jeudi 10 décembre 2015

Critique 769 : BILLY THE CAT - L'INTEGRALE 2, de Stephen Desberg et Stéphane Colman


BILLY THE CAT : L'INTEGRALE 2 rassemble en un seul volume les tomes 4 à 6 de la série, écrits par Stephen Desberg et dessinés par Stéphane Colman, publié en 2015 par Dupuis.
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BILLY THE CAT : SAUCISSE LE TERRIBLE est le quatrième tome de la série, écrit par Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1996 par Dupuis.
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Saucisse est le chien basset de la famille de Billy Colas et il fait régner la terreur sur les autres toutous du quartier, en se faisant appeler Gladiator, parce qu'il ne supporte pas le régime alimentaire auquel le soumettent ses maîtres.
Billy rentre justement de la Côte d'Azur avec Monsieur Hubert avec lequel sa relation se tend car le matou a perdu, dans le Sud, sa Cadillac fétiche. Le petit chat décide alors de rentrer chez lui, comptant sur sa soeur, Marie, pour convaincre leurs parents de l'adopter et espérant que son père trouvera un moyen pour qu'il redevienne un petit garçon.
Mais Saucisse ne se réjouit pas de ce retour et va s'employer à le chasser. Billy parviendra-t-il à rester parmi sa famille ? Et quid de son amitié avec M. Hubert ? 
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BILLY THE CAT : L'OEIL DU MAÎTRE est le cinquième tome de la série, écrit par Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1997 par Dupuis.
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Billy est désormais de retour chez lui grâce à l'insistance de sa soeur, Marie, la seule avec laquelle il partage son secret. Mais Saucisse n'a pas renoncé à le faire renvoyer dehors et y parvient en piégeant la mère de famille.
Billy, excédé, retourne auprès de Monsieur Hubert mais celui-ci a été kidnappé par une bande d'affreux rats qui attirent le chaton dans le repaire de leur chef, le matou borgne Sanctifer (voir tome 1).
Marie éplorée par le départ de son frère, Saucisse est sommé de le retrouver et réussit à le sauver, lui et Hubert, de Sanctifer et sa horde de rats. Les deux chats, le chien et l'oiseau Chalazion sont tous recueillis par la famille Colas.
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BILLY THE CAT : LE CHOIX DE BILLY est le sixième tome de la série, écrit Stephen Desberg et dessiné par Stéphane Colman, publié en 1999 par Dupuis.
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De sinistres corbeaux éborgnent les chats de la ville et cela conduit Billy à croiser à nouveau la route de Sanctifer qui est convaincu d'être leur cible et propose, contre toute attente, au chaton une alliance pour découvrir qui commande les oiseaux.
Tandis que Monsieur Hubert cherche l'amour, auquel il essaie d'initier Billy (qui tombe, lui, sous le charme d'une belle jeune fille, Sarah) et que Marie s'inquiète des nouvelles absences de son frère, Billy et Sanctifer vont affronter Icare, un oisillon qui, après avoir été tué par le matou borgne, a été renvoyé parmi les vivants mais dans le corps d'un homme, avide de se venger.
Billy est désormais convaincu que d'autres, comme lui et Icare, ont été ainsi métamorphosés et que Sarah, amatrice des sculptures d'Icare (dont deux représentent le crocodile et la coccinelle rencontrés dans l'au-delà), pourra l'aider dans cette quête...

Avec ces trois nouveaux tomes, que la connaissance des trois premiers est indispensable pour les comprendre, s'achève donc la collaboration si accomplie entre Desberg et Colman.  Le dessinateur jettera en effet l'éponge au terme du sixième épisode à la fois parce qu'il est fatigué par le travail que lui réclame la série mais surtout parce qu'il est en désaccord avec la direction plus dramatique qu'a prise et souhaite développer son scénariste.

Pourtant, même si, en partant, Colman abandonne Billy The Cat à la croisée des chemins, il ne bâcle pas son ouvrage et le contenu de cette deuxième Intégrale témoigne de l'aboutissement du titre.

Alors que le premier cycle entraînait son jeune héros dans une suite mouvementée de péripéties loin de chez lui, au gré de rencontres pittoresques, Desberg organise ici le retour à la maison, au propre comme au figuré, du garçon transformé en chat. Il doit encore faire face à l'adversité car le chien Saucisse voit d'un mauvais oeil son retour, puis ce sera le grand retour du méchant Sanctifer, laissé pour mort dans le tome 1.

Ces deux personnages offrent au lecteur une mise en perspective et un reflet de ce que vit Billy lui-même. 

Avec Saucisse, il est question de rivalité, sur un plan domestique, et elle est mise en scène avec originalité puisqu'elle ne se résume pas à l'antagonisme traditionnel entre chien et chat : la fringale du basset motive sa rancoeur et l'intrigue rebondit là-dessus avec humour, ce qui fait que, si on prend naturellement le parti de Billy (auquel on a eu le temps de s'attacher, au point de lui passer son sale caractère, son peu de remords vis-à-vis de son comportement passé), on ne déteste pas ce chien, un peu stupide mais pas vraiment méchant.

Avec Sanctifer, la relation est plus trouble : Desberg a imposé un méchant charismatique, aussi vilain physiquement que moralement, une figure inquiétante avec la balafre et son oeil mort, ses manières à la fois perverses et brutales. Par contraste, il permet de mesurer la valeur, la bravoure, le courage de Billy, qui lui tient tête. Avec le tome 6, leurs rapports deviennent encore plus intéressantes puisque Sanctifer sollicite l'aide de Billy et l'amènera indirectement, involontairement, à s'interroger sur le sort qui a fait de lui un chat et d'Icare un homme.

Après avoir accompagné Billy durant le premier cycle, Monsieur Hubert est un peu en retrait à cause de la présence de Saucisse et du retour de Sanctifer. On peut presque deviner que Desberg, qui voulait donc imprimer une tonalité plus sombre à la série, est sur le point de le sacrifier lors du tome 5, mais le scénariste s'est sans doute ravisé car cela aurait formé un rebondissement trop dramatique pour un titre jeunesse... 

Néanmoins, l'auteur ose quand même, dans le tome 6, aborder, et de façon plus qu'allusive, le thème de la sexualité (même seul l'amour est évoqué, mais cela ne trompera personne...) quand Hubert reluque de jolies minettes et plus encore quand Billy, qui n'est qu'un chaton, est très émue par une belle jeune fille, plus âgée que lui, aux jambes dévoilées par une robe très courte, dotée de formes suggestives. C'est très audacieux quand on n'oublie pas que cela met en scène un garçon pré-pubère.

A cette maturité narrative répond des dessins d'un très haut niveau : Colman dispose de scripts où l'nteraction entre humains et animaux est beaucoup plus présente que dans le premier cycle, sans oublier que ces trois nouveaux épisodes se déroulent tous dans un milieu urbain, qu'il traite avec réalisme.

Le cadre de ces histoires en ville inspire à l'artiste des pages superbes et notamment à deux reprises des cases extraordinaires : dans le tome 5 (peut-être, tout compte fait, le sommet de la série, avec un équilibre parfait entre comédie et drame, légèreté et action, et la présence de tous les personnages majeurs), page 37, il glisse dans un magnifique plan (1ère vignette) d'ensemble une multitude de clins d'oeil en inscrivant dans des éléments du décor les noms de grands auteurs et personnages classiques de la BD (notamment Franquin, Will, Morris, Peyo, Roba, Uderzo, Tillieux, Jijé, Jidéhem... Et Gaston, le gaffophone, Mlle Jeanne, Zorglub, Starter, Isabelle, l'inscription "QRN", Ducran et Lapoigne, De Mesmaeker, la Bande des 4, et même le dinosaure du Voyageur du Mésozoïque !). 
Juste avant, page 30, case 4, Colman signe un hommage aux Nighthawks, peint en 1942 par le grand Edward Hopper !

Mais, au delà de ces morceaux de bravoure, on n'oubliera pas surtout le découpage d'une fabuleuse fluidité et en même temps très dense : chaque page offre des enchaînements avec une moyenne de cases par pages comme seuls les très grands dessinateurs savent les réaliser sans saturer le regard du lecteur mais en donnant aux scènes une richesse graphique qui les rend mémorables.

L'expressivité des personnages, aussi bien humains qu'animaliers, est également saisissante : des images sont immédiatement inoubliables comme le traquenard des rats contre M. Hubert, l'apparition de Sanctifer, le combat entre ce dernier et Icare (digne d'un film expressionniste), les échanges savoureux entre Saucisse et Chalazion, le premier émoi amoureux de Billy ou les mines éprises de Hubert.

Billy The Cat confirme toutes ses (grandes) qualités dans ce deuxième acte, même si ses trois tomes laissent le lecteur désolé de savoir que son formidable duo créatif s'y illustre pour la dernière fois ensemble.  

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