mardi 9 août 2016

Critique 975 : BARBARELLA, de Roger Vadim


BARBARELLA est un film réalisé par Roger Vadim, sorti en salles en 1968.
Le scénario est écrit par Terry Southern, Brian Degas, Claude Brulé, Tudor Gates, Clement Wood, d'après la bande dessinée de Jean-Claude Forest. La photographie est signée Claude Renoir. La musique est composée par Bob Crewes et Charles Fox.
Dans les rôles principaux, on trouve : Jane Fonda (Barbarella), John Phillip Law (Pygar), Anita Pallenberg (La Reine Noire), Marcel Marceau (le professeur Ping), Claude Dauphin (le Président de la Terre), Milo O'Shea (Duran Duran), David Hemmings (Dildano), Ugo Tognazzi (Mark Hand).
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Barbarella est la plus séduisante des agents spéciaux galactiques de la planète Terre et elle reçoit pour nouvelle mission de retrouver le savant Duran Duran, qui a inventé un nouveau laser et mystérieusement disparu. Pourquoi diable a-t-il conçu une arme aussi dangereuse alors que l'univers est pacifié par la Loving Union ?
 Barbarella et Mark Hand
(Jane Fonda et Ugo Tognazzi)

C'est ce que va devoir découvrir Barbarella qui atterrit en catastrophe, à cause d'un orage magnétique, sur la planète Tau Céti, où Duran Duran a été localisé pour la dernière fois. Elle y fait la connaissance du bourru Mark Hand qui répare son vaisseau si elle accepte de faire l'amour avec lui - quelle curieuse requête puisqu'on peut prendre son pied désormais en avalant une pilule ! Mais baste, pourquoi pas ? Et, en fin de compte, ce n'est pas désagréable du tout, même si un peu "bestial"...
 Pygar et Barbarella
(John Phillip Law et Jane Fonda)

A peine a-t-elle redécollé que Barbarella se crashe à nouveau et s'enfonce dans les profondeurs de Tau Céti. Elle échoue dans un labyrinthe où elle rencontre d'abord un homme-oiseau aveugle, Pygar, qui lui sert de guide jusqu'au professeur Ping, qui saura sans doute réparer à son tour son vaisseau. Le brave vieillard en profite pour lui indiquer où trouver Duran Duran où elle se rend dans les bras de Pygar.
 Barbarella et Dildano
(Jane Fonda et David Hemmings)

La forteresse de la Reine Noire n'est pas accueillante et Barbarella et Pygar y sont capturés puis séparés. Torturée, la belle glisse par chance dans les entrailles de la citadelle où elle est récupérée par Dildano, un idéaliste naïf qui prépare une insurrection. 
 Barbarella et Duran Duran
(Jane Fonda et Milo O'Shea)

Barbarella, alliée de Dildano, va à la recherche de Pygar et affronte Duran Duran dont elle découvre la folie : il a effectivement créé un dévastateur pyschorayon mais aussi un étrange lit-piano provoquant des orgasmes mortels pour celle qui y est enfermée ! Contre toute attente pourtant, Barbarella y résiste et fait même surchauffer la perverse mécanique...
 Barbarella et la Reine Noire
(Jane Fonda et Anita Pallenberg)

Forcée alors de conduire Duran Duran au Matmos, la force qui procure son énergie à Tau Céti, Barbarella est abandonnée dans la chambre des fantasmes avec la Reine Noire qui se ligue avec elle contre le savant fou tandis que les insurgés lancent leur assaut...

Dès le générique, restée dans toutes les mémoires, on sait que l'adaptation de la bande dessinée culte de Jean-Claude Forest sera un film à part : quelque part au fin fond de l’univers, dans son vaisseau spatial au cockpit tapissé de fourrure marron et de peintures de George Seurat, Barbarella réalise un strip-tease en apesanteur, s'extrayant lascivement de son scaphandre futuriste tandis que les lettres du générique flottant lui aussi sur une musique psychédélique nous cache les parties les plus intimes de cette divine créature aux cheveux blonds. Quelle entrée en matière !

C'est le producteur italien Dino De Laurentiis qui finança cette transposition cinématographique de la création de Jean-Claude Forest voulue par le cinéaste Roger Vadim comme une offrande à celle qui était son épouse depuis 1965, Jane FondaBarbarella avait été imaginée comme le mix  de Brigitte Bardot (une autre conquête de Vadim) et de Flash Gordon en 1962 : ses aventures s'achèveront 24 ans plus tard avec la mort de son auteur.
Barbarella par son créateur, Jean-Claude Forest

Mais Barbarella n'a pas seulement été une héroïne avant-gardiste du 9ème Art : elle aura été aussi une pionnière dans le 7ème Art en bénéficiant la première d'un film de premier plan, en Cinémascopse et Technicolor. La même année, De Laurentiis produira également Danger : Diabolik, réalisé par Mario Bava. 

Vadim était à l'époque le réalisateur sulfureux par excellence : il incendia les écrans et enflamma les critiques en révélant BB dans Et Dieu créa la femme dix ans  plus tôt, puis séduisit Catherine Deneuve et Annette Stroyberg avant de jeter son dévolu sur cette splendide jeune première américaine qu'était alors Jane Fonda. Celle-ci peinait alors à faire décoller sa carrière, dans l'ombre de son prestigieux et très autoritaire papa (Henry Fonda), mais sa prestation dans Les Félins de René Clément fut remarquée. En cédant aux avances de Vadim, elle allait enchaîner un remake affligeant de La Ronde (Max Ophüls), le sketch Metzengerstein issu de Histoires extraordinaires (d'après Edgar Poe), et donc Barbarella

Pourtant, c'est le film qui va accompagner la rupture du cinéaste et sa muse : Jane Fonda aura longtemps honte de cet opus alors qu'elle gagnera ses galons de star et d'actrice sérieuse à partir de On achève bien les chevaux (Sydney Pollack), s'engageant ensuite dans une carrière beaucoup plus politisée (son militantisme contre la guerre au Vietnam lui vaudra la haine d'une partie de ses compatriotes et le surnom de "Hanoï Jane"). Heureusement, avec l'âge, et plus d'auto-dérision, elle révisé son jugement depuis et évoque même avec une étonnante décontraction cette période de sa vie (dévoilant sans pudeur son couple très libéré avec Vadim).

Avec son gang de scénaristes (à se demander qui a écrit quoi), parmi lesquels on trouve Terry Southern (rien moins que l'auteur du Dr Folamour de Kubrick !), l'histoire se déroule comme une succession d'épisodes croquignolets. Mais tout ça n'est que prétexte pour dénuder l’héroïne aussi souvent que possible : Roger Vadim était un piètre artiste, un don Juan incroyable, mais un type généreux pour partager ainsi avec tout le monde sa si belle poupée. 

Evidemment, on rigole (on ricane même) souvent avec ces effets spéciaux désormais bien ringards (même si la scène d'ouverture est encore très ingénieuse), mais la naïveté qui s'en dégage possède un charme irrésistible. Comme l'histoire progresse sur un bon rythme, avec des péripéties amusantes, parfois flippantes, une figuration riche, des décors certes cheap mais assez poétiques, l'esprit débridée de Forest est respecté (il est d'ailleurs crédité comme "consultant artistique"). Et le casting, aussi hétéroclite soit-il, ne manque pas d'allure : Ugo Tognazzi (doublé en français par Robert Hossein et qui fait découvrir l'amour physique à Barbarella - dur métier...), David Hemmings (doublé lui par Jean-Louis Trintignant), Anita Pallenberg (l'égérie des Stones), John Phillip Law (qui sera Diabolik justement pour De Laurentiis chez Mario Bava), et Milo O’ Shea (hallucinant et halluciné en savant fou). On croise même le mime Marcel Marceau et Claude Dauphin.

Mais, bien sûr, l'atout majeur du film, c'est Jane Fonda : elle est de tous les plans, sublime de beauté, d'un érotisme extraordinaire, et interprétant son personnage tour à tour avec un délicieux premier degré et une ironie exquise. Elle est aussi drôle que sexy, évoluant dans des costumes de Paco Rabanne et Jacques Fonteray. Impossible de ne pas en tomber amoureux !

Il a été souvent question d'un remake, dont l'un à nouveau initié par De Laurentiis, avec Robert Rodriguez à la réalisation, mais faut-il l'espérer ou le craindre ? En attendant, on peut continuer à être enchanté par cet objet kitsch et fantasmatique à souhait, fascinant et rigolo à la fois, en se rappelant ces vers de Gainsbourg dans Qui est in ? Qui est out ? : "Barbarella, garde tes bottines / Et viens me dire une fois pour toutes / Que tu m'aimes ou sinon / Je te renvoie à ta science-fiction..."

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