jeudi 21 juillet 2016

Critique 957 : MAVERICK, de Richard Donner


MAVERICK est un film réalisé par Richard Donner, sorti en salles en 1994.
Le scénario est écrit par William Goldman, d'après la série télévisée créée par Roy Huggins (1957). La photographie est signée Vilmos Zsigmond. La musique est composée par Randy Newman.
Dans les rôles principaux, on trouve : Mel Gibson (Bret Maverick), Jodie Foster (Annabelle Bransford), James Garner (Zane Cooper), Alfred Molina (Angel), James Coburn (Commodore Duvall), Graham Greene (Joseph), Danny Glover (le chef des bandits).
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Bret Maverick, chevauchant sa monture Hollie, est pendu par Angel, un mexicain rancunier qu'il a ridiculisé, en plein désert. Pour inciter le cheval de son ennemi à détaler après leur départ, les malfrats jettent un sac rempli de serpents à côté de lui. Maverick se souvient alors que ses ennuis ont véritablement débuté une semaine auparavant...
 Bret Maverick, Annabelle Bransford, Johnny Hardin et Angel
(Mel Gobson, Jodie FosterMax Perlich et Alfred Molina)

Quand il est arrivé à Crystal River, un patelin, Maverick n'avait pas fière allure avec son âne, mais il avait un objectif clair : gagner aux cartes assez d'argent pour s'inscrire à un tournoi de poker quelques jours plus tard. Au saloon, il prend une chambre puis s'installe, le soir venu, à une table où une partie est engagée. Il fait la connaissance de Annabelle Bransford, une jolie tricheuse, qui se prétend veuve, et de Angel, un mexicain susceptible.
Après avoir promis de perdre pendant une heure, Maverick ratisse ses adversaires. Sa chance insolente lui vaut d'être défié par Johnny Hardin, un redoutable pistolero, par qui il ne veut pas risquer de se faire tuer. Pourtant, Bret impressionne la tablée en prouvant qu'il dégaine encore plus vite que son concurrent. Peu après que la partie ait repris, une bande d'hommes vient lui chercher des noises et il les attire dehors pour régler ça aux poings.
Contre toute attente, esquivant aussi bien les coups de ses assaillants que leur en distribuant, il les fait battre en retraite. Angel et Annabelle, spectateurs aux premières loges, sont impressionnés.
Lorsqu'il va se coucher enfin, Maverick reçoit la visite de Annabelle avec qui il échange un baiser passionné. Mais il s'aperçoit qu'elle lui a volé son portefeuille et la rattrape, menaçant de la dénoncer au shérif pour l'obliger à laver sa chemise porte-bonheur.
Le lendemain matin, alors qu'il récupère son linge, trop amidonné et rétréci, Maverick monte juste à temps dans la diligence où embarque aussi Annabelle. Mais la jeune femme reçoit la protection d'un vieux marshall, Zane Cooper.
 Bret Maverick, Zane Cooper et Annabelle Bransford
(Mel Gibson, James Garner et Jodie Foster)

Le voyage qui doit emmener le trio de passagers jusqu'au bateau à vapeur "Lauren Belle", où se déroulera le tournoi de poker, ne va pas être de tout repos : le cocher de la diligence meurt, le véhicule manque de chuter dans un canyon, une caravane de migrants soi-disant détroussés par des indiens oblige Maverick à parlementer avec le chef Joseph - en vérité, une de ses connaissances, qui lui doit mille dollars, qu'il va soutirer à un duc russe campant dans la prairie pour chasser...
En reprenant la route pour rejoindre Annabelle et Zane, Maverick est donc piégé par Angel, payé par un mystérieux commanditaire pour empêcher Bret d'arriver au tournoi.
Bret Maverick et le Commodore Duvall
(Mel Gibson et James Coburn)

Mais la chance est avec Maverick. Il retrouve Annabelle sur le "Lauren Belle" et s'inscrit avec elle au tournoi. L'organisateur est le Commodore Duvall et le gain total promis au vainqueur s'élève à 500 000 $, gardé par le marshall Zane Cooper.
Toutefois, le déroulement et l'issue de ce championnat seront semés de surprises...

Concilier le western et le feel-good movie est l'exercice auquel s'est prêté le réalisateur Richard Donner aux commandes de ce film inspiré de la série télé Maverick, produite en 1957 par Roy Huggins en 1957 mais inédite en France. Déjà, à l'époque, elle fut conçue comme une réponse aux classiques du genre incarnés par John Wayne, glorifiant la légende de l'Ouest et le mythe du cowboy avec un héros qui était un joueur de poker goguenard.

Pour mener ce projet à bien, le cinéaste a disposé des moyens nécessaires, fort des succès des trois Arme Fatale, avec, déjà, Mel Gibson, la star d'origine australienne révélé au début des années 80 dans Mad Max. Le script a été confié aux bons soins de William Goldman, détenteur de deux "Oscar" pour les scénarios de Butch Cassidy et le Kid (George Roy Hill, 1969) et Les Hommes du Président (Alan J. Pakula, 1976) : le résultat est jubilatoire, parfait dosage de comédie et de far-west, déroulé durant 120' sans temps mort.

Le film est par ailleurs superbement photographié, dans des décors naturels (dont un authentique bateau-vapeur, le "Portland"), par le génial Vilmos Zsigmond (Delivrance de John Boorman en 73, L'Epouvantail de Jerry Schatzberg en 73, Rencontres du troisième type de Steven Spielberg en 77, Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino en 78...) et qui est mort au début de cette année.

Toute l'histoire est fondé sur le thème du masque : aucun des personnages n'est ce qu'il prétend être initialement - Maverick se décrit comme un lâche qui ne veut que jouer mais il est aussi un tireur émérite et un observateur aussi minutieux que superstitieux, Annabelle n'est pas une veuve qui joue pour le plaisir mais une tricheuse flambeuse et une voleuse incorrigible, Zane Cooper... Non, je n'en dirai pas plus. Ce serait un mauvais coup à infliger à ceux qui n'ont jamais vu le film que d'en dévoiler toutes les surprises.

Richard Donner s'amuse avec les codes du western mais aussi avec sa propre filmographie - ainsi savoure-t-on un irrésistible clin d'oeil à L'Arme fatale dans une scène où Mel Gibson est braqué par un bandit interprété par Danny Glover, son partenaire dans ledit long métrage, qui s'enfuit ensuite en prononçant sa célèbre réplique ("je suis trop vieux pour ces conneries !") - et d'oeuvres culte - les retrouvailles de James Garner avec Maverick qu'il incarnait dans la série télé, avec James Coburn qui faisait partie comme lui du casting de La Grande évasion, la présence d'innombrables comédiens associés au genre dans de petits rôles. Même quand il aborde la question des indiens, le récit le fait avec une décontraction ironique qui déjoue les conventions (tout le passage avec le chef indien Joseph, joué par Graham Greene, encore plus filou que les blancs, est si drôle qu'on lui pardonne d'être un peu trop long).

Par bien des aspects, en fait, Maverick fait penser, pour un fan français de western, non pas à une production américaine, mais à Lucky Luke, tel que l'écrivait Goscinny et la dessinait Morris : on y retrouve cette même dérision, la même succession de clichés habilement détournés, de moments-clé ponctuant l'action - il y a même une scène en particulier qui semble tout droit sortie d'un album de la BD quand Bret, en ripostant contre des déserteurs déguisés en peaux-rouges, tire 14 fois avec son colt sans le recharger (impossible alors de ne pas repenser à ce dialogue où Lucky Luke, interrogé à propos de moment où il remplit son barillet, répond : "après chaque album."). 

On se demande pourquoi Hollywood produit si peu de westerns quand ceux qui s'en emparent aujourd'hui l'explorent avec autant de diversité (qu'il s'agisse de Kevin Costner, Clint Eastwood, Ed Harris, Joel et Ethan Coen) : cela prouve que c'est un genre inspirant des artistes différents et appréciés par les acteurs.

Et justement, les prestations de Mel Gibson (monté sur ressorts, cabotinant comme le ferait Cary Grant, tout en sourire charmeur et yeux qui roulent), de James Garner (matois au possible), James Coburn (épatant en vieux renard), Alfred Molina (impeccable en canaille) et surtout Jodie Foster (rayonnante dans un registre humoristique et adorable peste) prouvent que tout ce beau monde s'est visiblement régalé.

Accompagné par une plus que parfaite partition de Randy Newman, Maverick est comme un bon vin (ou un bon whisky, old chap'), vieillissant fort bien, supportant sans problème d'être revu.

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