mercredi 25 février 2015

Critique 579 : WONDER WOMAN, VOLUME 5 - FLESH, de Brian Azzarello, Cliff Chiang et Goran Sudzuka


WONDER WOMAN : FLESH rassemble les épisodes 24 à 29 et le n° 23.2 (First Born) de la série, écrits par Brian Azzarello et dessinés par Cliff Chiang (#27 et 29 plus une partie du #28), Goran Sudzuka (#24-26 et l'autre partie du #28), et ACO (#23.2), publiés en 2014 par DC Comics.
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(Extrait de WONDER WOMAN #29.
Textes de Brian Azzarello, dessins de Cliff Chiang.)

Nouveau souverain de l'Olympe, Apollon a capturé son frère, le Premier Né, après qu'il a subi une cuisante défaite en affrontant Wonder Woman. Bientôt Apollon apprend l'imminence d'une guerre, ce qui le motive à réunir le panthéon pour convaincre ses semblables d'accueillir Wonder Woman dans leurs rangs en tant que déesse de la guerre.
Cependant, cette proposition n'a pas l'heur de plaire à l'un des membres de l'Olympe et prépare sa revanche contre l'amazone...

Après les trois premiers volumes de son run sur la série, qui ont été mouvementés, le scénariste Brian Azzarello a rebondi dans une direction décisive lors du tome 4, impliquant dans l'intrigue le nouveau fils de Zeus. Les épisodes de ce nouvel arc narratif négocient donc avec les conséquences des derniers événements tout en entraînant le lecteur vers de nouveaux rebondissements.

Encore une fois, pourtant, l'auteur aboutit à un résultat qui laisse un sentiment très mitigé : il développe en effet une histoire complexe, elle-même alimentée par des "sub-plots". Apollon retient le Premier Né prisonnier sur le mont Olympe où il lui fait subir de multiples tortures, complaisamment détaillées, mais dans un but précis.
Pendant ce temps, sa soeur, Cassandre, le défie frontalement, n'hésitant pas à user de manoeuvres aussi crasses pour avoir ce qu'elle convoite. 
Pour couronner le tout (qui est déjà assez corsé), Azzarello met en scène la quête de Wonder Woman et sa bande pour retrouver un membre de leur famille qui a été kidnappé.

Tout ça fait beaucoup. Trop en vérité, et c'est devenu un défaut récurrent dans la série pour ne plus être indulgent ou espérer que cela s'arrange, même si, pris au jeu, le lecteur a quand même envie d'aller jusqu'au terme du run du scénariste pour en connaître le fin mot. 
Personnellement, je suis lassé par la narration d'Azzarello, qui, en définitive, n'a jamais réussi à maintenir l'excellent niveau de ses premiers épisodes, qui avaient le mérite de renouveler bien des éléments. Il s'agit bien de cela en fait : à force de mener son affaire en permanence pied au plancher, de bourrer jusqu'à la gueule son intrigue, d'animer un casting très (trop) fourni, la série ne respire jamais, les personnages sont grossièrement caractérisés, la lecture devient fatigante. 

Il ne s'agit pas de blâmer l'ambition manifeste du projet d'azzarello, mais de pointer ses excès, et en la matière le trop est l'ennemi du bien (c'est un reproche que j'adresserai à d'autres scénaristes, comme Rick Remender avec ses Uncanny Avengers par exemple).

Ainsi, même si le récit se déploie avec une efficacité certaine, compte tenu de ses nombreuses voies, et continue à surprendre encore, parfois, avec certains protagonistes (je pense en particulier à Héra, qui est devenue plus appréciable maintenant qu'elle doit apprendre à composer avec sa mortalité), toute la partie avec le Premier Né occupe trop d'espace, vole la vedette aux autres. Si on comprend pourquoi il est et reste un tel monstre, on n'éprouve toutefois peu de compassion pour lui, il est trop évident qu'il est là pour incarner un des méchants de service et guère plus. Azzarello échoue lourdement à imposer ce personnage en dehors de clichés rebattus pour justifier à quel point il est sinistre et tragique (souligner l'arrogance de Zeus pour expliquer tout ça n'avance pas à grand-chose, sinon à rabâcher à quel point le père des dieux peut avoir lui aussi été monstrueux).

C'est dommage car, par ailleurs, quelquefois, Azzarello parvient encore à séduire, notamment par la qualité de ses dialogues, exprimant souvent très bien les émotions des personnages. Mais c'est bien peu quand même.

L'action prime sur la majorité de l'intrigue, plusieurs des batailles mises en scène ne sont là que pour faire avancer l'histoire mais sans résoudre quoi que ce soit : tout cela est très mécanique. On saisit juste (mais on s'en doutait déjà) que le Premier Né représente une sacrée menace pour Wonder Woman, ce qui entretient un certain suspense quand à l'issue de leur duel.

La partie graphique apporte plus de satisfaction, même si, de ce côté-là aussi, la série est devenue sérieusement bancale. En effet, bien que Cliff Chiang reste présent, il ne signe en réalité que deux épisodes et demi, ce qui est peu pour un artiste crédité en premier sur la couverture et sur la page du sommaire, considéré comme le véritable co-auteur de ce run. Sa prestation n'a rien de honteux, il produit encore de belles pages, et la manière dont il représente les personnages féminins en particuliers reste superbe.

Mais, soyons justes, Goran Sudzuka (qui avait déjà prouvé sa solidité lorsqu'il remplaçait Pia Guerra sur Y : The Last Man) donne à voir des épisodes plus réguliers et achevés, en signant plus de planches dans tout ce recueil (trois n° complets et la moitié d'un 4ème).
Son trait est sobre, ses découpages dosés, mais il se dégage des deux une assurance, une qualité, une constance désormais supérieures à ce que fait Chiang. Rien de spectaculairement différent, mais ce "truc" en plus qui gagne l'attention du lecteur, le convainc que c'est ce dessinateur-là qui fait vraiment le mieux son job.

Un mot, enfin, de la colorisation de Matthew Wilson qui est impeccable comme toujours (il a d'ailleurs succédé à Javier Rodriguez sur le Daredevil de Mark Waid et Chris Samnee, sans que la série en souffre : belle performance). Les séquences nocturnes en particulier sont magnifiées par ses choix chromatiques toujours judicieux.

Malgré son cliffhanger et le développements de nouveaux éléments narratifs à la dernière minute, ce pénultième volume de Wonder Woman par Brian Azzarello ne gomme pas une déception bien consommée. Pourtant, tout avait si bien démarré...

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