vendredi 5 septembre 2014

Critique 504 : LES GARDIENS DE LA GALAXIE, de James Gunn

LES GARDIENS DE LA GALAXIE (Guardians of the Galaxy, en v.o.) est l'adaptation cinématographique du comic-book publié par Marvel Comics, réalisée par James Gunn.
Le scénario est écrit par James Gunn et Nicole Periman. Le film est produit par Kevin Feige pour Marvel Studios.
Dans les rôles principaux, on trouve : 

Chris Pratt (Peter Quill, alias Star-Lord)
Zoe Saldana (Gamora)
David Bautista (Drax)
Vin Diesel (la voix de Groot)
Bradley Cooper (la voix de Rocket)
*

En 1988, juste après avoir vu sa mère mourir sur son lit d'hôpital, le jeune Peter Quill s'enfuit en courant dans la nuit. Une fois dehors, un vaisseau spatial plane au-dessus de lui et il est aspiré à l'intérieur...
26 ans plus tard, Quill pille un sanctuaire dans l'espace, sur une planète apparemment abandonné. En s'introduisant dans une grotte, il y dérobe un mystérieux globe. C'est alors que des soldats, menés par Korath, surgissent et veulent l'arrêter. Mais celui qui se surnomme désormais Star-Lord réussit à s'échapper.
On le retrouve sur Xandar où il cherche à vendre le globe à un receleur. Mais celui-ci panique quand il apprend que la relique est également convoitée par Ronan l'accusateur, un Kree fanatique qui défie le Corps des Novas, dirigeant la planète.
Nova Prime, chef du Corps des Novas de la planète Xandar
(Glenn Close)

En sortant de chez le receleur sans avoir pu vendre le globe, Peter Quill est attaqué à la fois par Gamora, une des deux filles du titan Thanos, allié de Ronan, et le duo de mercenaires formé par Rocket, un raton-laveur génétiquement modifié, et Groot, un arbre humanoïde, qui veulent respectivement récupérer l'objet et livrer Star-Lord (en sa qualité de membres des Ravageurs, des pilleurs galactiques) aux autorités contre une prime. Mais le Corps des Novas arrêtent toute la bande et les envoient dans une colonie pénitentiaire.
Gamora, Peter Quill/Star-Lord, Rocket, Drax et Groot
(Zoe Saldana, Chris Pratt, Bradley Cooper, David Bautista et Vin Diesel)

Dans cette prison, ils rencontrent Drax, dont la femme et l'enfant ont été tués par Ronan, et qui veut les venger en se servant de Gamora pour retrouver l'accusateur. 
Drax (David Bautista)

Gamora convainc Quill, Rocket, Groot et Drax qu'elle ne souhaite pas aider Ronan ni Thanos, et qu'elle connaît un homme intéressé pour acquérir le globe. 
Les Gardiens de la Galaxie se font la belle...
Les cinq brigands conviennent d'une alliance pour s'évader.
Gamora conduit ses acolytes jusqu'au Collectionneur, un excentrique fétichiste qui leur montre et explique ce que contient l'orbe : il s'agit d'une des six gemmes d'infinité, dont le pouvoir peut détruire une planète.
Le Collectionneur (Benicio Del Toro)


Une des servantes du Collectionneur tente de voler la gemme d'infinité et provoque une spectaculaire explosion dans la station spatiale. 
Groot et Rocket (avec les voix de Vin Diesel - en vo et vf -
et Bradley Cooper)

Ce chaos empire encore avec l'arrivée de Ronan que Drax a attiré ici par un message radio pour le tuer.
Ronan l'accusateur (Lee Pace)

L'accusateur est accompagné par Nebula, la demi-soeur de Gamora, décidée à tuer cette traitresse.
Nebula (Karen Gillan)

Ronan récupère le globe avec sa gemme tandis que Quill est retrouvé par Yondu, son père adoptif qui, s'estimant doublé, veut se débarrasser de lui. 
Yondu (Michael Rooker)
 
Mais Star-Lord réussit successivement à convaincre son mentor de l'épargner en lui promettant de récupérer le globe (et donc d'en tirer une forte somme) puis Rocket, Groot, Gamora et Drax de le suivre pour contrecarrer les plans de Ronan (au péril de leur vie, mais ils n'ont plus rien à perdre, n'ayant plus de famille).
 Gamora et Peter Quill/Star-Lord (Zoe Saldana
et Chris Pratt)

Ronan trahit Thanos en absorbant le pouvoir de la gemme et, fort de cette puissance, part détruire Xandar.
Thanos (Josh Brolin)

L'équipe de Quill et ses compères, avec les Ravageurs en renfort, persuadent le Corps des Novas de leur prêter main forte pour stopper le Kree et ses troupes. Réussiront-ils cette mission dont dépend le sort d'une partie entière de l'univers ?  

C'est déjà le 10ème film produit par Marvel Studios depuis Iron Man 1 en 2008, et Les Gardiens de la Galaxie est sans doute la plus belle réussite de Kevin Feige. Car, oui, on sort de la salle avec le sentiment d'avoir vu le film le plus abouti de la collection alors qu'il s'agit de celui qui, le premier, ne met pas en scène des super-héros (a fortiori des super-héros connus) et qui est le plus déconnecté des précédents longs métrages (même si les fidèles y repéreront des références).

Adapter un comic-book relève d'une équation délicate à résoudre, même si, en vérité, elle est vieille comme Hollywood, à savoir qu'il s'agit de concilier les exigences d'un studio propriétaire de personnages et des aspirations de cinéastes désireux de ses les approprier.
De la (bonne) gestion de cette tension entre les contraintes d'une major et de la vision d'un réalisateur qui ne veut pas être qu'un simple faiseur nait soit, au mieux, un bon divertissement ; soit, au pire, une commande brouillonne. Parmi les meilleurs résultats artistiques de Marvel Studios, on peut ainsi compter le premier Iron Man, les deux Captain America et Avengers. Moins accomplis, voire parfois ratés, il y a les deux Thor, L'incroyable Hulk, Iron Man 2 et 3.

On peut même affirmer que chaque film Marvel est le fruit de la ligne imposée par le producteur Kevin Feige et des tentatives d'émancipation du réalisateur qui a accepté d'être sous sa tutelle. A ce petit jeu, on a pu voir qu'un bon cinéaste n'est pas toujours le meilleur choix pour piloter une telle entreprise (le "Shakespearien' Kenneth Branagh s'y est cassé les dents, et Alan Taylor, emprunté à la série Game of Thrones, a aussi souffert). En revanche, ce sont souvent des metteurs en scène inattendus, novices ou revenants, qui s'en sont mieux sortis (Joss Whedon, les frères Russo, Joe Johnston, Jon Favreau).

Dans ce cadre-là, le choix de James Gunn, plus connu (quoique sa notoriété ne dépassait guère le cercle de quelques initiés) pour ses films indépendants comme Super ou Horribilis, était celui du parfait outsider : un geek déclaré, désireux de pouvoir disposer d'un tel budget, mais dont on ignorait s'il aurait les reins assez solides et la bonne inspiration. Mais, en fait, avec le recul, avoir élu James Gunn n'était pas plus surprenant que de monter un blockbuster à partir des Guardians of the Galaxy, comic-book plus que méconnu (même s'il a des mordus, et que son récent relaunch enregistre de bien meilleures ventes, grâce à une équipe artistique plus en vue - Brian Bendis au scénario et une flopée de dessinateurs côtés).

Que vaut-il alors, ce film ?
Hé bien, d'abord, et même avant tout, sa première qualité est qu'il vit très bien indépendamment des précédentes adaptations Marvel. Les quelques références qui subsistent sont discrètes et ne gêneront pas ceux qui n'ont pas tout suivi (au contraire même, puisque, pour la première fois, véritablement, on a droit à des éclaircissements sur les gemmes d'infinités, l'évocation des puissances primordiales que sont les Célestes, et une présence un peu plus nette de Thanos, entrevue à la fin de Avengers).

Ensuite, donc, il ne s'agit pas d'un film de super-héros, ce qui permettra donc à ceux qui apprécient plus ou moins ce type de personnages d'apprécier l'histoire et les personnages. Nous sommes ici dans la configuration d'un "space opera" teintée de comédie. Les héros sont des anti-héros, une bande de "misfits" au départ guère recommandables et aux actions peu honnêtes : un pilleur de reliques (Peter Quill), une tueuse (Gamora), deux chasseurs de primes (Rocket et Groot) et un veuf désireux de venger les siens (Drax). L'intrigue a le mérite de les présenter clairement, rapidement, mais surtout d'expliquer comment les évènements qu'ils traversent les changent en héros, en personnages abandonnant leurs mauvaises manières pour accomplir un authentique acte héroïque.

La qualité des héros se mesure aussi à celle de leur adversaire et de ce point de vue, là aussi, le film offre un méchant d'envergure, réellement menaçant, au caractère inquiétant et original (c'est un fanatique religieux, que la puissance qu'il acquiert en récupérant la gemme d'infinité ne fait que souligner), avec sa complice Nebula (Karen Gillan, venue de Dr Who, parfaitement flippante). Le décalage entre la démesure du pouvoir obtenu par Ronan (joué par un Lee Pace imposant, bien loin de son personnage dans Pushing Daisies) et les ressources dérisoires en comparaison dont disposent les Gardiens permet d'apprécier pleinement l'incertitude de l'issue de leur affrontement : on tremble alors vraiment pour les héros, et ce frisson est jubilatoire, il offre un vrai suspense.

Les Gardiens sont une équipe qu'on voit naître, de manière plus dynamique encore que les Avengers, et leur étrangeté ajoute à l'exotisme du projet sans empêcher qu'on vibre pour eux. Surtout, James Gunn a su trouver la bonne distance pour les traiter, toujours avec humour mais sans se moquer d'eux, en évitant la parodie. Il fallait ça pour, sinon croire, en tout cas suivre les aventures d'un arbre sur pattes (auquel Vin Diesel prête sa voix gutturale aussi bien en version originale qu'en français, réussissant à donner une grande variété d'intonations dans l'unique phrase que prononce Groot : "Je s'appelle Groot"), un raton-laveur enragé et sur-armé (avec la voix de Bradley Cooper - assurément le personnage le plus mémorable de l'année), un tueuse en quête de repentance mais redoutablement efficace (parfaitement incarnée par Zoe Saldana, qui peut composer ce personnage sans jouer sur la séduction), un guerrier mélancolique mais incapable de saisir le moindre second degré (campé par le catcheur David Bautista, dont la présence massive va avec un regard presque enfantin).

Cette troupe improbable, qualifié de "bande de trous du cul" par les flics de l'espace, confère au film une énergie et une bonne humeur communicatives : ils passent leur temps à se disputer, à se réconcilier, ils apprennent à s'apprécier, s'estimer, et même à nous émouvoir, après nous avoir fait rigoler (la génération de lucioles par Groot distille un vrai moment de poésie). En action, ils sont très bien mis en valeur, et James Gunn réussit là aussi à faire preuve de très bonnes idées, avec des séquences très efficaces (l'évasion de la prison, l'infiltration et l'attaque du vaisseau de Ronan).

Visuellement, le film affiche une contribution extraordinaire des designers, la plus aboutie de tous les films de la gamme. Le Knowhere est particulièrement impressionnant (même si son usage a été détourné par rapport à la BD : ici, il s'agit d'une station où réside le Collectionneur alors qu'il s'agit à l'origine du QG des Gardiens), et de manière plus générale, la dimension spatiale, avec des coloris parfois psychédéliques, atteste de l'ambition du projet. C'est la visualisation d'un pan entier du Marvel univers, après les aventures terriennes (Iron Man, Captain America) ou extra-dimensionnelles (Thor) - lorsqu'on sait que se prépare un film Dr Strange, et donc l'exploration des domaines magiques, cela offre un panorama très varié.

Pourtant, si l'on ne devait retenir qu'un élément dans cette réussite, ce serait le personnage de Peter Quill aka Star-Lord : depuis le Tony Stark / Iron Man interprété par Robert Downey Jr, c'est la meilleure incarnation distribuée par les studios Marvel, et le meilleur résumé du projet même des Gardiens de la Galaxie comme film. Ce pirate de l'espace, insolent, charmeur, qui ne veut jamais se séparer de son antique walkman avec sa cassette audio de vieux tubes compilés par sa mère (proposant une b.o. dans la b.o., égalant les meilleures mix de Tarantino), c'est le successeur des grandes figures du cinéma de divertissement grand public à la Spielberg auquel James Gunn adresse plusieurs clins d'oeil imparables (avec un trauma d'enfance digne de E.T. jusqu'à la personnification adulte descendant directement d'Indiana Jones).
Quand on part dans l'espace se bagarrer avec des aliens durs au mal, on pense aussi immanquablement aux premiers épisodes de Star Wars de George Lucas, et Peter Quill renvoie aussi au anti-héros le plus cool de la fin des 70's, Han Solo (on aimerait alors que pour la suite, déjà annoncée, Marvel persuade Harrison Ford de jouer le père de Star-Lord, qui n'apparaît jamais ici mais dont il est dit qu'il appartient à une race très ancienne).
Le casting de Chris Pratt, qui n'avait rien d'une évidence puisqu'il vient de la comédie et qui a dû subir un régime physique intense pour convaincre la production, est une idée de génie, un de ces acteurs qui a compris qu'il tenait là le rôle et qui le joue avec un plaisir communicatif.

Ainsi donc, en se démarquant des précédents longs métrages Marvel mais en embrassant la mythologie d'un cinéma bien antérieur à la mode des super-héros sur grand écran, en empruntant aux genres du récit d'aventures, de la pulp fiction, du space opera, Guardians of the Galaxy parvient à cette synthèse jouissive qui comblera aussi bien les jeunes fans avides de sensations fortes et de cool attitude et les nostalgiques des films où les personnages n'étaient jamais éclipsés par les effets spéciaux.
Pour la première fois, peut-être, on sort d'un film des studios Marvel en ayant pris autant de plaisir qu'à une production ne se limitant pas aux références de son catalogue, surpassant même son comic-book d'origine, bref une histoire et des protagonistes aimables pour eux-mêmes et par tous (plus seulement des amateurs ou des initiés).

Si vous aviez des réserves : oubliez-les, ces Gardiens vont vous faire du bien.

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