vendredi 19 octobre 2018

DAREDEVIL #609, de Charles Soule et Phil Noto


Depuis la parution du précédent épisode, on a appris que le run touchait à sa fin avec cet arc intitulé, sans équivoque, The Death of Daredevil. Fin Novembre, la série s'arrêtera avant qu'un autre titre, sans le héros, ne soit publié début 2019. D'ici là, Charles Soule a promis une conclusion retentissante avec Phil Noto. Et, effectivement, dès ce 609ème numéro, on est très troublé...


Matt Murdock prend un café à la terrasse d'un bar lorsqu'il entend la course folle d'un camion et repère grâce à son sens radar un jeune homme traversant la rue et sur le point d'être percuté. Il le sauve in extremis mais c'est lui qui est victime de l'accident.


Hospitalisé en urgences, Matt est reconnu par la chirurgienne qui s'occupe de lui et s'emploie à stabiliser son état avec l'équipe médicale mobilisée. Entre la vie et la mort, Matt se concentre pour rassembler son énergie et se déplace sur un autre plan.


Ainsi retrouve-t-il, costumé en Daredevil, son sensei, Stick. Mais celui-ci le frappe violemment quand il apprend ce qu'il fait car ce n'est pas ce qu'il lui a enseigné. Rétabli, Matt reçoit la visite de Foggy Nelson à qui il demande de signer une décharge pour le faire sortir de l'hôpital car des choses plus pressées que sa convalescence l'attendent.


Matt retrouve Frank McGee, Reader et Cypher dans la librairie abandonnée où ils ont établi leur quartier général pour prouver que Wilson Fisk a truqué les élections municipales. Il leur confie être Daredevil et sa volonté de radicaliser leurs méthodes de travail car c'est à une guerre qu'ils se livrent.


L'objectif de Matt : enlever James Wesley, le bras-droit de Fisk. En se rendant chez lui, Daredevil est attaqué par un inconnu masqué. Mais il l'avertit qu'il n'a pas peur de lui ni de tous les hommes de main du Caïd. Son agresseur disparaît sans un mot. Matt rentre chez lui où il est attendu par Elektra, nue dans son lit, et qui vient l'embrasser langoureusement...

Annoncer, dans le titre même de l'histoire, la mort du héros intrigue forcément le lecteur qui sait que, dans les comics, personne ne reste longtemps décédé. Charles Soule va-t-il réellement tuer Daredevil ? Ou joue-t-il sur les mots ? Dans quelle mesure, en somme, peut-on accorder du crédit à ce programme après qu'il ait donné vie à Mike Murdock, le faux jumeau de Matt ?

Le scénariste s'emploie dès le début de cet épisode à jeter, efficacement, le trouble. D'abord en reproduisant la scène fondatrice du mythe de Daredevil, avec Matt Murdock évitant à un piéton d'être percuté par un camion. Fondu au noir.

Jusque-là, on est dans une séquence vraisemblable. Ensuite, Matt est au bloc opératoire, en piteux état, souffrant d'hémorragies internes, mais dans les mains d'une chirurgienne et d'une équipe déterminées à le sauver. Et c'est là que la confusion s'installe car Matt déguisé en Daredevil revoit d'abord des événements tragiques de son existence (l'exécution de Elektra par Bullseye, Blindspot entouré de ninjas de la Main...) puis, assis en tailleur, en lévitation, dans un décor montagnard, il médite jusqu'à l'apparition de son mentor, Stick qui, méprisant cet exercice, le frappe pour le sommer de se battre.

On est dans l'onirisme le plus complet, le songe d'un patient entre la vie et la mort. Peut-être déjà mort en fait... Car Matt s'en sort miraculeusement et reçoit la visite de Foggy dans sa chambre d'hôpital. Même avec la condition physique exceptionnelle qu'on lui connaît, il n'a qu'un bras en écharpe. Tout ce qui se produit alors relève soit d'une sorte de délire, peut-être post-mortem, soit d'un rétablissement insensé. Soule voudrait égarer le lecteur qu'il ne s'y prendrait pas mieux.

La suite et fin de l'épisode n'offre aucun moyen de démêler le vrai du faux : la visite à McGee, Reader et Cypher, la révélation de sa double identité à ses partenaires, l'attaque de cet étrange agresseur qui utilise des couteaux taillés dans des os, Elektra attendant lascivement Matt chez lui... Cela est-il réel ou non ?

Phil Noto s'y entend aussi pour souligner les intentions de Soule, utilisant des filtres ici (la scène de l'accident au début) qui floutent presque l'image, revenant ensuite à un encrage traditionnel, puis baignant l'épilogue dans une lumière trop sensuelle pour être crédible.

Le dessinateur applique au script un découpage classique (hormis la pleine page d'ouverture) et des transitions très nettes - l'accident dans la rue, l'opération dans le bloc opératoire, la confrontation avec Stick, la visite de Foggy dans la chambre, la réunion à la librairie, etc. Chaque scène forme une sorte d'unité détachée, de chapitre à part. Cela rend l'action ambiguë - pourquoi Matt révèle-t-il à ses alliés qu'il est Daredevil (il prétend que c'est pour gagner leur confiance, qu'il ne doit avoir aucun secret pour eux comme eux pour lui) ? Que fait Elektra dans son lit chez lui ? 

Et, comme sommet des interrogations, qui est cet énigmatique individu qui s'en prend à Daredevil, le pointe du doigt, puis disparaît tel un fantôme, sans dire un mot ? Est-ce Mike Murdock (qu'on a laissé le mois dernier pris en charge par The Hood sur ordre du Caïd) ? Une apparition cryptique (son costume arbore une croix chrétienne, très symbolique dans la mythologie du héros) ?

J'ai souvent aimé chez Soule ce côté décomplexé, prêt à entraîner la série où on s'y attendait le moins. Il paraît évident déjà que cet ultime arc narratif en sera une nouvelle démonstration.

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