mardi 13 novembre 2018

STAN LEE (1922-2018)


Stan Lee est mort. Il s'est éteint à l'âge de 95 ans.

Je ne peux résumer ce géant des comics. D'autres dresseront sa nécrologie, en soulignant son extraordinaire contribution à la bande dessinée, en pointant ses défauts aussi. Je veux simplement saluer sa mémoire, pas dresser de bilan.

Comme on comprend le bonheur au bruit qu'il fait quand il s'en va (pour paraphraser Aragon), on saisit l'importance de Stan "The Man" Lee à ce que le monde du Neuvième Art aurait été sans lui. Sans Stan Lee, donc, pas de Spider-Man (créé avec Steve Ditko), pas de X-Men, d'Avengers (créés avec Jack Kirby) - et par conséquent pas de la plupart des membres de ces équipes, autant dire une somme vertigineuse de personnages.

Sans Stan Lee, pas de Marvel Comics tout simplement. Rappel des faits rapide : au début des années 60, Martin Goodman est sur le point de mettre la clé sous la porte de Timely Comics. Il ose pourtant donner carte blanche à Stan Lee, tout jeune homme, pour relancer sa boîte. Lee a un concept simple mais révolutionnaire : le "héros à problèmes", l'antidote aux surhommes de DC Comics (Superman, Batman, Wonder Woman...), c'est-à-dire un personnage qui acquiert ses pouvoirs par accident et souvent dans sa jeunesse. "De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités" : le mantra de Peter Parker/Spider-Man deviendra celui de toutes les créations de Lee et ses dessinateurs. Avoir des pouvoirs, les assumer, est autant une bénédiction qu'un fardeau. Le super-héros moderne est né : plus de soixante après, la formule fonctionne encore.

Sans Stan Lee, pas de "Marvel's way" : il invente, pour produire à un rythme soutenu, les scripts de ses séries une méthode de travail inédite - et qui sera à l'origine de conflits sur l'invention de nombreux personnages et histoires. Pour cela, il "pitche" grossièrement l'intrigue à l'artiste qui en tire un découpage dessiné auquel ensuite il ajoute les dialogues. Ce système, repris par la majorité des scénaristes de comics, autorise la parution de plusieurs mensuels écrits par Stan Lee tout en impliquant dans la rédaction les dessinateurs.

Stan Lee, malgré tout, c'était aussi une intégrité morale, résumée par la "Stan's Soapbox". Késako ? Il s'agissait d'un encadré (voir ci-dessous) dans lequel le scénariste-rédacteur en chef-éditeur signait à la fois une réponse aux lecteurs et un billet d'humeur. Dans les années 60, lorsque la lutte pour les droits civiques battait son plein, Stan Lee y prenait position, comme en prolongement de ses oeuvres (notamment les X-Men), contre le racisme et la bigoterie. Une bulle de résistance, toujours salutaire.


Stan Lee, c'est notoire, s'est fâché avec pratiquement tous ses partenaires, qui s'insurgeaient contre sa propension à s'approprier la création des personnages et des histoires. La vérité, selon la "Marvel's way", indique bien que c'était ambigu et la lecture de certaines séries souligne bien que Kirby, Ditko et d'autres influençaient énormément la narration. Cependant, on ne peut enlever à Lee son étonnante et prolifique imagination et son génie commercial. Il avait le don pour deviner ce qui séduirait le lectorat, le devançant même parfois, et grâce à lui Timely Comics est devenu Marvel, ce géant transformé en empire multimédia, aujourd'hui propriété de Disney, championne du box-office avec les adaptations de nombreuses créations de Stan Lee et ses collaborateurs. Sans Stan Lee, le cinéma hollywoodien ne serait tout simplement pas le même actuellement !

Kevin Feige.
  
Alex Ross

L'annonce de son décès, après des derniers mois, disons, compliqués (dus à une santé chancelante comme tout homme atteignant cet âge vénérable), a à la fois surpris et accablé toute l'industrie et le fandom. De tous les géants des comics, Stan Lee restait le seul survivant - avec John Romita Sr. (qui doit se sentir bien seul désormais). Immédiatement, fans et célébrités, du cinéma et de la BD, ont témoigné sur les réseaux sociaux de leur émotion. Quelques réactions :

Chris Evans, Captain America au cinéma.

 Dan Slott, le seul scénariste à avoir écrit autant (sinon plus ?)
d'épisodes d'Amazing Spider-Man que Stan Lee.

 Un portrait peint par David Mack.

 Dwayne Johnson.

 Evangeline Lilly, alias la Guêpe.

 Jim Lee et Stan Lee.

 "Funky Flashman", la parodie de Stan Lee inventée par Jack Kirby,
reprise par Mitch Gerads dans Mister Miracle.

 Robert Downey Jr., alias Iron Man.

 Sebastian Stan, alias Bucky Barnes.

Tom Holland, alias Spider-Man.

 Avec Gillian Anderson.
 Haley Atwell, l'agent Peggy Carter.
 Paul Bettany, alias Vision.
 Finn Jones, alias Iron Fist.
 Clark Gregg, alias l'agent Phil Coulson.
 Chris Hemsworth, alias Thor.
 Hugh Jackman, alias Wolverine.
 Avec Jennifer Lawrence.
 Chris Pratt, alias Star-Lord.
 Jeremy Renner, alias Hawkeye.
 Ryan Reynolds, alias Deadpool.
 Mark Ruffalo, alias Hulk.
 Les frères Russo.
Zoe Saldana, alias Gamora.

Les hommages n'ont pas fini de pleuvoir dans les jours qui viennent. Et nul doute que Marvel et ses editors, scénaristes, artistes, comme ceux de la "Distinguée Concurrence" (comme Stan Lee nommait DC Comics), feront part d'un souvenir, d'une photo, d'un dessin, d'un message pour saluer la mémoire du Grand Homme.


Quelques portraits :

 Par Stanley "Artgerm" Lau.
 Pascal Campion.
 Jim Cheung.
 Jim Muniz.
 Pepe Larraz.
 Ron Salas.
 Bill Sienkiewicz.
Whilce Portacio. 

Car Stan Lee incarnait les comics, plus que quiconque. Pour beaucoup, il était ce papy qui apparaissait fugacement dans les films Marvel. Pour d'autres, un titan de l'édition. Ou bien un auteur incontournable. Mais pour tous, il restera celui qui réinventa les comics, le super-héros, cette part du mythe américain, de la pop-culture.



C'était vraiment une légende vivante. En partant, il accède au panthéon. "Excelsior !"

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