jeudi 18 janvier 2018

FUTURE QUEST PRESENTS #6 : BIRDMAN, de Phil Hester et Steve Rude


Le premier chapitre de l'aventure de Birdman par Phil Hester et Steve Rude avait été un enchantement et j'étais impatient d'en lire la suite au sein de la série Future Quest. Pas de suspense : c'est un nouveau bonheur, aussi beau que bon !


Il y a trente ans au collège de Claremore, Oklahoma. Menton, un adolescent, est convoqué dans le bureau de sa proviseur pour s'expliquer sur un dessin effrayant qu'il a réalisé et épinglé dans la salle de classe de Mrs. Faulkner. Le garçon se défend en affirmant que l'image représente ce qu'il entend dans sa tête - d'ailleurs il peut les pensées de tout le monde et provoque une attaque chez son interlocutrice.


De nos jours. Mentok, entouré de ses fidèles, tente d'invoquer le Dieu Décharné (Fleshless God, en v.o.) : pour cela, il doit aspirer l'envie de Lunsford, l'anxiété de Nguyen, la répugnance de Hamilton, la cruauté de Tullibard, ses disciples. Grâce à ces mauvais sentiments, il ouvre un passage vers le néant.


Cette brèche attire ses sujets mais leur énergie combinée n'est pas assez forte pour que Mentok entre en contact avec le Dieu Décharné. Il comprend que pour réussir, il a besoin de la peine de Jen Holden.


Cette dernière est arrêtée par Falcon-7 après avoir affirmé à Birdman qu'elle était la mère de leur fils, ce dont le justicier n'a aucun souvenir. Pour en avoir le coeur net, il s'envole avec la jeune femme qui lui rappelle leur romance passée au Caire, lorsqu'il enquêtait sur un groupe de voleurs de reliques.


Ils pénètrent dans une chambre du Mercy Hospice où le petit Jacob est plongé dans le coma après avoir été opéré d'une tumeur cérébrale. Jen demande à Ray Randall d'utiliser ses pouvoirs énergétiques pour qu'il se rétablisse.


Il s'exécute et le garçon s'éveille. Mais, au même moment, Mentok et ses troupes investissent la pièce. Birdman se jette sur eux pendant que Tullibard tend son pistolet à Jen et que Mentok lui ordonne de tuer le héros si elle veut sauver son fils !

Lire cette histoire, c'est plonger à la source des comics et comme se détacher de tout ce qui exige que la BD doit prétendre au réalisme. On a affaire à un héros valeureux, un méchant infâme, des situations simples, du sentimentalisme : il y a une forme de pureté dans cette forme d'expression.

On pourrait donc croire qu'il n'y a rien de plus simple à écrire et à dessiner, qu'il suffit de respecter une sorte de "bible" vieillotte pour flatter la fibre nostalgique des lecteurs, jouer la corde "vintage", saisir le prétexte de l'exercice de style. Ce serait condescendant et erroné.

Pourquoi ? Parce que, comme tout récit aspirant à une forme de classicisme, les auteurs doivent s'abstenir de toute ironie, de tout cynisme avec le genre abordé. Il faut assumer le premier degré et assurer au lecteur un divertissement avec des éléments d'un autre âge. Phil Hester l'a parfaitement compris en ne prenant pas de haut son personnage et l'intrigue qu'il traverse, en restant fidèle à l'époque dont il provient, au support dont il a surgi.

Cela ne signifie pas que le récit ne suscite pas quelques ambiguïtés : en soulignant que Birdman a perdu des souvenirs (et pas des moindres puisqu'il a oublié qu'il avait eu une relation avec Jen Holden et un fils avec elle !), la question se pose de savoir à quel point les pouvoirs dont il a été investi l'ont altéré aussi bien physiquement que mentalement. Par un effet miroir, à quel point Mentok est-il fou ou illuminé (soit littéralement éclairé, convaincu qu'il sert les plans d'une entité supérieure) ? Le méchant de cette affaire est-il une sorte de fanatique avec ses dévots ou le pendant de l'hôte des dons du dieu Ra ? Qui, de Birdman ou de son ennemi, est-il vraiment un surhumain : le super-héros capable de réveiller un enfant comateux ou le vilain qui entend les pensées des gens ?

Pour illustrer avec inventivité mais élégance ces questions, Steve Rude produit des pages splendides, où la beauté de son trait (qui ne risque plus d'être transformé puisqu'il assure désormais aussi l'encrage) n'a d'égale que l'efficacité de son découpage. L'artiste abolit volontiers les cadres traditionnels pour loger dans une même vignette deux plans avec un effet subtil de zoom par exemple, ou en suggérant un travelling avant intense.

Le génie de Rude s'exprime aussi dans ses compositions savantes comme lorsqu'il se "contente" de représenter les silhouettes de deux personnages dans un couloir d'hôpital dont le sol représente un damier : le symbole est éloquent (deux êtres avançant comme de simples pions) et le résultat exceptionnellement graphique (le décor et les protagonistes se fondent dans une quasi-abstraction). Les couleurs de John Kalisz savent mettre en valeur les images de Rude sans les masquer, rappelant qu'à ce stade, avec un dessinateur de ce niveau, mieux vaut ne pas en rajouter.

Une fois encore, l'épisode se termine sur un cliffhanger saisissant, de ceux pour lesquels le lecteur comptera impatiemment les trente jours qui le séparent de la suite.  

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