NOS FUTURS est un film réalisé par Rémi Bezançon, sorti en salles en 2015.
Le scénario est écrit par Rémi Bezançon, Vanessa Portal et Jean-François Halin. La photographie est signée Antoine Monod. La musique est composée par Pierre Adenot.
Dans les rôles principaux, on trouve : Pierre Rochefort (Yann Kerbec), Pio Marmaï (Thomas Chevalier), Mélanie Bernier (Estelle Kerbec), Kyan Khojandi (Max), Camille Cottin (Géraldine), Laurence Arné (Emma), Roxane Mesquida (Virginie), Aurélien Wiik (Vincent Montluc), Micha Lescot (Sammy), Zabou Breitman (la mère de Yann), Tom Novembre (le psy), Maxim Driesen (Yann à 12 ans), Ulysse Teytaud (Thomas à 12 ans).
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Courtier en assurances, Yann Kerbec a désormais le même âge que son père quand ce dernier est mort : une correspondance qui l'accable et explique en partie la crise que traverse le couple qu'il forme avec Estelle.
Yann Kerbec et Thomas Chevalier
(Pierre Rochefort et Pio Marmaï)
La fête organisée pour son anniversaire par sa femme incite Yann à reprendre contact avec le meilleur ami de son enfance, Thomas Chevalier. Celui-ci vit seul dans un studio, tel un adolescent attardé, mais heureux de son sort.
Thomas et Yann à 12 ans
(Ulysse Teytaud et Maxim Driesen)
Les retrouvailles tournent à l'aigre lorsque Thomas reproche à Yann d'avoir mal vieilli en oubliant ses rêves de jeunesse. Ils se séparent fâchés, mais le lendemain, Thomas se présente au bureau de Yann pour s'excuser et lui soumettre une "idée de ouf".
Géraldine et Max
(Camille Cottin et Kyan Khojandi)
Le projet en question consiste à organiser une fête comme celles auxquelles ils participaient quand ils étaient encore lycéens, en invitant tous leurs amis d'alors. Ceci, espère Thomas, leur permettra à la fois de faire le point et d'avancer. D'abord réticent, Yann accepte et ils commencent à contacter et rencontrer leurs relations pour concrétiser l'affaire.
Yann et Thomas
Mais leur enthousiasme est vite douché : en devenant adultes, leurs amis se sont rangés et considèrent leur initiative comme régressive. Dans le même temps, Estelle, qui n'est pas conviée puisqu'elle ne connaissait pas encore Yann au lycée, envisage de rompre, interprétant l'attitude de son mari comme une volonté de fuir la réalité au lieu de communiquer sur leurs problèmes conjugaux - d'ailleurs la psychothérapie qu'il suit est également un échec.
Yann et Estelle
(Pierre Rochefort et Mélanie Bernier)
De déconvenues en éclats de rire, de colères en résignations, Yann s'interroge malgré son amitié renouée avec Thomas. Il finira par admettre que leur projet est irréalisable à cause d'une tragédie survenue quelques années auparavant. Et en acceptant d'y faire face, il donne une nouvelle chance à son histoire avec Estelle...
J'ai découvert le cinéma de Rémi Bezançon en regardant à la télé son premier film, Ma vie en l'air, une délicieuse comédie avec Vincent Elbaz, Marion Cotillard (trop rare dans ce registre) et Gilles Lellouche : une jolie surprise. Puis j'ai ensuite acheté le DVD de son deuxième long métrage, Le premier jour du reste de ta vie, et, là, j'ai compris que j'avais affaire à un réalisateur sur lequel il fallait compter : cette histoire d'une famille, relatée sur douze ans, fort d'un casting impeccable (Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Marc-Antoine Grondin, Pio Marmaï, Déborah François), était une pure merveille d'humour et d'émotion. Son troisième effort, Un heureux événement (avec Louise Bourgoin et Pio Marmaï) marquait un peu le pas, même si le sujet (un couple bouleversé par la naissance de leur premier enfant) était traité avec audace. Bezançon s'est ensuite lancé dans un film d'animation, Zarafa, inspiré d'une histoire vraie, mais que j'ai loupé.
De retour à un format classique, le cinéaste a déçu avec son opus en date (mauvaises critiques, peu d'entrées en salles) : c'est une injustice car, malgré son titre calembour (en référence à la devise des punks : "No future"), Nos futurs est une production très habile, au dénouement surprenant et poignant, avec encore un formidable casting.
De prime abord, l'argument n'est pas original : les retrouvailles de deux amis d'enfance que désormais tout sépare, l'un étant devenu un adulte mélancolique, l'autre étant resté un grand gamin insouciant, tout ça sur fond de crise conjugale, ça vous a un sérieux air de déjà-vu. Mais résistons à cette impression et allons plus loin.
Sans être trop indulgent, le film se déroule sur un bon rythme, des scènes amusantes (le "fossé spatio-temporel" dénoncé par Thomas et matérialisé par son attachement au Minitel) et un malaise diffus. On devine que quelque chose cloche dans tout ça sans savoir quoi - quel est le motif de la tristesse persistante de Yann ? Pourquoi n'est-il pas heureux avec Mélanie, si belle et attentionnée ? Et l'excentricité de Thomas ne paraît-elle surjouée, sa situation insensée ?
Que Thomas revendique être resté fidèle à son adolescence ressemble plutôt à un enlisement de sa part. Que Yann estime avoir mûri normalement fait davantage penser à un jeune homme prématurément vieilli. Les creux de l'un paraissent remplis par les trop-plein de l'autre. Chacun souhaite en vérité être sauvé par l'autre. Les souvenirs, la nostalgie, l'envie de revivre des sensations oubliées les réunissent, au risque de provoquer un décalage douloureux : Yann écarte sa femme encore plus, Thomas s'indigne du conformisme dans lequel ont échoué tous leurs camardes de lycée. Ils courent, tous les deux, après une chimère mais choisissent de s'en amuser, comptant sur un joker : si Vincent Montluc, le "beau gosse" de l'époque, répond présent, toutes les filles viendront à leur fête... Sauf qu'il est devenu un vrai beauf ventripotent et dégarni, confessant même avoir eu une aventure avec la mère de Yann !
Nos futurs se révèle alors véritablement comme une déconstruction des légendes attachées à la jeunesse : on s'en rappelle toujours comme d'une période plus belle et prometteuse qu'elle n'est. Les amis perdus de vue ne redeviennent plus jamais les potes qu'ils étaient (à l'image de Sammy, le "4ème mousquetaire"), les filles qu'on désirait se sont mariées et ont des enfants sans être heureuses, les occasions manquées le demeurent définitivement. Avoir cru pouvoir remonter le temps, le reconstituer éphémèrement, le temps d'une fête, est une illusion, un voile qui, lorsqu'on l'écarte enfin, révèle un drame jamais affronté.
Ainsi donc, le film n'est pas la comédie qu'on a crue, même s'il subsiste des moments drôles mais uniquement provoqués par des clichés (les flash-backs ressuscitant les costumes, les décors, la musique, les attitudes : tout cela est sèchement balayé avec les personnages de Max qui n'a plus rien de DJ Mad Max ou de Virginie, le fantasme de Thomas, avouant à mots couverts qu'elle aurait aimé qu'il ose l'aborder alors qu'il la pensait inaccessible). "No future", oui, au sens où "tout le temps perdu / ne se rattrape plus" (dixit la chanson de Barbara, Dis, quand reviendras-tu ?) : cette manière élégante, pudique, allusive de raconter cette perte, ce deuil, c'est la perle contenue dans l'histoire écrite par Bezançon avec Vanessa Portal et Jean-François Halin.
La construction même du scénario pointe l'artificialité du projet des deux héros : chaque rencontre avec leurs anciens camarades ressemble à un épisode et aboutit à un échec prévisible, plus le récit progresse, plus les personnages deviennent grotesques, soulignant l'absurdité de la quête et préparant un twist qui réussit pourtant à nous cueillir.
Accompagné par une superbe bande-son composé par Pierre Adenot et ponctuée de chansons imparables (la production s'est même offerte une rareté de plus de 9 minutes David Bowie pour le générique de fin, Gygnet Committee, extraite de Space Oddity), le film bénéficie d'un casting en or, réunissant de jeunes comédiens : Roxane Mesquida (lumineuse), Kyan Khojandi (hilarant), Aurélien Wiik (inoubliable), entourent le trio Pierre Rochefort-Mélanie Bernier-Pio Marmaï, formidable.
Comme moi, donnez donc une seconde vie à ce petit bijou de sensibilité - et réfléchissez ensuite qui, parmi vos amis, appartient à votre futur.
J'ai passé un excellent moment devant ce film, découvert par hasard, en zappant un soir il y a deux semaines environs.
RépondreSupprimerMême si on sent que quelque chose cloche, la fin reste surprenante et surtout très belle, chargée d'émotion et sans tomber dans le pathos.
L'humour est bien dosé et le côté nostalgie fonctionne.
Mention spécial pour le casting que j'ai trouvé parfait.