vendredi 17 juin 2016

Critique 922 : YOUNG ADULT, de Jason Reitman / FRANCES HA, de Noel Baumbach


YOUNG ADULT est un film réalisé par Jason Reitman, sorti en salles en 2011.
Le scénario est écrit par Diablo Cody. La photographie est signée Eric Steelberg. La musique est composée par Rolfe Kent.
Dans les rôles principaux, on trouve : Charlize Theron (Mavis Gary), Patton Oswalt (Matt Freehauf), Patrick Wilson (Buddy Slade), Elizabeth Reaser (Beth Slade).
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Récemment divorcé, Mavis Gary rédige les textes de romans pour "jeunes adultes" signés par une romancière célèbre. Mais cette série d'histoires, dont le succès a beaucoup décliné au fil des ans, est sur le point d'être interrompue par son éditeur.
 Buddy Slade et Mavis Gary
(Patrick Wilson et Charlize Theron)

Pour Mavis, ces revers sentimentaux et professionnels lui envoient un signal : elle doit rebondir en se fixant de nouveaux objectifs. C'est ainsi qu'elle décide de revenir dans sa ville natale du Minnesota, qu'elle retrouve inchangée : l'endroit est aussi morose qu'elle.
 Matt Freehauf et Mavis Gary
(Patton Oswalt et Charlize Theron)

Mais la jeune femme, qui cache sa situation personnelle à toutes les vieilles connaissances qu'elle croise sur place, est là pour réaliser un projet insensé, révélant ses névroses : elle veut reconquérir son amour de jeunesse, Buddy Slade... Alors même que celui-ci est marié, heureux en couple, et vient d'être père !
 Mavis Gary, Buddy et Beth Slade
(Charlize Theron, Patrick Wilson et Elizabeth Reaser)

Témoin et confident de Mavis, Matt Freehauf, qui fut lors de leur scolarité commune victime d'une agression homophobe qui l'a laissé physiquement handicapé, tente de la raisonner avant qu'elle ne se rende compte de la folie de son objectif au prix d'une terrible mais étonnamment salvatrice humiliation...
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FRANCES HA est un film réalisé par Noel Baumbach, sorti en salles en 2012.
Le scénario est écrit par Noel Baumbach et Greta Gerwig. La photographie est signée Sam Levy. La musique est composée par Sam Matarazzo.
Dans les rôles principaux, on trouve : Greta Gerwig (Frances), Mickey Sumner (Sophie), Adam Driver (Lev), Patrick Hensinger (Patch).
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A 27 ans, Frances espère intégrer à titre permanent la compagnie de danse où elle figure à New York.
 Sophie et Frances
(Mickey Sumner et Greta Gerwig)

Au même moment, sa meilleure amie et co-locataire, Sophie, lui annonce qu'elle part s'installer avec Patch, son compagnon qui l'a demandée en mariage, mais avec lequel Frances ne s'est jamais entendu.
Lev et Frances
(Adam Driver et Greta Gerwig)

Frances doit trouver un nouveau domicile et partage un temps l'appartement de Lev, un sculpteur séducteur qui ne cherche pourtant pas à coucher avec elle. Fauchée, paumée, mais animée par une énergie débordante, la jeune femme doit faire de choix pour son avenir, qu'elle concevra après un week-end à Paris...

Les hasards de la programmation télé ont abouti à la diffusion, à quelques jours d'écart (Dimanche et Mercredi dernier), respectivement sur France 4 et Arte, à ces deux comédies incarnées par deux personnages féminins mémorables.

Les grincheux râlent volontiers contre une certaine uniformisation du cinéma américain en le réduisant aux blockbusters, ces films à grand spectacle qui attirent en masse le grand public. C'est un reproche doublement stupide : d'abord parce qu'il est réducteur - le cinéma américain, ce n'est pas que ça - et ensuite c'est snob - les blockbusters ne sont pas forcément des grosses productions abêtissantes.

Avec les deux longs métrages que je réunis, opportunément, dans cette entrée, on a la preuve que les Etats-Unis proposent encore, régulièrement et en nombre conséquent, des films intermédiaires, sans gros budget, sans effets spéciaux grandiloquents. Frances Ha est l'archétype du film indépendant, tourné avec peu de moyens, en noir et blanc, dont le pitch tient sur un post-it, avec des acteurs remarqués dans ce registre alternatif. Young Adult est l'avant-dernier opus en date d'un réalisateur dont la filmographie se distingue justement par ses histoires à contre-courant mais souvent interprétées par des stars confirmées à la recherche de rôles atypiques.

Jason Reitman est un cinéaste que je suis avec intérêt depuis son premier film, Juno, qui abordait le thème des grossesses précoces via une adolescente qui décidait, contre toute attente, de ne pas avorter mais de faire adopter son bébé - une pépite excentrique qui révéla Ellen Page. Il a ensuite dirigé George Clooney dans In the air, avant de filmer ici Charlize Theron dans un rôle tout à fait remarquable.

Mavis Gary entreprend donc de reconquérir son amour de jeunesse sans se soucier du fait qu'il est désormais marié, heureux et père de famille. Son projet loufoque et pathétique a été écrit par Diablo Cody, déjà auteur du script de Juno, et met en scène un personnage tout à fait désagréable et ridicule que Charlize Theron ne cherche jamais à rendre aimable. C'est une curieuse comédie qui ne fait pas vraiment rigoler mais sidère avec son argument initial, l'entêtement misérable de son héroïne, la révélation progressive de ses échecs...

On peut juste regretter que Cody et Reitman n'aient pas été plus audacieux dans leur dénouement : Mavis comprend finalement son erreur, et se reprend en main, tourne la page. Une happy end étrangement convenue après une série d'humiliations pour cette femme qui ne suscite guère de compassion. Mais le film est suffisamment déroutant et d'une concision bienvenue (85') pour mériter une bonne note : rarement la formule de François Truffaut (même si je ne sais pas s'il en est vraiment l'auteur), "pour être aimé il faut être aimable" aura été si bien développée...

La concision et la singularité, ce sont aussi deux qualités qui honorent Frances Ha : j'avais souvent entendu de ce film avant d'enfin le découvrir au milieu de la semaine, lu des articles unanimement élogieux à son sujet, soulignant par dessus tout la révélation de son actrice-co-scénariste - la lumineuse et très grande Greta Gerwig.

Tant de louanges produisent chez moi souvent une méfiance proportionnelle, qui peuvent même suffire à me faire éviter ledit long métrage, comme si tout ça était trop beau pour être vrai. J'aurai pourtant été bien bête de passer à côté, je l'admets.

Comme Young adult, l'affaire est vite pliée : 85' pour relater les désagréments subis par Frances, jeune danseuse, qui apprend successivement que sa meilleure amie part vivre avec un type qu'elle considère comme un con et perd la place qu'elle convoitait dans une compagnie de danse new yorkaise. 

Si Diablo Cody et Jason Reitman ont quelque peu manqué la conclusion de leur film, on peut reprocher à Noel Baumbach et Greta Gerwig d'avoir filmé une histoire bien maigre. Mais la construction de leur récit est habile : en le chapitrant suivant les adresses où habite l'héroïne, on a le sentiment que l'action est très mobile et plus dense qu'il n'y paraît, alors qu'en vérité on ne quitte pas New York (hormis une escapade à Paris, qui évite cependant les clichés, avec plans touristiques et ébahis sur la Tour Effeil de rigueur) et que l'intrigue se résume surtout à une collection de discussions comico-existentielles très influencées par Woody Allen (sans en avoir la dérision et la fraîcheur) - et accompagnée d'une bande-son où Georges Delerue est abondamment repris (ce qui renforce son aspect "Nouvelle Vague", en plus du noir et blanc).

Pourtant, comme Charlize Theron éclipse Patrick Wilson chez Reitman (où Patton Oswalt incarne un second rôle beaucoup plus attachant), ce qui emporte l'adhésion du (télé)spectateur dans Frances Ha, c'est Greta Gerwig, face à qui ni Mickey Sumner ou même Adam Driver ne font pas le poids. Avec son sourire désarmant, sa longue silhouette à la fois impressionnante et gracieuse, la comédienne, à l'origine du projet qu'elle a écrit avec Baumbach sans jamais être durant toute la pré-production dans la même pièce que lui (ils n'échangeait leurs avis que par mails ou coups de téléphone !), dégage un tel charisme, sa présence est tellement éclatante, sans pourtant jamais sombrer dans la préciosité ni le cabotinage, qu'elle emporte sur son passage. 

Finalement, donc, de Charlize Theron (l'icone super glamour de Dior "J'adore") à Greta Gerwig (néo-coqueluche indé), de Jason Reitman (brillant "fils de") à Noel Baumbach (énième porteur du flambeau du cinoche de Big Apple), le cinéma américain rappelle tout seul, sans la contribution de critiques professionnels jamais contents, qu'il a bien des visages. N'est-ce pas pour cela qu'on l'aime tant, toujours et encore, même quand on se plaint constamment de ce que ses grands studios nous proposent ?

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