jeudi 17 janvier 2019

MARTIAN MANHUNTER #2, de Steve Orlando et Riley Rossmo


Ce qu'on retiendra d'abord de ce deuxième épisode de Martian Manhunter, c'est que... Le martien est une langue diffile à écrire et à retenir ! Steve Orlando ne gâte pas le critique avec un vocabulaire à coucher dehors, presque aussi tordu que son intrigue devient convenue. Et Riley Rossmo lui emboîte le pas. D'où un sentiment de confusion...


J'onn J'onzz a révèlé son apparence martienne à sa collègue, Diane, suite à la sortie de route de leur voiture de police et le feu qui en résulte. Elle le sort du véhicule et le traîne jusqu'à une maison abandonnée où il tente de reprendre forme humaine.


En même temps, J'onn explique qu'il était déjà policier sur Mars, un bon élément, quoiqu'un peu rude. Comme cette fois où, descendant dans une sorte de fumerie clandestine, il moleste le tenancier qui lui prédit la fin de sa race suite à une malédiction.


Soucieux, J'onn retrouve sa fille et sa femme ensuite pour visiter une exposition sur les Thu'ulc'andrans, une espèce antérieure aux martiens mais dont l'évolution les a fait régresser socialement. Un avant-goût du sort réservé à sa race ?


J'onn raisonne sa fille quand elle aperçoit parmi les visiteurs une célébrité, B'ell J'uzz, à laquelle elle souhaite ressembler plus tard. Il lui explique qu'elle devra surtout s'accepter comme elle est et se forger sa propre identité.


A Middleton, Colorado. J'onn se remet lentement mais veut effacer de la mémoire de Diane ce qu'elle a vu. Paniquée, elle sort son arme de service et tire sur son collègue à bout portant pour le repousser.

Plus jeune, adolescent, j'étais un lecteur de SF : Asimov, Clarke, Silverberg (ce dernier étant celui que j'ai découvert le plus tard et qui m'a le plus ravi finalement)... Mais si je devais expliquer pourquoi je me suis détaché de cette littérature, ce serait pour une raison assez dérisoire : je n'arrivais plus à suivre les aventures de personnages aux noms bizarres, sur des planètes tout aussi étrangement baptisées.

Le langage et l'identité donc.

Et je retombe sur ces obstacles avec ce deuxième épisode de Martian Manhunter par Steve Orlando. Pour en rédiger le résumé, je n'ai cessé d'en consulter les planches afin d'être sûr de bien écrire les noms de certains personnages et d'autres termes (Thu'ulc'andrans !).

C'est bête mais ce genre de détail me pourrit la lecture. J'ai du mal à y entrer, à y rester, à la mémoriser, ça me détourne de l'intrigue. Et pourtant, Orlando n'est pas particulièrement compliqué à suivre : on peut même dire qu'il nous sert du réchauffé (même si on se gardera de juger trop hâtivement l'ensemble du menu).

Mais enfin, le coup de la malédiction pesant sur les martiens, le trouble qui ronge J'onn J'onzz, tout ça fait bien retomber l'intérêt après le précédent numéro prometteur. Orlando réserve les deux tiers de l'épisode à un flash-back sur la planète natale du héros, répétant qu'il était un flic aux méthodes musclées et tissant un parallèle gros comme un cable de marine entre ses soucis identitaires et ce qui attend sa fille (lors d'une sorte de rituel).

Au début et à la fin, sur Terre, J'onn survit in extremis à l'incendie de sa voiture de police grâce à sa collègue et a un mal fou à recouvrer forme humaine. La phobie du feu du personnage est connue mais que le choc lui cause autant de difficultés à récupérer, ça fait un peu beaucoup. Et les réactions de Diane sont bien trop exacerbées : elle est littéralement hystérique quand il se remet mais agit avec un sang froid étonnant lorsqu'elle le sauve. Elle découvre que son partenaire est un alien métamorphe mais lui tire dessus quand il ne présente aucun danger !

Cette confusion est soulignée par le graphisme très spécial de Riley Rossmo, qui s'en sort pourtant mieux que son scénariste. Il fait preuve d'une inventivité dans le découpage qui sert l'intensité et le malaise de la narration.

Par exemple, il est capable de consacrer une quinzaine de cases sur la même page pour montrer l'instabilité de J'onn à reprendre forme humaine, puis il joue sur la forme des cases quand l'action se déroule sur Mars. Convexes, concaves, les cadres suggèrent un monde flottant, dans une période de transition, épousant les doutes du héros et en même temps entourant les personnages dans des sortes de bulles apaisantes. C'est joli et singulier.

Ce qui n'empêche jamais de souligner la violence inhérente à ce qui se passe. Ou de susciter l'interrogation du lecteur : les fameux Thul'ulc'andrans, ces ancêtres des martiens, ressemblent à des hommes des cavernes par exemple. Faut-il comprendre que des humains ont colonisé Mars il y a très longtemps avant d'être dépassés par les natifs ? Et que donc, en arrivant sur Terre, J'onn a déduit que les hommes étaient des descendants des Thul'ulc'andrans ? Ou n'est-ce qu'une fausse piste ? Et quid de cette malédiction ?

Martian Manhunter progresse sur un fil très fin. Le projet est-il une (énième) retcon ? L'enquête sur la disparition de la jeune fille dont les parents ont été sauvagement assassinée va-t-elle reprendre ses droits rapidement ? Il semble que tout soit lié (le sort de Mars, l'arrivée sur Terre de J'onn, l'affaire criminelle), et Orlando cache bien son jeu. Prudence quand même : douze épisodes, c'est peu, mais ça peut devenir long si le récit n'est pas bien dosé.
   
La variant cover (impressionnante) de Joshua Middleton.

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