samedi 15 décembre 2018

THE BEST DEFENSE : DOCTOR STRANGE, de Gerrry Duggan et Greg Smallwood


The Best Defense est un curieux projet, une sorte de sonde pour tester la viabilité d'un retour des Defenders originaux (Namor, Hulk, le Surfeur d'Argent et Dr. Strange) dans le cadre d'une série régulière. Ici, on a droit à quatre one-shots à la fois autonomes et reliés aboutissant à un épisode réunissant les quatre héros. Gerry Duggan et Greg Smallwood se retrouvent à cette occasion pour le chapitre dédié au Doctor Strange. Et c'est un chef d'oeuvre !


La fin des temps est proche. Le Dr. Strange est désormais un vieillard qui traverse des paysages désolés et désertiques, vestiges d'un catastrophe ancienne. Mais le sorcier suprême sait comment réparer cela.


Guidé par l'Oeil d'Agamotto qu'il a remplacé par son propre oeil gauche, et après avoir écarté à un point d'eau les chiens de Dormammu, il atteint à la nuit tombé un cratère. En son centre est planté un morceau de la planche détruite du Surfeur d'Argent.


Après s'être assoupi et avoir rêvé de Cléa, de Cauchemar et d'un meurtre mystérieux, il se réveille, veillé par Dormammu qui est prêt à l'achever. Mais Strange sort de sa musette la tête momifiée de Hulk dont il a modifié le régime : il se régénère avec la magie désormais.


Dormammu en essayant de repousser cette tête ne fait que l'alimenter. Une énorme explosion a raison du démon mais aussi de la Terre, dont Strange s'échappe, tiré par le morceau de la planche du Surfeur d'Argent.
  

Le corps du sorcier se désintègre dans l'espace et sa forme astrale traverse alors l'Oeil d'Agamotto. Il remonte le temps, pour prévenir ses amis Defenders du cataclysme et l'empêcher.

Pour ce que j'ai lu de Gerry Duggan (principalement son run, tonique, sur Uncanny Avengers et deux épisodes de ses Gardiens de la galaxie), j'en retire qu'il est un scénariste moyen, mais très inspiré dans le format de la nouvelle, de l'épisode self-contained. Un exercice hélas ! peu courant (même si Warren Ellis l'adore, et que, récemment, Dan Slott l'a pratiqué sur Tony Stark : Iron Man).

Comme je le disais en préambule, The Best Defense se compose de quatre volets, écrits et dessinés à chaque fois par une équipe artistique différente, consacrés à chacun des quatre membres originels des Defenders - Namor, Hulk, le Surfeur d'Argent et Dr. Strange. Un cinquième chapitre réunit les personnages pour une conclusion qui relie les précédents épisodes.

Marvel fait preuve de prudence pour, peut-être relancer une série Defenders, quelques mois après la fin de celle de Brian Michael Bendis (avec Luke Cage, Iron Fist, Jessica Jones, Daredevil). Si Hulk et Dr. Strange ont chacun leur titre mensuel, le Surfeur d'Argent et Namor n'ont pas cette chance.

Le principe est intéressant mais inégal (pour voir lu le segment consacré à Namor, il n'est pas fameux malgré une fin étonnante, et celui avec Hulk profite surtout d'être écrit par Al Ewing aux commandes de la série du colosse de jade). Je vais voir ce qu'il en est avec Jason Latour et le Surfeur d'Argent. Mais, indéniablement, la qualité du Doctor Strange de Duggan et Greg Smallwood est la plus élevée.

Il s'agit en fait d'une version équivalente à un "Old Man Dr. Strange" avec son décor de fin du monde, son héros vieilli face à un son plus puissant ennemi. Pour qui aime ce genre d'interprétation, c'est un pur régal, que maîtrise parfaitement Duggan. Il nous intrigue avec la musette du sorcier d'où sort une voix, il nous électrise avec un combat contre le chiens abominables de Dormammu, nous ravit avec l'apparition de ce dernier, et nous éblouit avec son final à la fois définitif et génial.

Le numéro est dédié à Steve Ditko, le co-créateur du personnage (on pourra sétonner que Stan Lee ne soit pas salué d'ailleurs), et une double page fantastique lui rend un hommage exemplaire. S'il est fait allusion à l'origine de la catastrophe qui a dévasté la Terre (avec un mystérieux train de l'espace), l'histoire peut facilement se lire comme un one-shot, dont le dénouement est à la fois ouvert et fermé. 

Et puis l'épisode bénéficie des dessins fantastiques de Greg Smallwood. L'artiste avait collaboré avec Duggan sur un numéro de Guardians of the galaxy (sur Drax), déjà fort réussi. Surtout, depuis son run sur Moon Knight (écrit par Jeff Lemire), il s'était fait (trop) rare chez Marvel - préférant même s'exiler chez Archie Comics (pour une mini, Vampironica... Dont il a fini par abandonner les dessins).

Souhaitons que cette prestation convainque Marvel de lui confier à nouveau un titre régulier car son travail est admirable. Smallwood découpe tout le chapitre avec des cases qui occupent toute la largeur de la page (à la manière de ce que faisait parfois le regretté Darwyn Cooke), mais il en tire un parti maximum, jouant sur la profondeur de champ, la valeur des plans, les compositions.

La colorisation dont il s'est chargé est splendide, avec des nuances de gris, de brun, de beige, qui donnent une ambiance impressionnante et douce à la fois. Et puis, surtout, il y a ce trait, unique, superbe : Smallwood lui conserve une texture inimitable, comme s'il dessinait directement au fusain ou au pastel. Ce n'est pas de l'encre, encore moins du digital, c'est plus sec et délicat en même temps.

L'image, les personnages, les visages, les matières ont un grain d'une définition confondante. J'ignore sa technique mais elle est bluffante, associée à l'expressivité qu'il confère à ce que contient le cadre (qui n'est d'ailleurs pas repassé). Smallwood est un immense dessinateur.

Original, envoûtant,, intense, intelligent, captivant, on tient là un authentique chef d'oeuvre. Sans doute le comic-book du mois.   

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