mardi 27 mars 2018

BATWOMAN #13, de Marguerite Bennett et Fernando Blanco


Avec ce treizième épisode commence en quelque sorte la deuxième "saison" de la série, mais "en quelque sorte" seulement car il est si organiquement lié aux précédents qu'il ne s'agit pas d'une histoire différente, mais de la poursuite, du développement de l'intrigue démarrée depuis le début du titre. On est dans une logique de feuilleton, sans interruption, et cela donne une ampleur nouvelle aux aventures de Batwoman, qui l'émancipe vraiment du reste de la "Bat-family".


Une fois arrivée à Bruxelles, Kate Kane se rend au sanatorium où est internée sa soeur jumelle, Beth alias Alice, l'ennemie de son alter-ego Batwoman. Mais elle apprend que celle-ci a disparu, enlevée (sans que cela ne semble vraiment déranger les responsables de l'établissement...). Batwoman se rend donc à l'adresse du domicile occupé par les Kane dans la capitale belge autrefois, là aussi où Kate, sa soeur et leur mère furent kidnappées avant d'être rendue, pour la première, à leur père, Jacob Kane.


La maison est abandonnée depuis les sinistres événements dont elle fut le théâtre mais Batwoman est certaine d'y trouver un indice, peut-être même la "Mother of War", leader de l'organisation des "Many Arms of Death", dont elle pense qu'il s'agit de Safiyha Sohail. Elle l'attend effectivement dans l'ancienne chambre des jumelles Kane.
  

Les deux ex-amantes s'affrontent et Batwoman, animée par la colère, a l'avantage et menace Safiyha. Mais celle-ci jure n'être pour rien dans la disparition de Beth ni même dans les manigances des "Many Arms of Death" : il s'agit d'une ruse, entreprise depuis longtemps, pour les éloigner de leurs bases respectives, Coryana et Gotham.


Et qui, plus que toute autre, peut leur en vouloir à ce point, à toutes deux ? Quelle femme est leur ennemie jurée, parce que Kate a été sa rivale et Safiyha la maîtresse qui l'a rejetée ? Tahani bien sûr. Celle-là même qui, en ce moment, est à bord d'un avion privé avec les jumeaux de l'organisation et la vraie chef des "Many Death of Arms" : rien moins qu'Alice, alias Beth Kane, résolue à attaquer Gotham comme elle l'a fait avec Coryana !

C'est vraiment un point d'orgue, un climax, pas seulement avec la révélation de la dernière page - l'identité de la "Mother of War" - mais tout l'épisode. Ce genre d'épisode où une série prouve qu'elle n'est pas seulement une série de plus, qui plus est dans une collection dont la tête de gondole est Batman. Mais un épisode où son héroïne gagne ses galons, devient vraiment une vedette, l'actrice d'une saga.

On me rétorquera, qu'en leur temps, Greg Rucka et J.H. Williams III, puis J.H. Williams III seul, avaient produit des arcs narratifs passionnants, visuellement impressionnants. Mais c'était à une époque où Batwoman cherchait encore sa place dans le "Bat-verse" (et par extension le DCU), après avoir eu du mal à prendre corps (depuis son apparition dans la saga hebdomadaire 52). Ce qui manquait à ce personnage, c'était une série où, peut-être, il y aurait moins de coups d'éclats narratifs et de morceaux de bravoure graphiques, mais une continuité, une suite d'épisodes qui l'affirmeraient comme un personnage méritant sa place.

James Tynion IV a grandement contribué à cela en intégrant Batwoman à la série Detective Comics, tout en caractérisant le personnage comme une sorte de chef très autoritaire, agissant comme une militaire, prête à tuer (ce qui reste cohérent vu sa formation). Mais cela lui ôtait du coup un capital sympathie essentiel pour adhérer complètement.

Marguerite Bennett n'a pas gommé la dureté inhérente, consubstantielle, à Kate Kane, mais elle a pu, en opérant un focus sur elle, en l'affranchissant de Batman, de la "Bat-family", lui ajouter une humanité, des failles, une prise de conscience de ses défauts - tout ce qui permet au lecteur d'apprécier une héroïne.

Ce travail a pu sembler d'abord classique et laborieux, avec le récit d'une romance contrariée avec Safiyha (alors que le fan de Batwoman l'associait à Renee Montoya). Mais la scénariste n'a pas effacé l'oeuvre de ses prédécesseurs comme on peut en juger dans cet épisode où elle mentionne les origines de Kate telles que narrées dans l'arc Elegy de Rucka, puis en ramenant Alice, et en rattachant tout cela au subplot de "l'année perdue" sur Coryana. Le plan du récit, on le voit ici, a été minutieusement élaboré et respecté, chacune des étapes, via les arcs narratifs successifs, participant à son déroulement. Non seulement la série a décollé mais pour atteindre des sommets. La suite est prometteuse.

Fernando Blanco revient au dessin, après l'intérim de Scott Godlewski (qui reste dans cet univers puisqu'il officie désormais sur Batgirl). On avait quitté l'artiste un peu fatigué avec l'aventure contre l'Epouvantail, épaulé par Marc Laming. Son break lui a été profitable car l'épisode est formidable.

Toute l'action, pratiquement, se situe dans la maison abandonnée des Kane à Bruxelles que Batwoman explore minutieusement avant de retrouver Safiyha. Il ne se passe pas grand-chose mais il fallait du talent pour exprimer la tension de ce retour, de cette visite. Blanco excelle à faire monter la pression, il fait mariner Batwoman et le lecteur avec un découpage admirablement dosé, ponctué d'éclats.

Le face-à-face entre Kate et Safiyha est intense à souhait et la transition jusque dans l'avion où se trouvent les jumeaux, Tahani et Alice est exceptionnellement fluide. Une merveille de précision.

Pour ceux qui en doutaient encore, Batwoman est une superbe réussite. Pas l'exploit permanent du Batman de Tom King, mais au moins aussi bien que Detective Comics de Tynion IV, et supérieure à Batgirl (qui joue sur un registre plus léger) et Nightwing (très irrégulier).   

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