mercredi 30 août 2017

MASTER OF NONE (Saison 1) (Netflix)

Allez, renouons avec l'exercice critique, que j'ai négligé ces derniers temps, et, pour l'occasion, un coup de coeur.

Récemment, en parlant avec une connaissance qui me questionnait sur les séries télé recommandables, je lui répondis humblement qu'il fallait se fier à son instinct et qu'il s'agissait en fait d'un "problème de riches" : il y a tant de shows d'excellente qualité, dans les genres les plus divers, aux formats variés, qu'il n'y a que se baisser pour ramasser. Au pire que risque-t-on ? Être déçu par un épisode et essayer un autre titre !

J'ai entendu parler de Master of None dans les pages du dernier numéro du magazine "Première" qui chantait les louanges de la deuxième saison. C'était parti pour découvrir la première : je ne l'ai pas regretté, c'est la merveille promise ! 
 Shannon et Dev (Danielle Brooks et Aziz Ansari)

Dans les dix épisodes de 25 minutes de cette première cuvée, on suit donc Dev, un acteur indien d'une trentaine d'années, qui tente de percer dans la profession grâce aux auditions que lui décroche son agent, Shannon. Mais, jusqu'à présent, il a dû se contenter de pubs ringardes ou, actuellement, d'un rôle secondaire dans un film d'horreur de série B : assez pour lui assurer un train de vie honnête mais frustrant pour ses ambitions.
Dev et Rachel (Aziz Ansari et Noël Wells)

Sentimentalement, Dev se débrouille mieux : sans être un apollon, il affiche un sens de l'humour séduisant, qu'il peut exercer avec ses trois meilleurs amis, Brian (également acteur, d'originie asiatique), Arnold (un géant, une minorité à lui tout seul) et Denise (une lesbienne black, spécialiste de la "tarte aux poils").
Dev et Benjamin (Aziz Ansari et H. John Benjamin)

Sur le tournage du film, il sympathise aussi avec Benjamin, habitué des petits rôles et des longs métrages minables, qui convainc Dev de relativiser sa situation professionnelle pour mieux réussir sa vie amoureuse. 
Dev, Rachel, Denise et Arnold (Aziz Ansari, Noël Wells, Condola Rashad et Eric Wareheim)

Passionné de cuisine, fin gourmet, Dev apprécie avec ses amis diverses questions existentielles : le fait d'être issu de la première génération d'immigrés (comme Brian), les différences culturelles entre ses parents (qui ont grandi dans la misère et dont le mariage fut arrangé), l'observation des modes de vie des autres communautés ethniques, les relations avec les grands-parents (via la mort du papy de Arnold ou sa rencontre avec la mamy de Rachel). 
Brian et Dev (Kelvin Yu et Aziz Ansari)

Sa romance avec Rachel connaît de multiples rebondissements : ils couchent une première fois ensemble mais l'expérience est un fiasco par la faute d'un préservatif usagé, elle renoue avec son ex, Dev a une aventure avec une femme mariée, puis ils se retrouvent enfin lors d'un week-end à Nashville. La jeune femme, agent artistique pour des musiciens de rock, qui a toujours rêvé de visiter le Japon, s'installe chez Dev.  
Dev, Rachel et les parents de Dev, Nisha et Ramesh (Shoukath et Fatima Ansari)

Au bout d'un an, elle s'étonne de n'avoir jamais été présentée les parents de son compagnon, qui craignait leur réaction. Mais tout se passe bien... Jusqu'à ce que Dev et Rachel assistent au mariage d'amis communs et s'interrogent sur la force de leurs sentiments et leur envie de s'engager.   
Rachel et Dev

Chacun va devoir prendre une décision cruciale pour leur couple...

Lancée en 2015, Master of None s'inspire largement de la propre vie d'Aziz Ansari qui a développé la série avec Alan Yang, et c'est cette authenticité qui séduit d'abord. Certes, il s'agit d'une sitcom mais réalisé en s'affranchissant des plus déplorables habitudes de ces productions en studio, souvent soulignées de rires pré-enregistrés horripilants (quoi de plus agaçant que cette injonction à rire, à appuyer la moindre mimique ou plaisanterie ?).

Ansari n'a pas besoin de ces béquilles ridicules : c'est une force comique remarquable, au regard d'une acuité formidable. Il traite de ses origines indiennes mais de manière intelligente, sans lamentations ou esprit de revanche : les interrogations qu'il soulève sont pertinentes - pourquoi deux indiens ne pourraient pas jouer ensemble dans une série ? Pourquoi les producteurs insistent pour qu'ils prennent un accent ? Une scène fabuleuse met en scène ce fossé : interceptant un mail raciste, Dev pense d'abord à organiser la fuite de ce message pour dénoncer l'attitude de son auteur. Quand ce dernier a vent de la menace, il cherche à acheter le silence du héros en le traînant dans des endroits chics. Dev croise Busta Rhymes à qui il se confie et le rappeur s'indigne de la situation qu'il a connu auparavant comme afro-américain. Finalement, il renonce à sa vengeance quand le responsable meurt subitement... Mais sa remplaçante lui offre alors un rôle encore plus caricatural d'indien immigré, tout en se vantant de vouloir initier des shows "progressistes" !

La différence prend bien des formes mais reste au coeur de la série : il peut s'agir de l'éducation (où Dev et son ami japonais Brian constatent que leurs parents sont aussi peu loquaces les uns que les autres, ne confessant rien de leur passé et de leurs sacrifices), de l'âge (la fugue de la grand-mère de Rachel parce que la vieille dame se sent dépérir dans sa maison de retraite et qu'elle se rappelle d'un anecdote croustillante dans sa jeunesse), de sexe (quelles chances pour un couple mixte comme Dev et Rachel ? Qui plus aux habitudes opposées - il est maniaque, elle bordélique...), d'amitié (Dev demande souvent l'avis de Denise pour les femmes au prétexte qu'elle est lesbienne et se vante de les faire jouir comme personne, mais s'en remet aux comparateurs d'opinions pour la moindre sortie - ce qui aboutit à des dénouements absurdes comme d'arriver chez un vendeur de tacos après 45 minutes de recherche).

La série ne se résume cependant pas à un one-man show d'Ansari, bien qu'il soit hilarant avec sa bouille irrésistible, ses punchlines et les péripéties qu'il traverse avec philosophie. Toute la distribution mérite des bons points, depuis Eric Wareheim (Arnold - qui réalise plusieurs épisodes, avec le cinéaste James Ponsoldt), Kelvin Yu (Brian), Condola Rashad (inénarrable Denise) et les propres parents d'Ansari dans leurs vrais rôles (Shoukath Ansari, accro à sa tablette, est génial). Et Noël Wells est craquante en Rachel (un prénom hommage à Jennifer Aniston dans Friends ?), archétype de la girl next door.

Master of None prouve en tout cas une nouvelle fois l'excellence de l'offre originale de Netflix (même si, au passage, je déplore que Gypsy ne connaisse pas de saison 2...). Rendez-vous bientôt pour la saison 2 et la quête de la pasta parfaite par Dev...  

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