jeudi 23 août 2018

BLACK HAMMER : AGE OF DOOM #4, de Jeff Lemire et Dean Ormston

(Cette semaine, je m'amuse à écrire mes critiques par ordre alphabétique des titres de série...)


Après une pause le mois dernier, le temps pour Jeff Lemire et Dark Horse de lancer le spin-off The Quantum Age, Black Hammer : Age of Doom revient pour un quatrième épisode attendu suite au cliffhanger tendu du dernier épisode. Mais comptez sur le scénariste et son dessinateur Dean Ormston pour vous surprendre encore une fois...


Lucy Weber, qui a obtenu son ticket de sortie du Dreamland, est de retour à la ferme et plus précisément à la cabane de Mme Dragonfly. Elle menace la sorcière et son acolyte, le colonel Weird, car elle pense qu'ils ont trahi leurs compagnons en les piégeant ici. Mais la vérité n'est pas si simpliste et Mme Dragonfly immobilise la fille de Black Hammer pour tenter de la raisonner.


Au même moment, dans la grange de la ferme, Gail tente de réparer le robot du colonel Weird, Talky. Rn rebranchant quelques fils au hasard, elle réussit à le réanimer brièvement. Mais suffisamment pour qu'il dénonce celle qui l'a mis dans cet état : Mme Dragonfly.


Abe raccompagne Tammy Trueheart avec laquelle il vient de coucher puis partage une bière avec Barbalien. Ils devisent sur leur bonheur respectif et le fait que, peut-être, la vie à Rockwood n'est pas un châtiment divin. Jusqu'à ce que Gail sorte en volant de la grange, furieuse après Dragonfly qu'elle se jure de tuer. Ils la suivent pour tenter de comprendre de quoi il retourne.
  

Dans sa cabane, la sorcière écoute Weird lui conseiller de révéler la vérité à présent. Elle paraît finalement soulagée et disposée à le faire quand Gail, Barbalien et Abe surgissent. Lucy est libérée et attend comme les autres des explications claires.


La sorcière avoue qu'elle les a dupés, tous, mais pour les protéger. Afin de savoir de quoi, elle le leur montre... Et on découvre alors les corps de Abe, Barbalien, Gail inconscients dans des caissons à l'intérieur du vaisseau spatial du colonel Weird. 

Le troisième épisode avait connu une brusque accélération avec sa dernière page paraissant indiquer une trahison en bonne et due forme fomentée par Mme Dragonfly et le colonel Weird contre le reste du groupe et mise à jour par la nouvelle Black Hammer. "Déjà ?" avait-on envie de dire.

Mais c'était oublier qu'avec Jeff Lemire, rien n'est ce qu'il semble être. Si Black Hammer est une série truffée de références et de clins d'yeux à d'autres séries, aussi bien produites par Marvel que par DC (qui loue les services de Lemire sans rancune), ce sont souvent de subtils amalgames, des fusions improbables entre plusieurs éléments qui en font le sel. Le héros-titre en est d'ailleurs le parfait résumé puisqu'il s'inspire à la fois de Thor (Marvel) et des New Gods (DC).

En appliquant le même traitement hybride à sa narration, Lemire se prémunit contre tous les pronostics de ses fans, déjoue leurs attentes et fait rebondir son intrigue de manière diabolique. Les vingt pages de ce numéro 4 en témoignent où le lecteur est manipulé comme les héros qui croient que Mme Dragonfly avec la complicité de Randall Weird a abusé ses amis de façon malfaisante. Tout porte à le croire en fait depuis le début de Age of Doom où curieusement tout va plutôt bien, mieux pour certains personnages, tels que Barbalien devenu l'amant du prêtre de Rockwood ou Abe qui file le parfait amour à nouveau avec Tammy Trueheart, qui plus est avec la bénédiction de son ex-mari !

La sorcière est la coupable idéale : grâce à ses pouvoirs, elle a pu corrompre le shérif, le curé, ses partenaires. Talky est hors service, neutralisé par Weird lui-même (qui n'a de toute façon plus toute sa tête et s'exprime de manière cryptique). Et Gail est trop accablée par son état et sa situation pour se préoccupper de Mme Dragonfly.

Mais, comme disait l'agent Fox Mulder, "la vérité est ailleurs". La dernière page, à nouveau, relance la partie, de manière absolument prodigieuse... Et énigmatique. Le lecteur ne sait plus quoi penser. Sauf qu'effectivement Dragonfly et Weird ne sont pas les vilains de l'histoire (histoire qui se paie le luxe de ne pas avoir besoin de vilain d'ailleurs). 

Cette imprévisibilité fait le charme de la série et Dean Ormston la met en images de façon ingénieuse. Sa narration graphique montre tout au premier degré et participe à la grande illusion. L'ambiance confirme la duplicité des uns et la naïveté ou la révolte des autres. Puis tout bascule en douceur lorsque les masques tombent.

L'artiste n'est pas un virtuose dont le style impressionne mais son trait saisit finement un changement d'expression décisif. Abe avoue à Tammy sa double identité sans qu'elle y croit et il accueille cette réaction dans un soupir désabusé, justifiant qu'il n'insiste pas. La félicité de Barbalien se nuance d'un léger reproche quand le même Abe s'étonne de le voir à présent ravi d'être coincé à Rockwood. Puis, plus appuyée, la colère empourpre Gail lorsqu'elle découvre qui a endommagé Talky. Enfin, Dragonfly ne peut réprimer une larme de soulagement au moment de passer aux aveux.

Cette addition de petites émotions bien disposées permet de savourer la progression dramatique de l'épisode sans tomber dans un excès de théâtralité.

Fort de tout cela - une écriture maîtrisée, un dessin ciselé - , la suite promet d'être captivante.

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