lundi 9 octobre 2017

FRANK & LOLA, de Matthew Ross


"Love. Obsession. Betrayal. Revenge." : avec de tels termes en accroche, on s'attend, avant de découvrir l'histoire de Frank & Lola une authentique série noire. Mais le long métrage écrit et réalisé par Matthew Ross s'avère plus complexe tout en étant très dense et plus inattendu. 

 Frank (Michael Shannon)

Frank, chef cuisinier à Las Vegas, rencontre de Lola, étudiante en stylisme, un soir et ils deviennent rapidement amants en se connaissant très peu. C'est cette ignorance qui va miner leur romance naissante quand, venu la retrouver pour dîner, il la voit en train de discuter avec Keith, un jeune entrepreneur, au bar, ce qui provoque sa jalousie quand elle lui explique qu'il lui a proposé un boulot correspondant à ses compétences.

Lola (Imogen Poots)

Les soupçons de Frank vont pourtant se vérifier quand, peu après, en larmes, Lola lui avoue l'avoir trompé avec un homme de passage. Mais elle implore son pardon en lui racontant être perturbée psychologiquement depuis que son beau-père l'a violée- ce qui l'a motivé à fuir ici, à Vegas.

Patricia, la mère de Lola et Frank (Rosanna Arquette, Michael Shannon et Imogen Poots)

Le pardon de Frank semble être acquis à Lola quand il fait la connaissance de la mère de la jeune femme, agent artistique mais alcoolique, entretenant une relation distante avec sa fille. Ensuite Keith fait jouer ses relations en faveur de Frank pour qui il a décroché une rencontre avec un grand chef cuisinier français qui veut ouvrir un nouveau restaurant et cherche quelqu'un pour en composer la carte et diriger la brigade.

Alan Larsson (Michael Nyqvist)

Frank profite de cette opportunité pour, en parallèle de l'examen que lui fait passer son potentiel employeur, enquêter sur le beau-père de Lola : il retrouve ainsi à Paris Alan Larsson, romancier libertin qui retourne la situation en lui montrant une vidéo accablante où Lola, consentante, s'adonne avec lui et une autre femme à des jeux sexuels.

Keith (Justin Long)

De retour à Vegas, en attendant une réponse professionnelle de Paris, Frank met Lola devant le fait accompli et elle se défend en accusant Larsson de l'avoir manipulé avec la complicité de sa nouvelle femme, Claire : celle-ci a écarté la jeune femme lorsqu'elle est tombée enceinte. Mais ces aveux douloureux forcent Lola à rompre avec Frank car elle ne le croit pas capable de lui faire confiance.

Claire Larsson (Emmanuelle Devos)

Rappelé à Paris, Frank décroche le poste de cuistot mais réussit à s'entretenir avec Claire, qui lui confirme la version des faits de Lola, tout en étant assuré que Alan ne l'a plus revus depuis. Revenant à Vegas pour y boucler ses affaires, Frank surprend Larsson, supposé, d'après son épouse, être à Chicago pour ses affaires. Les deux hommes ont une explication musclée au terme de laquelle Frank obtient de son rival qu'il n'importune plus Lola.

Frank et Lola

Frank revoit Lola une dernière fois à l'occasion d'un dîner qu'il a préparé, dans son propre restaurant au casino "Encore" de Las Vegas, pour Keith. Il lui propose de reformer leur couple avant d'aller changer d'habits. Si elle est encore là quand il reviendra du vestiaire, il aura sa réponse. Lola l'attendra-t-elle ?

Si l'intrigue aborde bien les thèmes déclinés sur l'affiche, on comprend donc, une fois le film vu, que ceux-ci ne sont pas développés dans une trame policière mais au service d'une romance. Matthew Ross procède habilement en dévoilant les secrets de Lola comme autant d'étapes pour éprouver la confiance et l'amour que lui porte Frank.

A ce jeu-là, le scénario flirte volontiers avec le mélodrame : la jeune héroïne y est à la fois présentée comme une victime et une névrosée, dépassée par la relation perverse qu'elle a entretenue avec son précédent amant, à la fois son protecteur et son manipulateur. La barque est un peu chargée et comme Frank, le spectateur ne sait plus trop, en fin de compte, qui doit-il croire. Le témoignage de l'épouse de Larsson (interprétée par Emmanuelle Devos, qu'on n'attendait vraiment pas ici mais qui est excellente en bourgeoise hautaine) tranche l'affaire tout en conservant à l'attitude de Lola son ambiguïté.

Le film est joliment réalisé : même si l'action se situe majoritairement à Las Vegas (en dehors des séquences parisiennes), en vérité cela pourrait se passer n'importe où car le cinéaste ne s'intéresse pas à la géographie de la "sin city" ni à ses caractéristiques (pas de scènes dans les salles de jeux, aux machines à sous, ou sur le strip). La cité semble plutôt avoir été choisie pour sa portée métaphorique, un lieu de perdition, où ont échoué les deux amants, où ils misent sur leur couple, perdent tout, se refont, tentent à nouveau leur chance. D'une manière similaire, Ross filme Paris essentiellement de nuit, dans des ambiances inquiétantes ou sulfureuses (le club échangiste, le manoir de Claire, la garçonnière de Alan).

Mais Frank & Lola, comme tout film qui porte comme titre les prénoms de ses héros, doit beaucoup, si ce n'est l'essentiel, à ses acteurs. Et, de ce point de vue, Ross a composé un couple vraiment atypique : d'un côté, le magnétique Michael Shannon promène sa silhouette imposante et son visage émacié dans un rôle romantique inattendu ; de l'autre, la très belle Imogen Poots réussit à n'être jamais éclipsée par son charismatique partenaire et s'impose dans une interprétation troublée, sensible et sensuelle (l'ouverture du film est superbe et résume déjà tout ce qui suit).

Bouclé en moins de 90 minutes, ce long métrage brille surtout par la fausse simplicité qu'il affiche, son sens esthétique et son duo de vedettes remarquable.

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