jeudi 28 avril 2016

Critique 875 : BIG FISH, de Tim Burton



BIG FISH est un film réalisé par Tim Burton, sorti en salles en 2003.
Le scénario est écrit par John August, adapté du roman du même nom de Daniel Wallace. La photographie est signée Philippe Rousselot. La musique est composée par Danny Elfman.
Dans les rôles principaux, on trouve : Ewan McGregor et Albert Finney (Edward Bloom), Alison Lohman et Jessica Lange (Sandra Bloom), Billy Crudup (Will Bloom), Marion Cotillard (Joséphine Bloom), Steve Buscemi (Norther Winslow), Danny de Vito (Amos Calloway), Helena Bonham Carter (Jenny et la sorcière), Matthew McCrory (Karl le géant).
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Conteur talentueux et inépuisable, Edward Bloom embarrasse son fils William le jour de son mariage avec Joséphine en narrant pour la énième fois comment il a attrapé un énorme poisson avec son alliance comme appât. Pour Will, les histoires de son père l'empêche d'être digne de confiance et d'avoir une relation ordinaire avec lui. Au terme de cette soirée, ils se disputent : leur brouille durera trois ans.
Ed et Sandra Bloom
(Albert Finney et Jessica Lange)

Pourtant quand il apprend que son père est mourant, Will accepte de le revoir comme le lui demande sa mère, Sandra. Joséphine est enceinte de sept mois et l'encourage à se réconcilier avec Ed, qui a toujours prétendu savoir comment et quand il quitterait ce monde depuis sa rencontre avec une sorcière dont l'oeil de verre permettait de voir l'avenir. 
Will Bloom
(Billy Crudup)

Malgré la maladie, Ed n'a pas changé et agrémente toujours le quotidien avec ses récits, tous plus extravagants les uns que les autres, qui irritent Will mais ravissent Joséphine. 
Joséphine Bloom
(Marion Cotillard)

Ainsi évoque-t-il sa croissance précoce, enfant, qui l'obligea à garder le lit pendant trois ans, puis sa carrière brillante de sportif dans diverses disciplines à Ashton où il est né. Ambitieux et curieux, il quittera cette bourgade pour découvrir le monde en compagnie du géant Karl, qui terrifiait les environs. 
Karl le géant et Ed Bloom
(Matthew McGrory et Ewan McGregor)

Empruntant, seul, des détours, Ed découvrit le village paradisiaque de Spectre dans une forêt où il fit la connaissance d'un poète (plus tard reconverti en braqueur de banque et homme d'affaires), Norther Winslow, et de Jenny, encore fillette puis résidant à l'âge adulte la maison de la sorcière. Toujours en quête d'aventures, Karl et Ed sont recrutés dans le cirque dirigé par Amos Calloway (qui se transforme en loup-garou la nuit venue). 
Amos Calloway
(Danny de Vito)

Lors d'une représentation, Edward remarque Sandra Templeton et en tombe instantanément amoureux. 
Sandra Templeton
(Alison Lohman)

Il lui fera une cour assidue pendant trois ans alors qu'elle étudie à l'université d'Auburn et réussira à la séduire, évinçant son fiancé, Don Price, un de ses camarades d'Ashton.
Ed Bloom
(Ewan McGregor)

Ed est appelé sous les drapeaux et, pour rentrer plus vite chez lui, accepte une mission dangereuse au cours de laquelle il sera aidé par deux danseuses siamoises, Ping et Jing, en échange de leur engagement dans le cirque de Calloway. Grâce à Winslow, Ed fait fortune, achète la maison de ses rêves et réhabilite Spectre dévastée par la crise immobilière. Will naît à cette époque. 
Norther Winslow
(Steve Buscemi)

L'état de santé de Ed s'aggrave brusquement et Will reste à son chevet, à l'hôpital, promettant de prévenir sa mère de l'évolution de la situation. Enfin seul à seul, le père fait comprendre à son fils que les histoires, peu importe qu'elles soient vraies ou romancées, survivent au conteur et accompagnent les survivants.  

Big Fish est un film mal-aimé : les fans de Tim Burton ne le citent jamais parmi leurs favoris, ne retrouvant pas dans cette histoire mélancolique et fantastique les motifs plus sombres de l'oeuvre du cinéaste. Pourtant, c'est un long métrage qui ne mérite pas la sévérité avec laquelle beaucoup le juge : c'est un joli récit, que j'aime particulièrement car il traite d'un de mes thèmes préférés - l'influence de la vie sur la fiction et de la fiction sur la vie. 

Le roman de Daniel Wallace (Big Fish : A novel of mythic proportions, 1998) est remarqué par le scénariste John August six mois avant sa parution et le renvoie à la mort de son propre père. Il convainc le studio Columbia d'en acquérir les droits et commence à en rédiger une adaptation. Steven Speilberg est approché pour le filmer et le cinéaste propose le rôle principal à Jack Nicholson, avant de jeter l'éponge (il tournera à la place Arrête-moi si tu peux). Le projet est envisagé pour Stephen Daldry puis Tim Burton, qui l'accepte.

Pour Burton, c'est aussi, comme August, l'occasion d'évoquer ses parents avec lesquels il n'a jamais été proche mais dont la disparition récente (en 2000 pour son père et 2002 pour sa mère) l'ont beaucoup affecté. C'est aussi un sujet plus intimiste qui lui permet de rebondir après le remake critiqué de La planète des singes. Le réalisateur est attiré par l'histoire, un drame émouvant et fantaisiste à la fois, abondant en personnages extraordinaires - ces freaks qu'il affectionne tant.

Au départ, Burton veut lui aussi Nicholson, qu'il a dirigé dans Batman (1989) et Mars attacks ! (1996) pour incarner Ed Bloom âgé mais aussi plus jeune (grâce à une combinaison de maquillage et d'effets spéciaux). Mais il change d'avis pour engager deux acteurs différents : Ewan McGregor joue donc la version rajeunie de Albert Finney (comme il a été Alec McGuiness jeune homme dans la deuxième trilogie Star Wars !) - une idée particulièrement inspirée car les deux comédiens sont formidables : le premier en aventurier charmeur tout droit sorti des films hollywoodiens des années 40-50, le second en conteur mourant et très attachant.  

De la même manière, pour incarner Sandra, Jessica Lange et Alison Lohman sont impeccables : la première y tient son dernier grand rôle à ce jour, la seconde y confirmait son talent après avoir été révélé par Ridley Scott (dans Les associés) - même si, depuis, elle semble avoir disparu des écrans. La compagne d'alors du cinéaste, Helena Bonham Carter, tient elle le double rôle de Jenny et de la sorcière (avec un look insensé). 

Bien que le film s'inscrive dans un registre fantastique et regorge de scènes visuellement spectaculaires, la mise en scène de Burton n'est jamais noyée par les effets spéciaux. Ce qui impressionne davantage réside dans la beauté de la photographie du français Philippe Rousselot, dont les couleurs furent renforcées en post-production : l'histoire, qui est relatée dans de nombreux et longs flash-backs, semble ainsi se passer dans une ambiance éthérée et flamboyante à la fois. La scène où Ed attend Sandra sous la fenêtre de sa chambre à l'université d'Auburn dans un champ de coquelicots apparaît comme une résumé esthétique du projet : c'est too much d'accord, mais splendide. 

On peut, sans les partager, comprendre les réserves de certains critiques contre le film : avec pareil sujet, on est en droit d'attendre plus d'émotion, et Big Fish n'est effectivement pas aussi poignant qu'on pourrait l'attendre. Il me semble aussi que le problème provient aussi du jeu de Billy Crudup, dont le personnage est trop antipathique et l'interprétation sans assez de relief (alors que c'est un comédien subtil, tout à fait capable). Marion Cotillard n'a pas grand-chose à faire non plus alors que Joséphine aurait pu (dû) être plus mise en avant (sa grossesse en parallèle à la mort imminente d'Ed suggère une transmission évidente et elle est bien plus indulgente envers son beau-père que son propre mari). 

En revanche, comme à l'époque de ses Batman, Burton soigne particulièrement la galerie de gentils monstres à sa disposition, profitant, il est vrai, d'interprètes de première classe (mais qu'il n'a plus filmés depuis étrangement) - Danny de Vito et Steve Buscemi en tête.

La musique originale de Danny Elfman est agrémentée d'une bande-son superbe arrangée par Eddie Vedder et Mike McCready  du groupe Pearl Jam et de chansons de Bing Crosby, Elvis Presley, Buddy Holly, Allman brothers band (que du bon donc !).

Tendre fantasmagorie, Big Fish mérite qu'on l'apprécie : c'est un film atypique pour son auteur mais joliment triste, romanesque en diable.

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