jeudi 29 novembre 2018

HEROES IN CRISIS #3, de Tom King, Lee Weeks et Clay Mann


Au premier tiers de sa saga, Tom King prend le risque de mettre en parenthèses l'enquête sur les événements tragiques suvenus au tout début de Heroes in Crisis. Mais, comme toujours chez ce scénariste, tout est calculé et a un objectif. Au dessin, Lee Weeks remplace Clay Mann, avec maestria.


Trois patients, admis plus ou moins récemment au Sanctuaire, détaillent l'endroit,sa fonction, son encadrement, son protocole de soins. Jusqu'à ce que tout dégénère brutalement, sans explication apparente.


Booster Gold arrive pour son premier jour de thérapie. Les trois hôtes de l'endroit l'accueillent et lui expliquent la procédure du Sanctuaire. Son anonymat y est protégé. Il expérimente une première session en chambre où il se trouve seul face à son double qui se moque de lui et avec qui il se met à se battre.


Wally West/Flash II est présent depuis deux semaines et demi. Il souffre de ne plus voir sa femme, Linda, et leurs deux enfants, Jai et Iris. Alors il teste une simulation où il combat avec eux Captain Cold, puis borde sa fille en lui racontant comment il reçu ses pouvoirs et les lui a transmis.


Lagoon Boy est le plus jeune des trois. Ancien membre de Young Justice, il a un tempérament fortement masochiste qui le pousse, en sessions, à se faire tirer dessus avec un laser depuis trois mois. Son malaise vient que la douleur qu'il éprouve alors ne dépasse jamais celle qu'il lui semble toujours avoir eue.


Une alarme interrompt les sessions des trois héros. Lagoon Boy trouve dehors les cadavres de Gunfire, Kid Devil et Jakeem Thunder. Wally West découvre le corps sans vie de Roy Harper/Arsenal. Et Booster Gold assiste au meurtre de Wally par Harley Quinn.

La sortie de ce troisième épisode s'est vue brouillée par un changement dans le texte de présentation au moment où DC a communiqué quelques pages en avant-première. Il était alors indiqué que, contrairement à la première solicitation, on découvrirait les coulisses du Sanctuaire juste avant la tuerie des héros y résidant.

Pourtant, s'il y a eu changement de plan, cela ne se ressent pas à la lecture. Il semble même fort improbable qu'en aussi peu de temps Tom King ait dû réécrire sa copie pour coller à un caprice éditorial : cela aurait entraîné des retards en cascades dans la production du numéro, qui devait déjà se passer de son dessinateur initial.

Pour en revenir au contenu, Clay Mann et King commencent par nous présenter trois patients du Sanctuaire - deux sont connus, l'autre est plus obscur. Chacun est là depuis plus ou moins longtemps et les raisons de leur admission sont progressivement dévoilées. King prend soin de donner à chacun un motif distinct d'être là et de décrire différemment la manière qu'ils ont d'appréhender cette thérapie.

Lagoon Boy est visiblement pris dans un cercle vicieux masochiste, éprouvant sa tolérance à la douleur tout en finissant par admettre qu'il a toujours souffert, avant d'être une super-héros.

Wally West est confronté à sa solitude, et son cas est émouvant. Ce personnage, apprécié de beaucoup de fans, a une histoire longue et fournie : membre des Teen Titans, il stoppe sa carrière de justicier car il souffre d'une maladie cardiaque incompatible avec sa super-vitesse. Puis il succède en tant que Flash à Barry Allen quand celui-ci se sacrifie lors de Crisis on Infinite Earths. Sa popularité dépasse celle de son mentor, si bien que quand celui-ci revient des morts et reprend son pseudonyme, DC essuie des reproches. Depuis sa mort dans Heroes in Crisis #1, personne ne veut croire à sa disparition définitive (même si son existence crée un doublon de Flash).

Enfin Booster Gold est une énigme depuis le début de l'histoire : assassin ? Ou témoin ? La fin de l'épisode semble le dédouaner, mais ce serait trop simple, d'autant que Lagoon Boy n'est visiblement pas tué par Harley Quinn (il est éventré par un rayon d'énergie ou une arme contondante, c'est - volontairement - confus).

Ce qui est certain en revanche, c'est que quelqu'un (ou quelques-uns) a (ont) su exploiter une faille sécuritaire du Sanctuaire pour y pénétrer et perpétrer des meurtres. Et la tragédie a frappé par surprise les victimes, car Lagoon Boy comme Wally West étaient en pleine session. Donc il y a préméditation du tueur.

Pour assurer la partie graphique, Clay Mann ne signant que la première et dernière pages (plus la couverture régulière), Lee Weeks retrouve King avec lequel il vient de signer un arc de Batman (avant de partir enseigner à la Kubert School).

L'artiste peut bénéficier d'un coloriste intelligent avec Tomur Morey, qui respecte son trait et son encrage magnifiques. King semble conscient que Weeks, qui est un vétéran respecté, est un narrateur à part entière (puisqu'il est également scénariste à ses heures). Aussi lui a t-il livré un script fluide sur lequel il a de l'espace pour s'exprimer.

On trouve donc deux pleines pages, inhabituelles pour un comic-book écrit par King, mais aussi des vignettes plus larges et aérées qu'à l'ordinaire. Weeks nous régale avec des personnages expressifs, des décors soignés, des compositions superbes.

Après ce retour en arrière, on croit en savoir un peu plus. Mais King n'est pas du genre à conforter les lecteurs dans leurs certitudes. Il reste encore six épisodes, un réservoir de surprises potentielles. La crise n'est pas résolue.

La variant cover de Ryan Sook.

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