Ce cinquième chapitre de Heroes in Crisis permet à l'histoire de dépasser sa moitié et donc de franchir une ligne dans l'affaire des crimes commics au Sanctuaire. Tom King lâche au moins une info décisive tout en en gardant sous le pied, fidèle à son style. Et Clay Mann en profite pour assurer le show grâce à des planches magnifiques.
Blue Beetle a permis à Booster Gold de s'évader du Hall de Justice. Chez Ted Kord, les deux amis réfléchissent au moyen de disculper Michael Carter des meurtres du Sanctuaire tout en piègeant le coupable. Booster a une idée rocambolesque.
De son côté, Batgirl, qui cache toujours à Batman son alliance avec Harley Quinn (l'autre suspecte), convainc son mentor de lui laisser sonder Skeets, le petit robot de Booster Gold pour localiser ce dernier.
Obligés d'informer le public maintenant que l'existence du Sanctuaire est connue de tous, Superman et Wonder Woman donnent une conférence de presse dans laquelle ils expliquent la fonction de l'endroit et ce qui s'y est passé.
Superman fait la promesse que le coupable sera trouvé et que les civils peuvent continuer à faire confiance aux super-héros. Grâce à l'aide menançante de Harley, Batgirl fait "parler" Skeets. Booster Gold piège Flash et lui dérobe son rapport d'enquête sur le Sanctuaire.
En examinant les éléments collectés par Barry Allen, Michael Carter indique une anomalie à Ted Kord sur le cadavre de Wally West. Mais c'est alors que Batgirl et Harley Quinn surgissent dans leur repaire.
J'ai une conviction et elle n'engage que moi : je pense que les lecteurs de BD lisent trop rapidement. Ils se concentrent sur le texte, survolent les images, referment l'ouvrage et passent au suivant. En vérité, ils consomment de la BD plus qu'ils ne la lisent attentivement.
Cela aboutit à des reproches fréquents contre certains auteurs qui écriraient des histoires vite lues. C'est assez savoureux et injuste car les lecteurs réclament des "page-turners" efficaces mais déplorent d'oublier ce qu'ils racontent aussitôt consommés. Et lorsque la narration se fait plus (trop ?) lente, alors c'est le procès de la "décompression" où l'auteur chercherait à gagner du temps au lieu d'aller à l'essentiel (un peu de la même façon que l'abondance de dialogues passe pour du bavardage, même si c'est aussi par ce biais qu'on caractérise les personnages et délivre des informations sur l'intrigue).
La mission des scénaristes devient un numéro d'équilibristes où il faut donc aller vite sans donner l'air de se précipiter, en dire assez sans parler trop, intriguer sans donner le sentiment de jouer la montre. En cela, Heroes in Crisis est une saga qui a valeur d'épreuve car Tom King oblige le lecteur à se plier à son rythme de diffusion d'informations et de dévoilement d'indices tout en proposant un commentaire sur ces events où la mort d'un ou plusieurs personnages n'est pas qu'un rebondissement (l'auteur l'a d'ailleurs récemment expliqué en disant que son but n'était pas de surenchérir dans le spectaculaire, estimant que rien de plus ne pouvait être produit, mais plutôt de manipuler les images pour inviter le lecteur à y réfléchir).
La première page de ce cinquième épisode présente Booster Gold dans le "confessionnal" du Sanctuaire. Il ôte sa visière sur laquelle il y aurait une tâche pour l'essuyer avant d'interroger celui à qu'il s'adresse hors-champ (le lecteur lui-même en fait) sur le fait que sa visière est parfaitement propre. Mais peut-être est-ce seulement lui - ou nous - qui y voyons une tâche.
King est un adepte de ce genre d'astuce : ce petit speech de Booster Gold nous invite à considérer que nous et les héros qui enquêtent sur les meurtres commis au Sanctuaire ont la vue troublée non pas par les faits mais par un écran de fumée. Il faut regarder de plus près. Ou, comme le lecteur, lire moins vite. Pour considérer justement et attentivement ce qui s'est joué. Ce qui a toujours été sous notre nez sans qu'on y ait jusqu'alors prêté attention.
Heroes in Crisis commente alors, subtilement, la différence entre la lecture et la consommation. Si on va trop vite en besogne, si on ne prend pas son temps, l'essentiel risque de nous échapper. Il faut lire moins vite pour apprécier et l'histoire (dans sa globalité) et la situation (dans son détail). Car, c'est bien connu, le diable est dans les détails. Et cela, Booster Gold s'en rend compte quand il observe avec vigilance et opportunité une image prise d'un cadavre du Sanctuaire.
En parallèle, King développe un autre commentaire sur la confiance placée dans les super-héros au moment où le public apprend qu'ils fréquentent un établissement secret pour soigner leurs traumatismes psychologiques. D'abord, peut-on encore compter sur des êtres prétendument infaillibles, surhumains, mais qui suivent des thérapies psychologiques ? Et ensuite, si on choisit de leur faire confiance malgré cela, comment se fait-il que cette clinique secrète ait quand même été le théâtre d'assassinats commis par on se ne sait qui ? La tragédie du Sanctuaire expose les failles multiples des super-héros, qui sont sujets au stress post-traumatique, et qui sont incapables de veiller sur leurs pairs. Ces héros peuvent-ils alors encore protéger les simples humains dans ces conditions ?
Cette partition sensible et profonde requiert un dessinateur remarquable pour exprimer le doute tout en conservant la majesté des acteurs. Et Clay Mann accomplit ce travail avec brio.
A l'exception d'une page (lorsque Clark Kent prépare son discours pour la conférence de presse en compagnie de Lois Lane) dessinée par Travis Moore (dont le style est similaire à celui de Mann, ce qui ne troublera donc personne), la trentaine de pages de l'épisode est bluffante. Qu'il s'agisse de montrer Booster Gold et Blue Beetle complotant dans un appartement négligé un plan à la fois idiot et ingénieux (précisément parcce que son idiotie le rend imprévisible) ou de représenter Superman s'exprimant devant un pupitre, soutenu par Wonder Woman, en tentant de rester maître de lui-même, Mann brille en toutes circonstances.
Il nous gratifie, durant le speech de Superman, de vues sur plusieurs héros en action, "au travail" en somme - ce travail usant et altruiste. Cela donne des images superbes, composées inventivement ou plus classiquement : les héros DC y affichent cette noblesse de demi-dieux typiques en même temps que le texte souligne leur fragilité - le contraste est exemplaire, tout comme la colorisation de Tomur Morey (dont la contribution est essentielle - voir une pleine page comme celle du Shining Knight face au dragon).
Lorsqu'on sait que King va désigner le coupable avant le dernier épisode (où il exposera son mobile), et avec ce qui apparaît discrétement dans ce chapitre, on se dit que Heroes in Crisis n'a pas fini de captiver et de surprendre.
La variant cover de Ryan Sook.
Ca donne envie mais je ne le trouve nulle part.
RépondreSupprimerC'est sorti en France ?
Merci
Pas encore dispo en vf. La série compte 9 épisodes et se terminera donc en Juin aux Etats-Unis. Urban Comics devrait la publier en France peu après, en librairie (çaa fera un bel album).
RépondreSupprimerUn peu de patience, donc. Mais pas de doute, ça arrivera en France.
Merci
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