mercredi 2 décembre 2015

Critique 765 : BIENVENUE, TOME 2, de Marguerite Abouet et Singeon


BIENVENUE 2 est le deuxième tome de la série écrite par Marguerite Abouet et dessinée par Singeon, publié en 2012 par Gallimard.
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L'agenda de Bienvenue, étudiante aux Beaux-Arts, âgée de 21 ans, est toujours aussi rempli et animé. La jeune femme suit toujours, avec plus ou moins de concentration ses cours, tout en s'échinant à payer son loyer car sa colocataire, sa cousine Lola, ne fait pas beaucoup d'effort en ce sens.
D'abord, elle continue de garder Octave et Alice dont le père, très bel homme, est souvent absent. Les choses vont cependant se dégrader quand la pyschiatre que consulte Octave estime que Bienvenue exerce une mauvaise influence sur le garçon, jaloux des femmes que fréquentent son père auxquelles il préférerait sa nounou !
Et ses voisins ne lui laissent pas de répit : entre les problèmes conjugaux des uns (confronté au drame de la stérilité) et la déprime de Jojo le cuisinier qui découvre que la vicomtesse pour laquelle il travaillait autrefois et dont il fut l'amant est morte, la liaison qu'entame Lola avec le rappeur Jacky alors que son ex-petit ami Charly menace de se suicider si elle quitte, Bienvenue est submergée mais ne peut s'empêcher d'aider tout ce monde.
Une situation délirante va pourtant lui permettre de se rapprocher du beau Bastien Rostain, qui veut soustraire sa mère à un internement préparé par son mari infidèle. Et ses finances vont nettement s'améliorer quand elle accepte de devenir la lectrice d'une des locataires excentriques de son immeuble, prête à la payer 150 E l'heure !

Le premier tome des aventures de Bienvenue m'avait laissé une impression positive, même si cette bande dessinée n'était pas sans défauts, et cette suite confirme à la fois ses qualités et ses faiblesses.

La narration de Marguerite Abouet est revigorante, pleine de bonne humeur, et on lit ses histoires sans s'ennuyer jamais. Bien entendu, il se dégage de tout cela un sentiment de superficialité mais ce n'est pas si grave - mieux même, cette légèreté dans le traitement de certains aspects du récit permet d'éviter l'écueil du mélodrame (comme, par exemple, quand il est question de la stérilité de Sangheta et du machisme de son époux qui refuse d'envisager que le problème puisse venir de lui).

Mais il existe aussi chez l'auteur un authentique humanisme et un certain sens du romanesque, évoquant la saga des films d'Antoine Doinel par François Truffaut : l'écriture traduit à merveille le naturel des personnages, de leurs relations, les scènes s'enchaînent avec fluidité. Et l'héroïne possède un charme irrésistible, doté d'un caractère bien trempé mais animé d'une formidable générosité.

La comédie naît simplement du contraste entre l'absurdité des événements qui se succèdent (en un nombre tel qu'il n'est plus question de savoir si cela est encore crédible) et le dévouement de Bienvenue, même quand elle désire tout abandonner, au bord de la crise de nerfs. 

Le souci, c'est que Bienvenue est le seul personnage réellement bien développé dans cette galerie alors que ceux qui l'entourent sont de plus en plus réduits à des caricatures plus ou moins bien définies : l'irrésolution futile de Lola finit par agacer plus qu'elle n'amuse, la relation entre la copine enceinte et son cousin germain se réduit à un gag (où le pauvre garçon doit se cacher sur le balcon de leur appartement par un froid de gueux). 

En revanche, la révélation de la fortune cachée du nouvel amant de la mère de Bienvenue, le récit du passé du cuisinier, les cachotteries du professeur d'Arts Plastiques, le retour inattendu du père de la jeune femme, mériteraient plus de place.

Qui trop embrasse, mal étreint, et c'est bien là que les belles intentions de Marguerite Abouet déçoivent : en sacrifiant quelques pistes narratives, en réduisant son casting, son histoire gagnerait en densité et en intensité, sans perdre de son réjouissant sens de la comédie.

Au diapason, le dessin de Singeon repose sur un équilibre fragile : son sens du découpage, même s'il est simple, sobre, emballe le récit avec beaucoup d'énergie et compense quelque peu un trait qui, s'il a un charme indéniable, manque un peu de caractère sur un format aussi long. 

On ne peut pourtant guère reprocher à l'artiste de varier la physionomie de son abondante distribution, de bien veiller à situer l'action, et de soigner la colorisation, en conservant des teintes délicates et chaleureuses, mais Singeon ne propose pas ce plus qui pourrait transformer Bienvenue en une bande dessinée plus audacieuse, avec un graphisme transcendant l'histoire racontée.

Limité donc par une relation inégale, mais fournissant au lecteur un divertissement indéniablement sympathique, Bienvenue n'a peut-être pas les moyens de ses ambitions mais on ferme ce deuxième tome avec le sourire qu'inspire un vrai "feel-good comic".

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