mercredi 14 octobre 2015

Critique 726 : THORGAL, TOMES 20 & 21 - LA MARQUE DES BANNIS & LA COURONNE D'OGOTAÏ, de Jean Van Hamme et Grzegor Rosinski


THORGAL : LA MARQUE DES BANNIS est le vingtième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegor Rosinski, publié en 1995 par les Editions du Lombard.
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Voilà maintenant trois ans que Aaricia est sans nouvelles de Thorgal.
Aussi, lorsqu'un viking, Erik, blessé, rentre seul d'une expédition, l'émoi gagne tout le village quand il raconte être le seul survivant d'une attaque menée par Shaïgan-sans-merci et Kriss de Valnor. Mais c'est quand il jure que ce pirate n'est autre que Thorgal que les choses se gâtent pour Aaricia : elle est bannie, marquée au fer rouge au visage, et doit partir avec ses deux enfants.
Ensemble, ils traversent l'hiver rigoureux pour aller se réfugie sur l'île où ils vécurent autrefois (voir tome 8, Alinoë). Avant d'y arriver, Aaricia et Louve sont capturées par des sbires du byzantin, marchand d'esclaves en affaires avec Kriss de Valnor.
Jolan et Darek, fils d'un banni, s'allient et entreprennent de les sauver en libérant les détenus, mais Kriss embarque sa mère et sa soeur malgré tout.
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THORGAL : LA COURONNE D'OGOTAÏ est le vingt-et-unième tome de la série, écrit par Jean Van Hamme et dessiné par Grzegor Rosinski, publié en 1996 par les Editions du Lombard.
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Jolan, Darek et sa soeur Lehla gagnent l'île mais une terrible tempête provoque le naufrage de leur barque.
Unique survivant, Jolan rencontre celui qui l'a secouru, Jaax le veilleur, qui lui explique venir de 30 000 ans dans le futur. Il se déplace dans l'espace-temps grâce à un bâton électronique, le voyageur, afin de corriger des anomalies historiques sans que quiconque le remarque.
Son objectif est de récupérer la couronne d'Ogotaï dans trente ans afin que le prétendant au trône des Xinjins (voir tomes 10 à 13 du Cycle Qâ) ne règne en tyran.
Cette mission accomplie, Jolan s'empare du voyageur pour sauver Aaricia et Louve des griffes de Kriss de Valnor. Pour ce faire, il entre en contact avec lui-même adulte quinze ans plus tard. Jolan adulte empêche in extremis le meurtre de Thorgal/Shaîgan par ses propres lieutenants, puis évacue sa mère et sa soeur qu'il met à l'abri sur l'île. 
Les deux Jolan sont attendus par le Grand Veilleur, qui emmène l'adulte dans le futur, et renvoie l'enfant juste avant son naufrage. Mais, cette fois, il l'évite de justesse et peut, avec Darek et Lehla, retrouver Aaricia et Louve, qu'il avait laissées sur l'île.

Dans une série où le passage du temps est sensible mais rarement précisé, ces deux tomes sont importants pour les informations que consent enfin à donner Jean Van Hamme au lecteur. 

On apprend d'abord, au début du tome 20, que trois ans ont passé depuis que Thorgal a quitté femme et enfants : c'est une durée conséquente qui permet de voir que Jolan et Louve ont grandi - dans le cas du premier, cette évolution sera déterminante pour la suite des aventures narrées dans ces deux épisodes. La situation de Aaricia est rapidement compliquée et le scénariste ne l'épargne pas en la chassant de son village natal, en lui infligeant un châtiment corporel cruel, puis en en faisant une esclave de sa pire ennemie, Kriss de Valnor. 

Le lecteur ne peut que compatir pour elle et l'auteur prépare visiblement le terrain pour les retrouvailles avec Thorgal, qui s'annoncent délicates car, même si le héros devenu amnésique n'a pas conscience du monstre qu'il est devenu, il est impensable que son épouse lui pardonne facilement.

Bien entendu, le fait que Thorgal ne se souvienne plus de qui il était, soit manipulé par Kriss de Valnor, et devra payer pour les fautes commises en sa compagnie, renvoie à une autre série de Van Hamme qui exploite des ressorts dramatiques similaires, XIII. Mais, même si le déroulement des événements est extravagant, l'ensemble est traité avec un peu plus de finesse dans Thorgal - tout du moins parce qu'il s'agit là d'une péripétie et pas d'un argument exploité depuis le début et prétexte à un feuilleton indigeste.

Pourtant, on s'aperçoit bien vite que le premier rôle de La Marque des bannis et plus encore de La Couronne d'Ogotaï est moins Aaricia que Jolan, ce qui suggère qu'il deviendrait à terme le héros de la série. Van Hamme anime le garçon de dix ans avec énergie, le dotant d'une force de caractère exceptionnel : ce n'est pas surprenant de la part du fils d'un homme comme Thorgal, même s'il ne faut pas être trop exigeant pour le réalisme des situations (entre l'usage bien pratique des pouvoirs du garçon - même si ce n'est pas trop fréquent - , ses acrobaties et les combats physiques qu'il mène, l'indulgence est de rigueur pour admettre tout ça).

Dans le tome 21, le scénariste entraîne le lecteur dans une cascade de sauts spatio-temporels qui rende récit très dense et complexe : comme à chaque fois que ce procédé est utilisé, l'exercice produit un résultat inégal où, à la fin, on ne sait plus trop où on en est. Le lecteur ne peut s'empêcher d'éprouver un sentiment mitigé : d'un côté, il a conscience que c'est une sorte de convention narrative bien pratique pour régler quelques noeuds dramatiques ; de l'autre, le principe du voyage dans le temps qui est toujours accompagné  d'une mise en garde de celui qui en a le pouvoir (ne pas se faire remarquer, n'intervenir que de manière très ciblée pour ne pas bouleverser tout le continuum) est systématiquement piétiné (et aboutit dans l'histoire en question par une solution capillotractée quand le Grand Veilleur décide d'emmener le Jolan de 25 ans dans le futur).

Il faudra surveiller, dans les prochains épisodes, comment Van Hamme emploiera ces artifices fantastiques en souhaitant qu'il n'en abuse pas pour solutionner ces intrigues...

Rosinski a en tout cas l'occasion de prouver que, grâce à la simplicité de son découpage, la lecture demeure fluide. De ce point de vue, on a l'occasion de l'apprécier dans deux types de récit bien différents : La Marque des bannis permet à l'artiste de donner libre cours à son plaisir de dessiner des situations dynamiques en décors extérieurs superbement traités. Le rythme qu'il imprime par ses images est très efficace et esthétiquement toujours aussi fabuleux - les scènes avec les loups (qui suggère que Louve peut communiquer avec eux) sont particulièrement remarquables.

Avec les événements de La Couronne d'Ogotaï, Rosinski a encore quelques pages sensationnelles pour représenter les forces de la nature, comme lors de la scène de la tempête, ou traiter des séquences nocturnes, comme lorsque le Jolan de 25 ans fait s'évader sa mère et sa soeur de la forteresse de Shaîgan et Kriss. Mais le dessinateur est aussi habile quand il doit passer d'une époque à l'autre, animer le même personnage à des âges différents : grâce à lui, on ne perd pas le fil.

L'aventure rebondit spectaculairement et, malgré quelques abus narratifs, l'intérêt pour connaître la suite est intact. 

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