lundi 25 janvier 2016

Critique 801 : DAREDEVIL, VOLUME 4 - THE AUTOBIOGRAPHY OF MATT MURDOCK, de Mark Waid, Chris Samnee, Marc Guggenheim et Peter Krause


DAREDEVIL, VOLUME 4 : THE AUTOBIOGRAPHY OF MATT MURDOCK rassemble les épisodes 15.1 et 16 à 18 de la série, écrits par Mark Waid (#15.1 : Retrospection, #16-18), Marc Guggenheim (#15.1 : Worlds collide), Chris Samnee (#15.1 : Chasing the devil) et dessinés par Peter Krause (#15.1 : Worlds collide), Chris Samnee (#15.1 : Chasing the devil, #16-18), publiés en 2015 par Marvel Comics.
Ces épisodes sont les derniers écrits par Mark Waid et du quatrième volume de la série.
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L'épisode 15.1 se situe chronologiquement avant l'épisode 15 (in Daredevil, vol. 3 : The Daredevil you know). 
 (Ci-dessus : extrait de Daredevil #15.1 : Retrospection.
Textes de Mark Waid, dessins de Chris Samnee.)

- #15.1 : Retrospection (2 pages) (Textes de Mark Waid, dessins de Chris Samnee.) Il s'agit de deux planches introductives pour cet épisode spécial : Matt Murdock raconte successivement deux histoires de sa carrière sous le masque de Daredevil à Foggy Nelson, son associé qui écrit sa biographie, et à Kirsten McDuffie, sa fiancée et associée, dont le père va publier ladite biographie.  
 (Ci-dessus : extrait de Daredevil #15.1 : Worlds collide.
Textes de Marc Guggenheim, dessins de Peter Krause.)

- #15.1 : World collide. (19 pages) (Textes de Marc Guggenheim, dessins de Peter Krause.) Au début de sa double carrière d'avocat et de justicier masqué, Matt Murdock doit assurer la défense d'un homme soupçonné de meurtre qu'il a appréhendé lors d'une patrouille, déguisé en Daredevil.

Ce récit est assez anecdotique même si le problème posé au héros n'est pas dénué d'intérêt. L'intrigue compte toutefois moins que son traitement puisque le scénario est écrit par Marc Guggenheim, lui-même ancien avocat et consultant (il a ainsi rédigé plusieurs épisodes de la série télé New York police criminelle / Law and Order, créée par Dick Wolf), que Mark Waid aurait souhaité comme son successeur sur Daredevil.

Dans le même registre, les dessins sont signés par un autre partenaire de Waid, Peter Krause (avec qui il a réalisé la série Irrécupérable / Irredeemable). Le résultat est très moyen, très classique, et la seule note un peu étonnante est de revoir DD avec son premier costume (noir et jaune).
 (Ci-dessus : extrait de Daredevil #15.1 : Chasing the devil.
Textes et dessins de Chris Samnee.)

- #15.1 : Chasing the devil. (8 pages) (Textes et dessins de Chris Samnee.) Surprenant une alerte de la police, Daredevil se rend dans une carrière de sel où le sorcier Diablo est sur le point de conclure un deal de drogue. En l'affrontant, le justicier devra maîtriser ses super-sens soudainement augmentés.

Déjà crédité depuis le début du Volume 4 de la série comme "storyteller" à part égale avec Mark Waid, indiquant son investissement dans les histoires mais aussi sa complicité avec son partenaire, Chris Samnee écrit et dessine seul ce récit complet de petit format.
S'inspirant de Waid pour opposer Daredevil à un adversaire inattendu (en l'occurrence Diablo, d'habitude adversaire des 4 Fantastiques), il exploite bien cette astuce en éprouvant le héros dans cette histoire qui se déroule, elle aussi, dans le passé.

Graphiquement, Samnee n'a pas à se forcer pour faire mieux que Krause en disposant pourtant de deux fois moins de pages : son découpage dynamique donne un swing imparable à l'affaire, qui ne laisse qu'un seul regret, celui que Daredevil n'ait pas eu un arc narratif entier contre Diablo.
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(Ci-dessus : extrait de Daredevil #16.
Dessins de Chris Samnee.)

- #16-18 : The Autobiography of Matt Murdock. (63 pages) (Textes de Mark Waid, dessins de Chris Samnee.) Sa réputation ruiné par le Suaire (qui a dévoilé les noms de ses clients et le contenu de leurs dossiers mais son entourage également désormais en danger de mort (le public sait que Foggy Nelson n'est pas mort), Matt Murdock sollicite l'aide de Wilson Fisk. En échange, l'avocat maquillera sa disparition, y compris aux yeux de ses proches, et se mettra au service du Caïd comme Daredevil.
Mais Murdock est doublé par Fisk qui, pour soustraire le Hibou au Suaire, fait enlever Julia Carpenter, la fiancée de ce dernier, Foggy et Kirsten McDuffie. En outre, le Caïd, qui a à son service Ikari, veut vraiment se débarrasser définitivement de Murdock...

Ces trois derniers chapitres concluent donc un run de quatre ans de Mark Waid sur la série : c'est un record. Il s'agit donc de terminer en beauté, aussi - surtout - parce que ses épisodes ont reçu des critiques élogieuses et un joli succès public.

Ce final est, à mes yeux, l'occasion de nuancer un léger malentendu concernant le Daredevil de Waid : pour beaucoup, ce qui le caractérise, c'est un ton plus léger que les oeuvres de Frank Miller, Ann Nocenti, Alex Maleev, Ed Brubaker (pour ne citer que les plus illustres). Or, ce n'est qu'à moitié vrai : si son run a renoué en effet avec le registre de l'aventure, incarné par une galerie de méchants inattendus (La Tache, Klaw, L'Homme-Taupe, Dr Fatalis, Coyote, Le Suaire, L'Homme-Pourpre, Stunt-Man), il a aussi convoqué, parfois brièvement, parfois de manière plus conséquente, des ennemis classiques comme Bullseye, Lady Bullseye, le Hibou, et finalement le Caïd.

Recourir justement au Caïd pour ce dernier acte rappelle la fin du passage (brillant) de Brubaker sur la série (même si c'était dans une configuration différente). Et un examen attentif et lucide des deux volumes de Waid témoigne que la légèreté présumée tient en fait plus à l'esthétique des artistes qui l'ont accompagné (de Paolo Rivera à Chris Samnee en passant par Marcos Martin et Javier Rodriguez) qu'à ses scénarios, où Matt Murdock a été comme souvent au bord du précipice (la profanation de la tombe de son père, le déni des deuils passés, son coming-out où il se démasque pour ne pas céder au chantage des Fils du Serpent mais qui met en danger ses proches, l'oblige à quitter New York puis à demander de l'aide à Wilson Fisk).

En revanche, Waid, c'est vrai, achève son run d'une façon lumineuse, très intelligente et cohérente, comme s'il bouclait définitivement non seulement son histoire mais la série toute entière. Avant cela, ce dernier arc narratif résout les intrigues développées depuis le début du Volume 4 très habilement, sur un rythme soutenu, avec un savant dosage de scènes d'action et d'autres reposant sur les dialogues. On peut juste déplorer que le scénariste ne règle pas les cas du Hibou et de sa fille, Jubula Pride (suggérant qu'ils reviendront sûrement bientôt, sans que cela soit certain après les bouleversements de la série suite au crossover Secret Wars).

J'ai beaucoup aimé ce que Waid a su faire de DD, même si avec son dernier Volume, délocalisé à San Francisco, ses épisodes manquaient globalement d'intensité, malgré des rebondissements audacieux (la démarche jusqu'au-boutiste de Murdock notamment). C'est un auteur subtil, brillant pour animer les personnages (toute la maladie de Foggy), éviter les clichés, imposer de nouveaux visages (Kirsten McDuffie), mais qui, à mon avis, n'a pas su complètement gérer à la fois ces surprises et conserver une tension dramatique (en comparaison avec Miller, Nocenti, Bendis et Brubaker, c'est flagrant).

Mais Waid (et la série, et Marvel) avait à ses côtés un joker épatant, qui s'est vraiment révélé à cette occasion, en la personne de Chris Samnee : on a assisté non pas à l'éclosion (car il avait déjà été très convaincant auparavant, notamment avec Thor the mighty avenger) mais à la confirmation de cet artiste qui, comme le scénariste le dit dans la postface de ce recueil, deviendra sûrement un géant.

Ses planches sont une nouvelle preuve de sa maturité : invention, énergie, élégance, résument son style et il n'est effectivement pas abusif de le considérer comme le co-auteur de ces épisodes auxquelles il a apporté énormément. Influencé par Alex Toth mais aussi plusieurs artistes franco-belges, Samnee confère une sensibilité unique à ses images où rien n'est jamais en trop mais où tout est à sa place, grâce à des compositions intelligentes, visuellement consistantes, très expressives. Les pages de ce dessinateur sont un vrai régal, valorisées par la colorisation sobre mais nuancée de Matthew Wilson.

S'il est encore un peu tôt pour estimer l'importance de la contribution de Waid et Samnee à la série, on finit la lecture de leur run avec une jubilation intacte, le sentiment d'avoir enchaîné des épisodes mémorables, très solides et imaginatifs.
De ce que j'ai vu (et lu) de la reprise du titre par Charles Soule et Ron Garney, ça ne me donne pas envie, et il est donc fort probable qu'une vraie page se tourne pour le fan de "tête à cornes" que je suis.
Par contre, j'ai hâte de découvrir la version de Black Widow par Waid et Samnee, qui commencera en Avril. 

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