Voici une découverte qui doit tout au hasard : en remarquant le troisième épisode qui vient de sortir (et dont je vous parlerai très vite - je ne le fais pas tout de suite pour ne pas rendre cette entrée trop riche), j'ai voulu me procurer les deux premiers et je ne l'ai pas regretté. Giants est la première série publiée aux Etats-Unis par deux frangins qui ont convaincu Dark Horse Comics (l'éditeur de Hellboy entre autres) sur un simple pitch. Tout le monde est gagnant dans l'affaire car c'est une réussite.
La Terre a été frappée par un corps spatial qui a obligé les hommes à se réfugier sous la surface, laissant l'extérieur être envahi par de gigantesques monstres. Leur roi est surnommé Sheik, qui a détrôné Wraith, et avec ses semblables ils s'affrontent et dévorent les audacieux qui se risquent dehors.
A Underground City, deux gangs rivaux, les Bloodwolves et les Grim Bastards, se disputent l'autorité. Deux adolescents orphelins, Zedo (un blondinet) et Gogi (aux cheveux bruns), aspirent à intégrer la première de ces bandes et, pour cela, acceptent la périlleuse mission de récupérer chez le chef rival de l'Ambernoir, un carburant précieux extrait d'une roche située à la surface.
Après une tentative ratée, Prez, le leader des Bloodwolves, leur accorde une seconde chance en les envoyant à l'extérieur. Mais la sortie va mal se passer pour les deux gamins...
Gogi trouve un énorme rocher avec de l'Ambernoir lorsqu'un monstre s'approche et lâche sur lui et Zedo une nuée d'insectes énormes. Coincé sous un gravat, Zedo est séparé de Gogi qui tombe dans une crevasse.
Gogi échoue, sans connaissance, à la sortie d'un réservoir dans un territoire enneigé...
Zedo redescend finalement seul à Underground pour livrer l'Ambernoir qu'il a réussi à recueillir et qu'il remet à l'adjoint de Prez. Mais ce dernier préfère l'éliminer plutôt que de le voir entrer au sein des Bloodwolves. Zedo se défend et tue son adversaire. Impressionné, Prez arrive et félicite le garçon.
A la surface, Gogi est récupéré par Uron qui vit dans le Monde Blanc avec ses trois protégés, Titia, Jol et Kara. Fièvreux, le garçon ne peut toutefois pas repartir à Underground avant d'avoir récupérer. Bon gré mal gré, il accepte de se reposer, veillé par le quatuor.
Pendant que Gogi se requinque, Uron entend Jol, Kara et Titia débattre du bien fondé de garder le garçon qu'ils ne connaissent pas. Leur protecteur clôt la discussion en décidant qu'il est impensable de le laisser seul et malade dans un environnement aussi hostile.
Quand il se réveille, Gogi, pour se réchauffer, et ses nouveaux amis avec lui, se met en tête de faire un feu grâce à l'Ambernoir qu'il a sur lui mais Jol, furieux, l'éteint aussitôt en lui expliquant que cela va attirer les monstres. Ce qui se produit malgré tout !
Toute la bande doit déguerpir et court, poursuivi par un géant, à travers les rues enneigées de Surface City. Uron et Kara tendent une embuscade au monstre et lui tire dessus avec un bazooka artisanal armé d'Ambernoir comme projectile.
Sains et sauf, les cinq rescapés gagnent la maison d'Uron pour se remettre de leurs émotions et planifier la suite...
Je ne le fais pas exprès, mais il s'agit encore d'une dystopie, située dans un futur post-apocalyptique. A la différence de ce qui se passe dans Captain America ou Old Man Hawkeye cependant, vous ne trouverez pas là de super-héros/vilains, dont l'affrontement a causé une catastrophe expliquant la situation.
Les frères Valderrama ont choisi une option plus rapide et référentielle : un corps venu de l'espace - l'avant-propos du #1 parle d'une comète, mais il doit s'agir d'un astéroïde - a percuté la Terre et a provoqué l'exil des hommes sous la surface en même temps que l'apparition de monstres géants à l'extérieur. D'où viennent ces colosses abominables ? Le scénario ne le dit pas - pas encore... - mais peut-être ce qui a frappé notre planète a facilité leur apparition.
Ils sont en tout cas très impressionnants et leur design est très réussi, digne des super-productions les plus imposantes en la matière. Toutefois, l'histoire veille à raréfier leurs visions, ce qui a pour effet de les rendre vraiment saisissantes. Ces géants sont hallucinants mais pas effroyables, ils n'inspirent pas le dégoût, mais leur taille, leur masse, la crainte qu'ils inspirent est tout aussi remarquables.
L'intrigue se joue sur deux niveaux géographiques : dehors, les monstres, et sous terre, les hommes qui ont rebâti (au moins) une mégalopole, Underground City. Elle reproduit les caractéristiques d'une ville industrielle avec des édifices destinés à alimenter en énergie les foyers mais aussi des quartiers pauvres. Cet endroit est surtout le royaume d'une voyoucratie que se disputent deux gangs, dans l'un desquels les deux jeunes héros veulent entrer.
Il manque un ingrédient pour lier tout cela et c'est l'Ambernoir, un carburant aussi puissant que rare disponible dans un minerai en surface et qui assure le pouvoir à celui qui en possède. Le scénario va s'articuler autour de la quête de cette essence précieuse pour propulser Zedo et Gogi et les lecteurs dans une aventure immédiatement mouvementée.
Car ce qui séduit, irrésistiblement, dans Giants, c'est le rythme : Miguel Valderrama ne perd pas son temps, il installe dans le feu de l'action décors, protagonistes, argument et emballé, c'est pesé ! Le lecteur n'a pas le temps de souffler et se laisse entraîner dans une cascade de rebondissements, de péripéties, une vraie essoreuse pour lui comme pour Gogi et Zedo.
Lorsque le premier épisode se termine, sur un cliffhanger dramatique, on repart de plus belle avec le deuxième chapitre, qui adopte une forme sensiblement différente. En séparant son tandem, le scénariste fait vite comprendre qu'il va privilégier d'abord Gogi avant de revenir à Zedo dans le numéro 3.
Resté à la surface, Gogi rencontre de nouveaux personnages, est pris dans un nouvel enchaînement de mouvements spectaculaires : le point d'orgue est atteint avec la scène où Uron et Kara doivent tirer avec un bazooka sur un des géants à leur poursuite. On retient son souffle. C'est jouissif.
Visuellement, Carlos Valderrama met tout cela en images avec une vivacité comparable à l'énergie du script de son frère, ce qui n'est pas peu dire. Son style est semi-réaliste dans la mesure où si les caractéristiques des personnages correspondent physiquement à la normale, leurs proportions sont variables en fonction de la distinction de l'autorité qu'ils représentent - les deux héros sont frêles et petits, les adultes sont grands et souvent baraqués. Pour leurs visages, les deux gamins se distinguent par leurs grands yeux, leurs petits nez, une tignasse abondante et hirsute, avec des vêtements dépenaillés, tandis que le look des adultes est plus calculé, pour signifier leur appartenance aux gangs.
L'artiste, on le devine facilement, a été influencé par l'esthétique de Mad Max, et le trait de Katsuhiro Ôtomo, le créateur d'Akira. Pourtant, on ne peut parler de manga, ou alors le dessinateur a su en intégrer des éléments sans y perdre sa personnalité (par exemple, il n'utilise qu'avec parcimonie des traits de vitesse ou des cadres obliques si chers aux japonais). La colorisation joue aussi pour beaucoup dans l'effet produit : Underground City est dominée par le rouge, le jaune, le marron, le gris, le noir, et à la surface, on n'a vu pour l'instant que le Monde Blanc, enneigé, balayé par de forts vents, ce qui contraste fortement. C'est simple mais efficace.
Publiée depuis Décembre 2017, et pour l'instant prévue pour être une mini-série, Giants a un énorme potentiel : c'est original, dynamique, divertissant, accrocheur. Un vrai coup de coeur.
Bonne découverte ! Je vais essayer de le trouver pour en parler de mon côté ! merci :)
RépondreSupprimer