vendredi 1 janvier 2016

Critique 782 : STRAPONTIN, CHAUFFEUR DE TAXI, de René Goscinny et Berck


STRAPONTIN, CHAUFFEUR DE TAXI rassemble en un seul volume, publié dans la collection Les Classiques du Rire par les Editions du Lombard en 1998, cinq épisodes de la série, écrits par René Goscinny et dessinés par Berck.
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STRAPONTIN : CHAUFFEUR DE MAÎTRE est le premier tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Berck, publié en 1959-1960 par les Editions du Lombard.
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Strapontin est un chauffeur de taxi qui s'ennuie à Paris et répond à l'annonce du professeur Petipois qui cherche un conducteur privé. Ce savant met au point un carburant en poudre révolutionnaire qui est convoité par le gangster Big Boss qui, avec la complicité du majordome Oscar, décide d'enlever Wimpy, le fils de Petipois. Strapontin avec le chien du garçonnet, Gérard, décide d'intervenir...
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STRAPONTIN ET LE TIGRE VERT est le deuxième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Berck, publié en 1960 par les Editions du Lombard.
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Strapontin conduit Miss Lou Thompson, une excentrique anglaise, jusqu'au royaume de Patatah où le Maharadjah Georges l'a invitée pour chasser le tigre. Mais sur place, la situation politique est compromise par la Secte du Tigre Vert, qui veut prendre le pouvoir. Avec l'aide du jeune Rami et de son cobra Binocles, Strapontin va démasquer le chef de cette organisation...
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STRAPONTIN ET LE MONSTRE DU LOCH NESS est le troisième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Berck, publié en 1961 par les Editions du Lombard.

Le professeur Petipois confie à nouveau son fils Wimpy et son chien Gérard à Strapontin pour qu'il les accompagne en Ecosse chez son cousin Mac Lloyd. Là-bas, ils font la connaissance de Mac Namara, venu d'Amérique pour photographier le légendaire monstre du Loch Ness. Mais sa curiosité va contrarier des trafiquants d'alcool frelaté...
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STRAPONTIN : LA RUEE VERS L'IVOIRE est le quatrième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Berck, publié en 1961 par les Editions du Lombard.
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Strapontin retrouve Miss Lou Thompson qui lui demande de la conduire jusqu'au Texas après avoir traversé l'Atlantique en paquebot. Le Maharadjah Georges s'est installé dans un ranch avec ses éléphants, ce qui déplaît à son voisin, l'éleveur Schmidt, prêt pour le chasser à s'allier avec l'infâme Amédée Lapègre. Strapontin devra encore compter sur Rami et son cobra Binocles pour apaiser la situation...
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STRAPONTIN ET LE GORILLE est le cinquième tome de la série, écrit par René Goscinny et dessiné par Berck, publié en 1962 par les Editions du Lombard.

Strapontin est encore une fois engagé par le professeur Petipois qui a mis au point une potion, l'IS 40, développant l'intelligence chez les animaux et qu'il veut expérimenter sur un gorille. En route pour la région africaine du Grododo tenue par les redoutables Molomolo, mais ils sont suivis par le capitaine Flop et son bras-droit Narcisse, qui veulent s'emparer de l'invention pour leur numéro de cirque...

Comme on l'apprend dans la préface de cet album, Strapontin est la création d'André Berckmans alias Berck qui, en 1958, travaillait chez Publiart, la filiale publicitaire des Editions du Lombard. le directeur, Raymond Leblanc, lui présenta René Goscinny, alors tout jeune scénariste, qui accepta d'écrire les histoires de ce héros inspiré des chauffeurs de taxi venus de Russie après-guerre.

Après une dizaine de récits complets de deux à trois pages parus dans le journal de "Tintin", les deux collaborateurs développèrent des aventures plus longues, d'une trentaine de pages. Ce volume permet d'en lire les cinq premières (sur les neuf signées par le duo Goscinny-Berck, et les cinq suivantes écrites par Acar jusqu'à l'arrêt de la série en 1968).

Berck reconnaît qu'il avait abandonné Strapontin parce que, même si Acar n'était pas dénué de talent, il ne rivalisait pas avec Goscinny. Par la suite, le dessinateur trouvera avec Raoul Cauvin un nouveau partenaire durable pour le titre Sammy.

Strapontin n'est pas un grande bande dessinée mais elle reste bien sympathique à lire. Je l'ai découverte avec ce livre et le charme a agi rapidement : son premier atout réside dans la concision de ses histoires où Goscinny démontre son savoir-faire pour bâtir des intrigues solides, efficaces et dynamiques avec un humour pétillant. Très vite, le scénariste se servira des déplacements du héros pour s'adonner à un comique qu'il popularisera, jusqu'à un mécanisme certain, en se moquant gentiment des us et coutumes étrangers (procédé repris ensuite dans Astérix).

Ce n'est pas le seul motif que Goscinny expérimente ici : ainsi avec les personnages de Wimpy et Rami et leurs animaux de compagnie respectifs, le chien Gérard et le cobra Binocles, on a les prototypes du Petit Nicolas et d'Idéfix. Le professeur Petipois préfigure Panoramix et sa potion magique, savant aux trouvailles convoitées par des brigands mais qui donnent opportunément l'avantage, au moment décisif, aux gentils (ici avec le carburant en poudre ou l'IS 40).

Le talent de Goscinny pour les seconds rôles se manifeste aussi avec l'excentrique Miss Lou Thompson et le Maharadjah Georges et leurs ennemis Amédée Lapègre et Sigmund Schmidt, le capitaine Flop et son adjoint Narcisse. Cette galerie de personnages fournit aux histoires leur lot de rebondissements quand ils ne sont pas directement à l'origine des intrigues.

Bien entendu, tout cela reste très bon enfant et a quand même vieilli, mais le charme rétro participe au plaisir même de ce type de lecture où la découverte d'une bande dessinée méconnue, parfois oubliée, prime sur ses qualités réelles.

Il n'empêche, en bon disciple de Raymond Macherot, Berck était un artiste loin d'être maladroit : bien qu'il ait été formé par Jean Graton (le papa de Michel Vaillant, à qui il doit sans doute son goût pour le voitures et son talent pour les dessiner), son trait est simple, expressif, épuré. Rien n'est en trop et le classicisme du découpage en quatre bandes, avec une moyenne de dix cases par page, assure une densité certaine à cette production.

Comme le rythme est soutenu, on ne s'ennuie jamais. On peut juste regretter que Berck ne suive pas Goscinny dans ses clins d'oeil quand il évoque Chick Bill (de Tibet, dans La ruée vers l'ivoire) ou Dan Cooper (de Weinberg, dans Strapontin et le gorille) sans les représenter. Mais il compense cela par des décors qui, bien que naïfs, sont agréablement exotiques (le royaume de Patatah, les plaines du Texas, la jungle africaine). Berck semble effectivement s'amuser à camper un troupeau d'éléphants dans un paysage de western et on rigole volontiers de ces incongruités.

Pépite vintage, les aventures de Strapontin méritent qu'on les redécouvre à la manière des "plaisirs démodées" comme les chante Aznavour.

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