jeudi 18 août 2016

Critique 990 : LE TRAIN SIFFLERA 3 FOIS, de Fred Zinneman


LE TRAIN SIFFLERA 3 FOIS (en v.o. : High Noon) est un film réalisé par Fred Zinneman, sorti en salles en 1952.
Le scénario est écrit par Carl Foreman, d'après The Tin Star de John W. Cunningham. La photographie est signée Floyd Crosby. La musique est composée par Dimitri Tiomkin.
Dans les rôles principaux, on trouve : Gary Cooper (shérif Will Kane), Grace Kelly (Amy Fowler-Kane), Katy Jurado (Helen Ramirez), Lloyd Bridges (Harvey Pell), Ian McDonald (Frank Miller), Sheb Wooley (Ben Miller), Lee Van Cleef (Jack Colby), Robert J. Wilcke (Jim Pierce).
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Will Kane et Amy Fowler-Kane
(Gary Cooper et Grace Kelly)

Hadleyville, 1880, entre 10h 35 et Midi. Le shérif Will Kane vient de renoncer à ses fonctions pour épouser Amy Fowler, jeune femme quaker adepte de la non-violence. Alors qu'ils quittent la ville, un télégramme annonce que le bandit Frank Miller vient de sortir de prison et arrivera par le train de Midi.
 Bientôt Midi : l'heure de vérité...

Le malfrat, attendu à la gare par son frère et deux complices en armes, a été autrefois arrêté par Will Kane et il revient pour se venger. Kane, que sa femme supplie de partir, ne s'y résigne pas : son devoir lui dicte de neutraliser son ennemi et il est convaincu qu'il trouvera des renforts parmi la population pour cela.
 Amy Fowler-Kane et Helen Ramirez
(Grace Kelly et Katy Jurado)

Tandis que Amy rencontre Helen Ramirez, qui fut la maîtresse de Kane après avoir été celle de Frank Miller, et qui se prépare à quitter Hadleyville, le shérif se heurte au refus de ses concitoyens de l'aider : chacun a ses arguments pour se défiler.
 Jim Pierce, Frank Miller, Jack Colby et Ben Miller
(Robert J. Wilcke, Ian McDonald, Lee Van Cleef et Sheb Wooley)

Même son adjoint le lâche, jaloux de pas avoir été promu quand il a décroché son étoile pour se marier. Mais Will Kane affronte sa peur et la couardise de ceux qu'il a servis ou le soutien affiché de certains à Miller, et il va à la rencontre des quatre tueurs, seul, avec peu d'espoir de gagner ni de revoir Amy...
Will Kane, seul face à son destin.

Un plan, un seul, peut-il suffire à résumer un film et à traduire sa qualité ? Dans High Noon (soit "Midi pile", le titre original), oui. Il s'agit d'un plan filmé avec une grue, dans la dernière partie de l'histoire, où on voit Will Kane seul dans la grande rue d'Hadleyville et qui va affronter Frank Miller et ses trois acolytes. Tout l'héroïsme du personnage, le désespoir de sa situation et l'incertitude du dénouement sont contenus dans ce plan, tel un résumé admirable, grandiose et simple à la fois.

Auparavant, on aura vu ce noble shérif rendre son étoile par amour pour la belle Amy Fowler (interprétée par une Grace Kelly encore débutante, alors seulement âgée de 23 ans, soit 29 de moins que son partenaire à l'écran, et déjà éclatante de cette beauté hautaine soulignée par son jeu sobre), mais le spectateur sait intuitivement qu'une épreuve va contrarier cette promesse de bonheur. De fait, il choisit de rester pour protéger une dernière fois la population d'un bandit qu'il a jadis arrêté et qui revient se venger. Mais il devra lui faire face seul, sans aucun soutien de la part de ceux qui, pourtant, louent ses états de service (quoique certains aussi lui reprochent de ne pas avoir réglé son compte au malfrat à l'époque ou reprochant aux juges de pas l'avoir retenu en prison, quand d'autres encore estimaient que la canaille profitait aux affaires commerciales de la ville).

Tourné en 1952, Le Train sifflera 3 fois a dès sa sortie, et malgré ses récompenses aux "Oscar" (meilleur acteur pour Gary Cooper, meilleur montage, meilleure musique pour Dimitri Tiomkin, meilleure chanson pour Dimitri Tomkin et Ned Washington), considéré comme un film suspect par la commission d'enquête sur les activités anti-américaines du sénateur Joseph McCarthy. En devenant, pour l'Histoire, une oeuvre emblématique de la "chasse aux sorcières", cette crise politique et morale, le film passera pour un des premiers "sur-western", à la charge symbolique dépassant le genre dans lequel il s'inscrit.

Le scénariste Carl Foreman comparaîtra mais gardera le silence sur ses intentions : il sera sanctionné en étant "blacklisté". Gary Cooper, pourtant estimé comme un modèle de droiture, et le producteur Stanley Kramer, réputé pour ses engagements, prendront leurs distances avec lui, alors que le réalisateur Fred Zinneman le soutiendra. Des années après, le film continuera de déchirer son équipe, dont chacun cherchera à s'attribuer la réussite.

Pour beaucoup en tout cas, à Hollywood (John Wayne le premier, mais sans surprise, c'était un républicain très conservateur), ce fut un western indigne. Quand Rio Bravo sortira sept ans après, il sera vu comme son antithèse, Hawks célébrant sur un ton enjoué la solidarité là où Zinneman avait signé un drame psychologique à la mise en scène dépouillée et à la morale sans concessions. Il a montré un héros certes, aussi intègre, fidèle, courageux et fidèle que John T. Chance, plaçant ses responsabilités d'homme de loi au-dessus de tout, mais lâché par une population opportuniste, ingrate. Une terrible adresse de la part du cinéaste, résumée par sa maxime : "A man's character is his destiny."

L'interprétation colle à cette esthétique austère : Gary Cooper, Grace Kelly, Katy Jurado, Lloyd Bridges (le père de Jeff et Beau Bridges), servent tous le récit dans des compositions où personne ne cherche à se faire remarquer au détriment des autres. On peut juste déplorer que le méchant de l'histoire n'ait pas bénéficié d'un acteur plus charismatique que Ian McDonald. Mais on assiste aussi aux débuts d'une gueule qui marquera durablement le western : Lee Van Cleef.

La rigueur formelle et narrative - l'action se déroule en temps réel - confère à cette oeuvre une intensité encore saisissante 64 ans après, à peine rompue par la musique au lyrisme appuyée de Tiomkin et la chanson "Do not forsake me, oh my darling" (traduite en français par "Si toi aussi, tu m'abandonnes"). En accompagnant ce shérif qui avoue avoir peur, rédige son testament, fond en larmes de rage, impossible de ne pas être ému.

Aujourd'hui, la comparaison entre Le train sifflera 3 fois et d'autres classiques n'a plus lieu d'être : c'est devenu un grand western qui a marqué une date non seulement dans l'histoire du genre mais dans celle du cinéma.

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