mardi 12 septembre 2017

LA 9EME VIE DE LOUIS DRAX, d'Alexandre Aja


Pourquoi certains films, d'une qualité certaine, n'ont pas les honneurs d'une exploitation en salles et sortent directement en DVD ? Bien entendu, il n'y a pas de place pour tout le monde dans les cinémas et les distributeurs et exploitants de salles jugent de la viabilité commerciale de tel ou tel long métrage. Mais c'est évidemment toujours perçu comme une injustice pour le cinéaste et un mystère pour le spectateur.

Bien que je n'ai pas suivi la filmographie d'Alexandre Aja, le parcours du fils du réalisateur Alexandre Arcady et de la critique Marie-Jo Jouan est intéressant car il n'a pas tenté l'aventure américaine comme une expérience ponctuelle mais pour y percer. Et, au fil des ans, il a acquis une petite réputation de faiseur efficace, remarqué depuis son remake de La Colline a des yeux de Wes Craven.

Son dernier opus en date arrive chez nous donc sans passer sur grand écran, mais il mérite d'être vu et considéré. 
 Natalie, Peter et Louis Drax (Sarah Gadon, Aaron Paul et Aiden Longworth

Louis Drax a neuf ans et, depuis sa naissance, il a survécu miraculeusement à divers accidents domestiques - empoisonnement alimentaire, électrocution, chocs variés. 8 avanies qui font penser à sa mère, Natalie, qu'il est, tel un chat, doté de neuf vies. 
 Le Dr. Perez et Louis Drax (Oliver Platt et Aiden Longworth)

Le gamin est philosophe par rapport à sa malchance : confié aux bons soins d'un psychothérapeute, le Dr. Perez, il se confie, avec malice, sur sa situation de survivant mais aussi sur les difficultés conjugales de ses parents. Après avoir croisé par hasard son ex, son père, Peter, subit le courroux de Natalie qui lui demande de quitter leur maison.
Le Dr. Ted Pascal (Jamie Dornan)

Lorsque Peter revient auprès des siens pour savoir ce que sa femme a décidé pour eux tous, il les invite à un pique-nique. Mais cette sortie qui devait permettre à la famille de se ressouder tourne au drame quand Peter puis Louis tombent du haut d'une falaise. Louis est hospitalisé et son décès est prononcé... Avant qu'il ne revienne brièvement à lui. Il est alors admis dans le service du Dr. Ted Pascal, spécialiste en neuro-sciences. 
Natalie Drax et Ted Pascal (Sarah Gadon et Jamie Dornan)

La police cherche le cadavre de Peter tandis que Natalie séduit Ted, ce qui provoque un nouvel et bref éveil de Louis. Pascal, qui a souffert de somnambulisme dans son enfance, est convaincu que les événements sont liés et que Louis cherche à communiquer avec lui. Après que le corps de Peter ait été retrouvé, Ted implique le Dr. Perez dans l'affaire.
Ted Pascal et Louis Drax (Jamie Dornan et Aiden Longworth)

Perez tente alors une expérience pour tenter de résoudre ce mystère en hypnotisant Pascal afin qu'il communique avec Louis. La vérité se manifeste alors de manière sidérante et révèle qui est responsable de l'état du garçon et de la mort de son père...

Le résumé ci-dessus permet (je l'espère) de bien voir qu'Alexandre Aja n'inscrit pas son récit dans le registre de l'horreur, son genre de prédilection. Le film commence d'ailleurs de manière déroutante avec la narration en voix-off de Louis Drax : sa voix d'enfant donne à l'histoire un aspect presque léger, malgré les accidents dont il est victime, et évoque le cinéma de Jean-Pierre Jeunet (on pense à Amélie Poulain mais aussi à T.S. Spivet). L'effet est détonant.

En parallèle de l'hospitalisation de Louis, le cinéaste présente Ted Pascal, ce neurologue aussi réputé que jeune et séduisant, et qui a mis sa notoriété au profit d'un service médical de pointe pour des comateux. Sa vocation est inspirée par son propre trouble de somnambulisme.

Grâce à cette introduction nerveuse, l'intrigue est rapidement posée et nous accroche pour ne plus nous lâcher durant les 105 minutes suivantes. Le scénario campe des personnages bien définis et installe une ambiance étrange que vient souligner la mise en scène et le design de la production, au point que l'affaire semble brouiller les époques. Voyez par exemple le look de Natalie Drax, tout droit sorti d'un film des années 50, avec ses robes aux couleurs éclatantes et sa coiffure rétro : l'actrice Sarah Gadon, avec son beau visage angélique, et sa silhouette gracile, paraît également venue d'un autre âge.

Mais ces références au passé sont contredites par le matériel médical sophistiqué utilisé et l'apparence plus moderne du reste du casting et du film : Jamie Dornan (le bellâtre adepte de jeux SM dans la saga Cinquantes nuances de Grey, ici excellent en praticien troublé) ou Oliver Platt (dont le jeu placide et la carrure opulente ont été vus dans nombre de seconds rôles) ou Aaron Paul (parfait aussi en père adoptif de Louis) sont filmés comme des hommes d'aujourd'hui, ce qui renforce le contraste.

La résolution finale est certes capillotractée mais fonctionne très bien grâce un jeu de fausses pistes, entre romance interdite, mariage contrarié et enquête policière, avec même un zeste d'épouvante (le monstre que rencontre Louis dans son coma et dont l'identité est deviné progressivement par le spectateur). Tout ça est finement emballé grâce au soin apporté à la photo et une réalisation qui dose habilement ses effets.

Une oeuvre de série B certes mais envoûtante, qui méritait honnêtement sa chance dans le circuit traditionnel. L'essayer, c'est l'adopter.

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