mardi 27 octobre 2015

Critique 736 : THORGAL, TOMES 26 & 27 - LE ROYAUME SOUS LE SABLE & LE BARBARE, de Jean Van Hamme et Grzegor Rosinski


THORGAL : LE ROYAUME SOUS LE SABLE est le vingt-sixième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegor Rosinski, publié en 2001 par les Editions du Lombard.
*

Deux années se sont écoulées pour la famille Aergisson depuis son départ du Northland. Thorgal, sa femme et leurs enfants sont à présent sur les côtes africaines et Aaricia est lassée de cette fuite en avant interminable, elle souhaite rentrer chez elle, ce qui est désormais possible, comme le rappelle Jolan à son père, depuis que Gunnar a annulé leur bannissement. Mais pour le père de famille subsiste un doute : il craint de ne jamais être accepté parmi les vikings.
Leur rencontre avec deux hommes venus du désert va précipiter les choses. Durant la nuit, leur embarcation brûle et les Aergisson n'ont d'autre choix que de suivre leurs visiteurs jusqu'à leur village.
Sargon, leur chef, dévoile rapidement sa mauvaise nature et révèle à Thorgal le secret de ses origines : comme lui, il est un rescapé du peuple des étoiles qui avait quitté la Terre il y a 120 siècles avant d'y revenir, dans leur royaume originel - l'Atlantide. Aujourd'hui, projetant de conjuguer sa science aux forces vikings, Sargon veut dominer le monde.
Thorgal n'entend évidemment pas aider cette entreprise mais devra avant cela libérer sa femme et ses enfants mais aussi des opposants à Sargon - Tiago, Ileniya sa soeur et leur ami Chrysios - dans un labyrinthe.
*

THORGAL : LE BARBARE est le vingt-septième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegor Rosinski, publié en 2002 par les Editions du Lombard.
*
Thorgal, sa femme et leurs enfants, Ileniya et Tiago ont été capturés par le marchand d'esclaves Jaffar, qui les revend à l'intendant du gouverneur du royaume romain d'Orient du Ponant.
Livrés au gouverneur et à son fils, le cruel Heraclius, Thorgal se fait vite remarquer par ses talents d'archer lors de jeux organisés pour la cour avec les esclaves. Mais Tiago se fait tuer par Heraclius quand celui-ci châtie Ileniya en l'humiliant.
Le gouverneur envoie Aaricia, Jolan et Louve chez l'empereur pour obliger Thorgal à participer avec Heraclius au tournoi qui se déroule tous les cinq ans sur l'île de Syrenia et dont le royaume vainqueur est exempté d'impôts pour un an.
L'issue de la compétition sera dramatique : Ileniya se suicidera après avoir vengé son frère et Thorgal sera laissé pour mort, empoisonné par Heraclius.

Il est toujours délicat, aussi bien pour des auteurs que pour des lecteurs, d'estimer quand une série, qui a su conserver pendant une durée conséquente, une qualité indéniable, commence à régresser, sans espoir de redressement. 

Jean Van Hamme a dû y réfléchir quand, après avoir mené de front plusieurs titres pendant une carrière bien fournie et couronnée de succès, il a décidé d'abandonner ses best sellers comme XIII (en 2007) et Thorgal (en 2006) - même s'il continue à écrire Largo Winch. Il n'a pas pour autant décidé que ses séries s'arrêteraient à son départ, passant le flambeau à Yves Sente dans les deux cas précités.

La volonté de boucler son époque sur ces titres est néanmoins manifeste, et, dans le cas de Thorgal, les quatre derniers tomes (26 à 29) en témoignent. Aurait-il été plus judicieux de tout cesser, et si oui, avant ? Pas évident quand les albums se vendent aussi bien déjà. Mais l'intérêt des histoires est devenu variable, c'est certain, au moins depuis une dizaine d'épisodes (soit depuis Louve), ce qui a suivi reposait sur des ressorts un peu forcés (l'amnésie de Thorgal, ses retrouvailles avec Aaricia en passant par les voyages temporels de Jolan et de Jaax le veilleur).

Mais on ne peut enlever à Van Hamme une vraie habileté pour livrer des intrigues efficaces, divertissantes, et la série est restée agréable à lire, sinon à suivre. Ce savoir-faire, on le retrouve dans ces tomes 26 (surtout) et 27, dans lesquels encore une fois les personnages sont entraînés dans des aventures exotiques, aux rebondissements multiples.

Le Royaume sous le sable est très réussi, au moins en ce qui concerne les révélations sur les origines du peuple des étoiles, que Van Hamme relie au mythe de l'Atlantide : cette "île d'Atlas", royaume appartenant à la protohistoire grecque et de l'Est de L'Europe, a inspiré nombre de récits depuis Platon jusqu'au Moyen-Âge, enrichis par l'ésotérisme. C'était donc un terrain de jeux opportun pour Thorgal qui se nourrit aussi de fantasy et d'Histoire. On peut regretter que le scénariste ait préféré une énième fois organiser une lutte entre l'ombrageux idéaliste qu'est Thorgal et Sargon, qui fut ami de son père (Varth), archétype vu et revu du mégalomane, et d'ailleurs le dénouement de l'épisode est expédié avec force clichés (sacrifice d'un personnage, addition de nouveaux personnages secondaires sans grand charisme). Le passé de Thorgal aura régulièrement été abordé et exploité (soit directement pour le héros, soit indirectement via les pouvoirs de Jolan et de Louve) mais jamais vraiment développé, comme si ce que cette piste narrative offrait intéressait moins Van Hamme que de revenir à l'aventure. Dommage.

Le Barbare met en scène les personnages à nouveau dans une situation très compromise : la régularité avec laquelle Thorgal (et ceux qui l'accompagnent) se trouve dans la panade est tout bonnement hallucinante, c'est un véritable aimant à emmerdements ! Quand il ne s'attire pas des ennuis à cause de ses principes, il croise avec un systématisme infernal de mauvais bougres qui semblent n'attendre que lui (et les siens) pour commettre les pires horreurs. Il y a comme une tentation permanente de Van Hamme à tuer son héros avant de se raviser, en le sauvant de manière aussi spectaculaire que de plus en plus capillotractée. Et, fatalement, il finit aussi par radoter comme le souligne la longue séquence du tournoi sur l'île de Syrénia avec un concours... D'archers (loin d'être aussi intense que celui du tome 9).

Rosinski assure le job, c'est indéniable, mais comme on ne peut que constater qu'il n'a plus la virtuosité de la grande époque de la série (quand son dessin s'inspirait de la gravure, avec un extraordinaire encrage, et une colorisation plus somptueuse que celle de Graza), la magie opère moins.

Lorsqu'il a l'occasion de mettre en images des éléments encore inhabituels, peu exploités, l'artiste polonais produit des planches très efficaces, et même un authentique morceau de bravoure (comme la double-page, pages 21-22, du tome 26, où on revoit tous les grands moments de la série), et il se dégage des passages concernant le peuple des étoiles, avec son décorum (vaisseaux spatiaux, ruines de l'Atlantide...), une authentique poésie.

Mais quand il doit retourner à l'illustration classique des aventures dans un énième royaume avec sa galerie de méchants et sa cascade de péripéties réglées comme du papier à musique (Van Hamme ayant expliqué qu'il laissait à ses artistes la liberté de redécouper ses scripts à condition qu'ils conservent les chutes de chaque page), un ennui certain étreint à la fois Rosinski et le lecteur - qui ont tous deux l'impression d'avoir déjà fait/vu/lu tout ça.

C'est à cause de ce sentiment d'usure, que je devine chez les auteurs mais aussi de mon côté, comme lecteur et critique, que j'ai donc décidé d'arrêter Thorgal après les deux prochains tomes, les derniers écrits par Van Hamme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire