mercredi 30 décembre 2015

Critique 781 : UN HIVER DE GLACE, de Daniel Woodrell et Romain Renard


UN HIVER DE GLACE est un récit complet adapté et dessiné par Romain Renard, adapté du roman écrit par Daniel Woodrell paru aux Editions Payot & Rivages, publié en 2011 par Casterman.
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Dans les montagnes Ozark, au coeur du Missouri, un hiver très rude s'est abattu sur la région. C'est dans ce cadre hostile que vit la jeune Ree Dolly, avec ses deux frères cadets et leur mère. Cette adolescente de 18 ans s'occupe d'eux en l'absence de leur père en prison pour trafic de drogue.
Mais une nouvelle épreuve l'attend lorsque le shérif vient l'informer que, pour payer sa caution, Jessup Dolly a hypothéqué leur maison. S'il ne se présente pas au tribunal pour son jugement, la famille sera expulsée.
Ree décide donc de retrouver son père, mort ou vif, pour éviter qu'elle et les siens échappent à ce triste sort. Mais elle ignore complètement où se cache Jessup et aussi bien ses proches que ses amis ne sont pas disposés à aider la jeune fille car les méfaits de son père les gênent tous dans leurs propres combines...

J'avais, aux débuts de ce blog (c'était mon deuxième article), écrit une critique groupée au sujet de deux adaptations en bande dessinée de deux romans policiers parus chez Rivages (Shutter Island, de Dennis Lehane et Christian De Metter ; et Pierre qui roule, de Donald Westlake et Lax) que j'avais beaucoup appréciées. Un Hiver de Glace appartient à la même collection, dirigée par François Guérif et Matz, mais il s'agit moins d'un polar que d'un roman noir.

L'auteur du texte original, Daniel Woodrell, est né en 1953 et il est originaire des Monts Ozark, décor de ce récit. Il a été membre des Marines, puis a sillonné les Etats-Unis, vivant de petits boulots, reprenant ses études avant de se consacrer à l'écriture.

Winter's Bone lui vaudra la reconnaissance et sera même adapté en 2010 au cinéma par Debra Garnick dans un film interprété alors par une prometteuse débutante, Jennifer Lawrence (19 ans à l'époque, bien avant ses triomphes dans la saga Hunger Games et les longs métrages de David O. Russell, comme Happiness Therapy - qui lui vaudra l'Oscar de la meilleure actrice - , American Bluff et Joy - qui sort en salles, en France, ce Mercredi).

Cette histoire a fourni à Romain Renard la matière d'un album sans concession, graphiquement saisissant. Ce jeune artiste, né en 1975, issu du célèbre Institut Saint-Luc de Bruxelles, a collaboré avec le Cirque du Soleil et s'est formé comme story-boarder dans la publicité, le cinéma et les jeux vidéos.

L'intrigue est minimaliste mais intense : la quête désespérée de Ree prend l'allure d'un récit initiatique où la figure du père est omniprésente. Les investigations de l'adolescente s'accompliront dans la douleur, elle se heurte non seulement à un climat inhospitalier mais aussi à divers personnages ombrageux, violents, qui n'apprécient pas l'intrusion de cette gamine dans leur quotidien. Le lecteur devine vite que Jessup a mal fini mais les retrouvailles de la fille avec son géniteur se concrétiseront dans une scène ahurissante, à la fois brutale et étrange.

Renard traduit cela par un traitement graphique souvent impressionnant : il a opté pour noir et blanc rehaussé de lavis gris et/ou marron, qui permet de ressentir le froid, la crasse, le sang, les larmes. Le découpage est dominé par des planches de trois bandes aux vignettes privilégiant les cases en plans serrés, exprimant l'atmosphère oppressante, la détresse, l'énergie du désespoir.

Dans cette entreprise, la représentation de la nature, avec ses paysages enneigés, souvent dans une lumière crépusculaire, avec la présence inquiétante de la forêt (qui évoque celle, sinistre, des contes), contraste avec de fugaces moments de tendresse entre Ree et ses deux frères ou, finalement, avec son oncle.

On l'aura compris, le mystère autour de Jessup Dolly compte moins ici que le portrait de sa fille, battante qui force le respect, qu'on prend en sympathie immédiatement, avec laquelle on souffre, pour qui on souhaite un futur plus positif. La description par Daniel Woodrell de ce coin perdu des Etats-Unis avec une communauté sauvage, primitive, et sa mise en images inspirée par Romain Renard aboutit, non pas à une grande BD, mais à un album percutant, dont les 90 pages se dévorent.
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Ci-dessous :
l'affiche et une photo du film de Debra Garnik,
avec Jennifer Lawrence.

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