lundi 20 août 2018

CROWDED #1, de Christopher Sebela et Ro Stein


Pour terminer les critiques de comics sortis Mercredi 15 Août, une nouveauté en provenance d'Image Comics : Crowded. Cette série écrite par Christopher Sebela (scénariste qui a travaillé pour à peu près tous les éditeurs sans jamais s'imposer comme une star) et dessinée par Ro Stein (une découverte) ne s'inscrit pas dans le genre super-héroïque : c'est un récit d'anticipation mixant action et comédie noire de manière très animée.


Dix minutes dans le futur. Charlotte "Charlie" Ellison rencontre Vita Slater dans un dinner pour l'embaucher comme garde du corps grâce à l'application "Defnd". En effet, sa tête est mise à prix sans qu'elle sache pourquoi sur une autre application, "ReapR". Vita démontre vite sa réactivité en abattant un agent d'entretien qui dégaine une fusil.
  

Charlie raconte sa journée : comme d'habitude, elle l'a passée à utiliser diverses applis pour des petits boulots, faire du commerce et rencontrer des célibataires. Mais le lendemain matin, on a commencé à tenter de la tuer dans la rue et a a fui, en quête d'un abri sûr puis d'aide - mais aucun de ses amis n'a répondu à ses appels.


Vita emmène Charlie ailleurs, la sauvant à nouveau de mercenaires dans le dinner puis sur le trajet alors qu'elles sont prises en chasse. Elle doit se débarrasser de son téléphone portable grâce à quoi on peut la pister. Direction : la maison de Vita, une vieille bâtisse coincée entre deux buildings.


Charlie questionne Vita sur ses états de service car elle est mal notée sur l'appli "Defnd" mais elle jure n'avoir jamais perdu un client et être parfaitement affûtée, menant une vie solitaire et s'entraînant rigoureusement. Elle accepte ainsi de protéger Charlie pendant un mois, délai au terme duquel le contrat sur elle sera logiquement terminé.
  

Ivre, Charlie ne reconnaît personne sur la liste d'ennemis potentiels qu'a dressée Vita. Elle est mise au lit et sa garde du corps se couche ensuite. Mais Charlie a menti : elle a repéré une certaine Francie sur la liste et lui téléphone pour la menacer à son tour - ignorant en faisant cela qu'elle a attiré devant chez Vita de nouveaux chasseurs de tête en armes...

Si je suis un fan de super-héros, je ne pourrai pas lire que ça. J'aime la BD, américaine en l'occurrence, pour la diversité de titres qu'elle propose et de genres qu'elle visite. Des éditeurs comme Image ou Dark Horse par exemple offrent une alternative à l'offre de Marvel et DC avec des séries s'aventurant ailleurs que chez les capes et les masques.

C'est grâce à cette alternative qu'Image en particulier a atteint la troisième place du marché américain (et convaincu des éditeurs français de traduire ses publications). Cette maison, pourtant fondé par des auteurs qui ont acquis la renommée et la fortune en oeuvrant d'abord pour les "Big Two", héberge aussi bien des talents reconnus en quête d'autre chose (indépendance, propriété de leurs créations, etc.) que des nouvelles têtes.

Crowded prouve que l'union d'un scénariste ayant déjà bien roulé sa bosse, mais sans réussir à devenir un auteur vedette, et un débutant, talentueux mais en devenir, porte ses fruits. Un peu comme pour Skyward de Joe Henderson et Lee Garbett, Christopher Sebela et Ro Stein se sont bien trouvés, et leur production est vivifiante, très originale, avec un fort potentiel et un démarrage redoutable.

L'idée ici, c'est de réfléchir en s'amusant sur la mode des applications pour téléphones et tablettes. On peut tout faire grâce à elles et c'est pour cela que l'histoire se situe "dix minutes dans le futur", juste assez loin pour faire croire qu'il existe des services en ligne pour commander la mort de quelqu'un et la protéger de cette menace. Cette mésaventure tragico-comique est celle qui arrive à Charlie Ellison, condamnée du jour au lendemain sans savoir pourquoi ni par qui et forcée de se payer un garde du corps.

Malheureusement, elle ne peut que s'offrir Vita Slater dont les notes laissées par ses précédents clients sont peu flatteuses. Mais, pourtant, très vite, cette bodyguard démontre, au contraire, son efficacité tandis que sa cliente, en lui mentant, va compliquer la situation... Tout ça va très vite mais sans jamais égarer le lecteur et l'épisode se termine sur un cliffhanger très accrocheur. Le tout pimenté par des dialogues très enlevés, avec un humour à froid, très noir, et une caractérisation savoureuse (la fébrilité exubérante de Charlie face à Vita qui est très blasée).

Les dessins sont formidables, c'est une vraie révélation car l'artiste a déjà une maturité prodigieuse dans le trait, la composition des images (voir par exemple le plan en coupe de la maison sur deux étages de Vita, pleine page, avec une perspective très maîtrisée et une foule de détails affolante), et le découpage (offrant une variété phénoménale d'angles de vue, de valeurs de plans, d'enchaînements - voir la course-poursuite en voiture et motos). 

On sent chez Ro Stein une pointe d'influence héritée de Ramon K. Pérez, mais avec un peu plus d'exagération dans les proportions, les expressions. On trouve pire comme référence, surtout qu'elle demeure discrète.

C'est un premier pas très concluant, impressionnant même. L'intrigue est prometteuse, avec un swing ravageur, un graphisme bluffant. A suivre de près.  

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