe puisque, comme on le voit ici, il y a d'un côté Bobo et Swamp Thing ; d'un autre Wonder Woman et Zatanna ; et enfin, Man-Bat, qui depuis le début ne sert strictement à rien (c'est sidérant, il n'apporte rien ni au groupe, ni à l'histoire). Ces trois parties n'interagissent jamais, ne s'apprécient pas, chacune fait son affaire dans son coin sans que les deux autres sachent ce qu'elle fait, et surtout sans garantie de succès.

Le comble, c'est que cette JLD compte des personnages iconiques et originaux, mais incapables de résoudre ce à quoi ils font face, soit parce qu'ils s'interdisent d'utiliser leur pouvoir (Zatanna), soit parce qu'ils ont refusé d'assumer un pouvoir qui leur serait utile (Wonder Woman), ou pour des raisons beaucoup plus nébuleuses (comment expliquer l'impuissance de Swamp Thing ?). James Tynion IV donne le sentiment d'agiter des marionnettes pour justifier l'emploi de personnages décisifs mais moins populaires (en l'occurrence, la JLD n'est que le trait d'union qui aboutira, vraisemblablement, au duel Mordru-Nabu).

Certes, visuellement, Justice League Dark (comme dans sa précédente incarnation durant les "New 52") est une belle série. Même si Alvaro Martinez a laissé les premières pages à Miguel Mendonça, l'espagnol imprime son style élégant sur les trois quarts de ces 24 planches, où son découpage inventif, son sens du détail, font merveille. Si on tient, c'est grâce à lui et il a du mérite de porter un récit aussi mal foutu. C'est du gâchis d'une certaine manière, surtout quand on se souvient que Tynion IV était bien plus inspiré pour alimenter son artiste durant son run sur Detective Comics (dont la solidité narrative était bien supérieure).

Mais, on le sait, un beau dessin ne sauve pas un piètre script, il le rend juste plus séduisant, et c'est une séduction éphémère et vaporeuse. 

Critiquer, ce n'est pas asséner une vérité (puisque d'autres sont plus satisfaits que moi par cette série, cela prouve qu'elle n'est pas nulle), mais à aider à comprendre le ressenti qu'on a d'une oeuvre. Entre l'intention affichée et le résultat, le compte, pour moi, n'y est pas : ce titre ne manque pas seulement de magie, il manque de clarté, d'intensité, de spontanéité. Il se suit avec le sentiment que son auteur cherche autant à expliquer d'où vient son hisoire que là où elle va (et cette seconde partie semble plus évidente que la première, ce qui est tout de même embarrassant). Difficile après ça d'être satisfait et même optimiste.

La variant cover de Clayton Crain.

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