samedi 14 juillet 2018

LE RETOUR DU HEROS, de Laurent Tirard


Sorti en Janvier dernier, Le Retour du Héros marquait les retrouvailles entre le réalisateur Laurent Tirard et son acteur d'Un Homme à la hauteur (2016), Jean Dujardin. Hélas ! Encore une fois, le public ne s'est pas déplacé en masse alors que la critique était plutôt clémente. Peut-être faut-il chercher du côté de la manière dont on a été promu le film les raisons de cet échec injuste...

 Le capitaine Charles-Grégoire Neuville (Jean Dujardin)

1809, sous le Premier Empire. Le fringant Charles-Grégoire Neuville est capitaine dans l'armée de Napoléon et demande la main de Pauline Beaugrand, issue d'une famille aisée. Elle accepte mais Neuville reçoit alors un ordre de mission pour partir combattre les autrichiens. Il promet à sa fiancée de lui écrire chaque jour.

Elisabeth Beaugrand (Mélanie Laurent)

Mais il n'en fera rien. Et Pauline dépérit au fil des semaines puis des mois. Sa soeur aînée, Elisabeth, décide de prendre les choses en main et commence à écrire des lettres en se faisant passer pour Neuville. Le résultat est instantané puisque Pauline reprend espoir au fur et à mesure que de nouvelles missives lui parviennent, tandis que Elisabeth intercepte ses réponses - où elle découvre chez sa soeur un talent insoupçonné pour la prose érotique. Pourtant, lorsque la campagne d'Autriche s'achève, elle invente une mission à Neuville en Inde contre les colons britanniques. Puis s'apercevant qu'elle va trop loin, lui offre une mort héroïque au champ d'honneur. 

Le retour du "héros"...

Le temps passe. Pauline épouse Nicolas, son timide soupirant, à qui elle donne un fils, mais sans oublier Neuville à qui elle fait graver une plaque dans le village voisin en mémoire de ses exploits. Pourtant, un jour de 1812, tandis qu'elle est partie au marché, Elisabeth aperçoit Neuville descendre d'une diligence : barbu, en haillons, il est méconnaissable. Mais bien vivant ! Elle l'aborde alors et lui offre une grosse somme d'argent pour qu'il disparaisse, après lui avoir montré la stèle en son honneur. Il consent à repartir.

Neuville et Elisabeth

Sauf que, quelques jours après, il resurgit, dans son uniforme de hussard, au château des Beaugrand pour présenter ses hommages à la famille et présenter ses félicitations à Pauline. Ses hôtes écoutent le récit de ses aventures, comment il a échappé à la mort et est devenu le propriétaire d'une mine d'or en Inde. Elisabeth n'en revient pas de l'aplomb dont il fait preuve et du phénomène qu'il ne tarde pas à devenir et qu'on se presse pour entendre ses affabulations. 

Pauline Beaugrand, son fils et son mari Nicolas (Noémie Merlant et Christophe Montenez)

Neuville ne s'arrête plus : il accepte que des investisseurs veulent placer de l'argent dans sa mine d'or imaginaire - concevant une escroquerie pyramidale avec comptant rembourser ses premiers associés avec la monnaie des suivants et ainsi de suite. Pour être raccord avec les mensonges d'Elisabeth, il apprend par coeur ce qu'elle a écrit en son nom tandis qu'elle insiste pour qu'il n'exagère pas ses fictions. Bien sûr, il n'en fait rien, surenchérissant à chaque fois ses prouesses pour épater ses auditeurs.

Neuville et Pauline

Grisée, Pauline retombe amoureux de son capitaine et Elisabeth le remarque. Elle ressort une lettre passionnée de sa cadette et fait croire à Nicolas qu'elle l'a trouvée dans la poche d'une veste de Neuville. Le mari offensé provoque son rival en duel. Mais le matin de leur face-à-face, Pauline s'interpose. Vexé, Nicolas gifle sa femme, ce qui a pour effet de le rendre plus attirant pour elle.

Elisabeth et Neuville

Son plan ayant échoué, Elisabeth menace Neuville de dénoncer son imposture publiquement. Mais il s'en sort encore une fois en demandant sa main à ses parents. Sidérée, elle s'emporte devant eux tous et le capitaine reçoit des excuses des Beaugrand pour le comportement de leur aînée. Une autre idée vient à celle-ci lorsqu'elle apprend que des soldats campent non loin pour repousser des envahisseurs cosaques. Elle rencontre le général Mortier-Duplessis et l'invite à dîner pour confondre Neuville - mais quand celui-ci lui explique qu'il sera fusillé quand l'officier apprendra qu'il a déserté, Elisabeth est prise de remords. Mortier-Duplessis interroge Neuville sur la campagne d'Autriche et, contre toute attente, il raconte la terrible bataille d'Essling de façon déchirante.

Elisabeth et Neuville

Les cosaques approchent et le général doit rejoindre ses troupes. Les Beaugrand et leurs invités confient leur défense à Neuville. Il pense d'abord fuir mais, troublé par le mépris que lui témoigne Elisabeth en le surprenant, il se ravise et sort défier seul les envahisseurs sur qui il fait feu tandis qu'ils chargent. Grâce à l'appui des canons du général, il les met en déroute. Elisabeth, épatée, reconnaît sa bravoure et l'épouse. Le jour de leur mariage, Neuville reçoit un ordre de mission pour l'Allemagne et suit les hussards avant d'emprunter, devant sa belle-famille médusée et son épouse hilare, le chemin opposé.

Lorsque Jean Dujardin et Mélanie Laurent étaient invités sur les plateaux de télé en Janvier dernier pour la sortie du film, on sentait qu'ils marchaient sur des oeufs pour convaincre le public d'aller voir Le Retour du Héros, racontant les difficultés rencontrés pour financer le projet car les investisseurs ne croyaient pas à la rentabilité d'une comédie en costumes d'époque. Les deux acteurs s'efforçaient alors de situer cette production dans la lignée d'oeuvres prestigieuses à succès comme Cartouche ou Les Mariés de l'An II.

Ces références, écrasantes, étaient citées de façon maladroite, et d'ailleurs certains critiques l'ont souligné. En effet, si le film de Laurent Tirard a ses qualités, il diffère des divertissements de Philippe de Broca et Jean-Paul Rappeneau en cela qu'il ne s'inscrit pas dans le même genre (le film de cape et d'épée). On peut comprendre que les gens qui sont allés en salles en soient sortis décontenancés puisque le programme n'était pas celui qu'on leur avait vendu.

L'échec commercial du long métrage n'a donc pas atteint seulement ceux qui l'ont fait mais va certainement impacter d'autres films ambitionnant des histoires dans le même cadre. C'est très dommage, surtout dans le paysage déjà peu enthousiasmant du cinéma hexagonal qui se cantonne à de la comédie populaire bas de gamme, qui, elle-même, ne fait plus tellement recette.

Le scénario de Tirard et Grégoire Vigneron joue une autre partition mais qui ne manque pas d'attrait. Le Retour du Héros est finalement plus une réflexion savoureusement malicieuse sur l'art de la fiction et l'interprétation qu'un film d'aventures trépidant où Dujardin remplacerait Belmondo et Mélanie Laurent, Claudia Cardinale ou Marlène Jobert. Comme dans Un Homme à la hauteur, le réalisateur préfère risquer de déjouer les attentes en s'amusant des caprices de la création, entre l'auteur et sa muse.

Elisabeth Beaugrand agit avec les meilleures intentions du monde lorsqu'elle rédige les lettres destinées à sa soeur désespérée par l'oublieux capitaine à qui elle voue un amour inconditionnel. En en faisant une créature fantasmatique et surhumaine, elle s'amuse autant qu'elle guérit Pauline. Mais lorsqu'elle devine qu'elle est allée trop loin dans la fiction et estime que Neuville ne reviendra pas, elle le tue.

En le voyant resurgir et s'imposer, la jeune femme doit composer avec sa présence et, pendant un temps, elle et le capitaine font équipe car ils y trouvent chacun leur intérêt : elle est flattée de voir le héros qu'elle a imaginé divertir aussi bien l'auditoire, il jouit de la réputation extraordinaire qu'il a gagnée par la prose de son ex-belle soeur. Mais les choses déraillent bien entendu : Neuville en rajoute et irrite Elisabeth qui tient à l'intégrité de son oeuvre mais aussi à celle de sa soeur, sur le point de succomber à nouveau au charme de son premier amour.

Le partenariat explose et la guerre entre la créatrice et sa créature commence. Le film décolle vraiment et brille par ses dialogues ciselés, ses situations vraiment drôles, sa mise en scène alerte. Le charme canaille de Jean Dujardin et le tempérament enlevé de Mélanie Laurent font mouche, l'alchimie entre les deux acteurs est totale et leur plaisir de jouer ensemble, sur un rythme endiablé, est communicatif. On n'en attendait pas moins de Dujardin, qui s'est fait une spécialité des personnages aussi suffisants que veules et volontiers idiots, tandis que Mélanie Laurent étonne et épate dans ce registre comique inédit pour elle et qu'elle maîtrise pourtant totalement. Elle rayonne littéralement, sans en rajouter surtout, et vole la vedette à son partenaire.

Les seconds rôles sont assumés par des comédiens parfaitement choisis, comme Noémie Merlant (merveilleuse en amoureuse aveuglée), Christophe Montenez (fabuleux en faux nigaud), et le duo Evelyne Buyle-Christian Bujier (dans la peau des parents Beaugrand sous le charme du filou).

Certes, vers la toute fin, le film s'emballe un peu avec l'arrivée opportune des cosaques et verse dans un grand spectacle vite expédié pour prouver que le héros est capable d'être vraiment brave, mais la fin est exquise. Le couple de tendres ennemis s'aime enfin avant d'être séparé précocement puis que Neuville retombe dans ses travers.

Laurent Tirard emballe tout ça en 90 minutes et cette concision l'honore quand tant de films sont trop longs pour rien. C'est vraiment dommage que son entreprise n'ait pas fonctionné - pour son sens du casting, son art du récit (au propre comme au figuré) et le soin de la reconstitution (le film porte bien ses costumes). Espérons pour le réalisateur que cela ne sonne pas le glas de ses ambitions et que, s'il remet une troisième fois le couvert avec Jean Dujardin, le succès soit au rendez-vous. Mélanie Laurent, elle, a repris sa casquette de metteur en scène (pour son premier opus américain, Galveston, à sortir à l'Automne prochain).

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