En ce beau Dimanche d'Avril, je consacre cette entrée au millième numéro de la revue Action Comics qui célèbre aussi les 80 ans de Superman. Et pour l'occasion DC Comics a mis les petits plats dans les grands en publiant à la fois un gros album retraçant la carrière du Man of tomorrow et ce fascicule de 80 pages (qui ne figure cependant pas au sommaire du recueil précité !) avec onze histoires par quelques grands noms au générique (mais aussi quelques absents notables). Il y a du très bon, du moyen et du passable dans cet hommage historique.
- From the city that has everything (Ecrit et dessiné par Dan Jurgens.) - Metropolis célèbre son protecteur en présence de quelques notables et civils témoignant des actions de Superman en leur faveur. Mais la foule présente devant l'estrade réclame le héros en ignorant que Clark Kent, son alter ego, veille car des envahisseurs extra-terrestres menacent - mais ses amis montent la garde...
On commence les festivités par ce segment signé Dan Jurgens, auteur dont le nom est associé à Superman depuis plus de vingt ans (il écrivait encore récemment la série Action Comics). Hélas ! l'auteur se montre bien peu inspiré : son histoire traîne en longueur et s'achève sur une note bien mièvre (tous fans de Supe !), et les dessins ont cet aspect vieillot qui a toujours caractérisé l'artiste.
Tout cela ressemble plus à un pot de départ pour remercier Jurgens qu'à un effort digne de figurer dans ce numéro historique.
- Never ending battle (Ecrit par Peter J. Tomasi et dessiné par Patrick Gleason.) - Attiré par Vandal Savage dans un piège temporel qui le renvoie dans le passé, Superman réussit à s'en sortir en se souvenant qu'oublier hier condamne à en répéter les erreurs. Il pourra passer la soirée avec sa femme Lois Lane et leur fils Jon pour son anniversaire.
Heureusement, on redresse la barre rapidement avec cette dizaine de pages par le duo Tomasi-Gleason, à l'oeuvre sur la série Superman dernièrement. Ils retracent de manière habile et dynamique les temps forts de la longue carrière de l'homme d'acier, en voix off et au moyen de pleines pages somptueuses. Rien n'est oublié - pas même Kingdom Come (conçu comme une mini-série "Elseworlds" avant d'intégrer la continuité).
C'est impeccable, magnifiquement mis en images, et écrit avec verve.
- An enemy within (Ecrit par Marv Wolman et dessiné par Curt Swan, avec la participation de Butch Guice.) - Attiré hors de Metropolis pour abattre des drones de Brainiac, Superman doit laisser la commissaire Maggie Sawyer raisonner un professeur qui menace de s'en prendre à ses collègues et ses élèves car il entend des voix - précisément celles des engins de Brainiac.
Voilà une curiosité : sachant que Curt Swan est mort il y a 22 ans, le voir crédité ici interroge (un peu à la manière dont Marvel pour Captain America #700 a ajouté un bonus par Jack Kirby en montant diverses planches pour coller à un script de Mark Waid). Le crime ne paie pas car le résultat est piteux : l'histoire de Marv Wolfman est quelconque, et la contribution de Butch Guice comme encreur-finisseur ne ressemble à rien.
A tout prendre, n'aurait-il pas été plus indiqué, pour créer le buzz, de réunir Wolfman et son dessinateur mythique (et bien vivant lui) George Perez ?
- The game (Ecrit par Paul Levitz et dessiné par Neal Adams.) - Superman défie Lex Luthor aux échecs et gagne la partie. Ce qui ne convient pas au magnat qui piège son adversaire avec des chaînes de kryptonite. Mais Superman réussit à s'en libérer grâce à une boîte-mère que lui a prêté Mister Miracle.
On continue de visiter le quartier des vétérans avec ces pages du tandem Paul Levitz-Neal Adams... Et décidément, les seniors ne sont pas en forme. On a un peu pitié de la platitude, pour ne pas être plus sévère, de l'argument employé ici, et les illustrations sont majoritairement laides.
Là encore, à choisir, j'aurai préféré que des pin-ups remplacent ces récits qui entachent la réputation de ces légendes un peu décaties.
- The car (Ecrit par Geoff Johns et dessiné par Olivier Coipel.) - Butch, un gredin, a percuté, en prenant la fuite en voiture avec d'autres malfrats, Superman, qui a corrigé ce gang. Au garage où il a emmené son véhicule, le mécanicien se moque de lui avant que Superman ne resurgisse et lui conseille de changer de vie.
La petite histoire après la Grande : fan ou pas de Superman (et de super-héros en général), tout le monde connaît l'image de couverture du n°1 d'Action Comics montrant Superman soulevant la voiture d'une bande de fripouilles. Geoff Johns raconte ce qui suit cette représentation iconique de façon magistrale et concise, avec une forme d'humour et de tendresse mêlés. Il réussit à capter l'essence du mythe par la marge. Et avec le concours d'Olivier Coipel, en très grande forme, qu'on découvre taillé pour dessiné Superman, auquel il donne une majesté incroyable.
Une pépite.
- The fifth season (Ecrit par Scott Snyder et dessiné par Rafael Albuquerque.) - Superman retrouve Lex Luthor au planétarium de Smallville. En possession d'instruments pouvant altérer le temps, Luthor se rappelle qu'enfant Clark Kent l'avait sauvé d'une expérience qui allait mal tourner.
L'excellence est aussi au rendez-vous du segment élaboré par les partners-in-crime Snyder-Albuquerque (American Vampire), qui mettent en scène Superman et Lex Luthor avec bien plus d'allure que Levitz et Adams. D'une certaine manière, le scénariste attribue la victoire au vil chauve dans ce récit qui revient sur l'enfance de Clark Kent et la sienne à Smallville.
Les dessins sont superbes, rehaussés par les couleurs de Dave McCaig.
- Of tomorrow (Ecrit par Tom King et dessiné par Clay Mann.) - Le soleil va s'éteindre en détruisant la Terre. Superman fait ses adieux à sa planète et ses parents adoptifs, avant de rejoindre Lois Lane, qui a acquis le moyen d'être immortelle, et leur fils Jon.
Et voici LE chef d'oeuvre de la collection : cinq pages suffisent à Tom King pour dire l'essentiel du passé et du futur de Superman dans un adieu à la Terre (qui s'apprête à être consumée par le soleil mourant) poignant et étonnamment serein. La profondeur tranquille de ce moment possède une poésie authentique que les dessins de Clay Mann et la mise en couleurs exceptionnelle de Jordie Bellaire transforment en spectacle grandiose, incandescent.
Vraiment somptueux.
- Five minutes (Ecrit par Louise Simonson et dessiné par Jerry Ordway.) - Le "Daily Planet" attend l'article de Clark Kent pour son bouclage lorsqu'il s'éclipse pour sauver quelques vies dans Metropolis. De retour au bureau, Perry White, son rédacteur en chef, change de sommaire et envoie son reporter recueillir les propos des témoins des exploits de Superman avec Jimmy Olsen.
Seule femme à participer à cet hommage, Louise Simonson a l'honneur de bénéficier du talent du trop rare Jerry Ordway pour cette histoire pleine de vivacité et de malice qui s'amuse de la double vie menée par Superman et Clark Kent. La morale est savoureuse et souligne qu'il s'agit d'une fable bien troussée.
Graphiquement, chaque plan rappelle à quel point Ordway sait composer une image bien remplie tout en les enchaînant avec une fluidité de grand pro. Un régal.
- Actionland ! (Ecrit par Paul Dini et dessiné par José-Luis Garcia-Lopez et Kevin Nowlan.) - Des touristes se pressent dans un parc d'attractions à la gloire de Superman, depuis son arrivée sur Terre jusqu'à sa mort. Désappointé par cette conclusion, le public boude... Ce qui incite Mr Mxyzptlk, le créateur du site, de changer le parcours en épargnant le héros.
C'est l'autre effort méritoire de la part de deux "anciens" (et même trois en comptant Kevin Nowlan, encreur de luxe pour l'occasion). Le pitch est du pur Paul Dini, plein d'esprit, de tonus et de second degré, une manière d'écrire rafraîchissante comme on aimerait en lire plus souvent.
Quant à la contribution de José-Luis Garcia-Lopez, elle est juste splendide : la précision du trait, son expressivité, la luxuriance des plans, leur composition, tutoient la perfection dans un registre classique. Quelle classe !
- Faster than a speeding bullet (Ecrit par Brad Meltzer et dessiné par John Cassaday.) - Rick Fagen, un forcené, menace d'exécuter une otage mais Superman se presse pour empêcher ce drame. Il sauve la femme in extremis car elle a pensé à légèrement déplacer sa tête du canon du pistolet.
Sur une idée minimaliste au possible, Brad Meltzer développe quelques pages d'une énergie rare, au suspense indéniable, avec, c'est notable, un Superman qui doute. L'enjeu ajouté à cette crise de confiance passagère aboutit à une tension très efficace.
Et, pour ne rien gâcher, John Cassaday dessine cela avec beaucoup de dynamisme. L'artiste est très rare ces temps-ci et il faut donc en profiter, mais le retrouver en si bonne condition (et compagnie) fait plaisir.
- The truth (Ecrit par Brian Michael Bendis et dessiné par Jim Lee.) - Superman reçoit une terrible raclée de la part de Rogol Zaar qui a juré d'exterminer tous les kryptoniens comme autrefois il avait promis à Jor-El, le père du héros, de détruire sa planète natale.
Pour finir, on a droit à une sorte d'amuse-bouche à la mini-série hebdomadaire en six parties Man of Steel qui commencera le mois prochain et marquera les débuts de Brian Michael Bendis chez DC et sur le personnage (avant d'en rédiger les aventures dans sa série-titre et Action Comics). Le scénariste ne perd pas de temps avec cette baston intense et une pointe de révisionnisme qui va sûrement faire causer ses détracteurs (même s'il n'est pas le premier à retoucher aux origines de Superman).
Je n'ai jamais aimé le dessin de Jim Lee mais je comprends qu'il signe ces planches car cela leur donne un retentissement particulier (et puis, bon, c'est un des big boss de DC, difficile de l'écarter).
Pour les segments signés Tomasi-Gleason, Johns-Coipel, Snyder-Albuquerque, King-Mann, Simonson-Ordway, Dini-Garcia-Lopez, Meltzer-Cassaday, soit 7 sur 11 histoires, ce millième épisode vaut largement qu'on dépense 7,99 $ pour l'acquérir (si vous trouvez ça encore trop cher, essayer de trouver un album cartonné franco-belge de 48 pages à ce prix et on en reparle, ou comparez cet hommage avec celui des 80 ans du "Journal de Spirou" d'une platitude indigne). Longue vie à l'Homme de Demain !
merci pour cette chronique
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