mercredi 25 juin 2014

Critique 469 : JERÔME K. JERÔME BLOCHE, TOME 7 - UN OISEAU POUR LE CHAT, de Dodier


JERÔME K. JERÔME BLOCHE : UN OISEAU POUR LE CHAT est le 7ème tome de la série, écrit et dessiné par Dodier, publié en 1991 par Dupuis.
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Alors qu'il se rend à la banque pour déposer le chèque d'un client, Jérôme assiste à un braquage commis par un homme armé d'un pistolet qui est en fait un jouet en plastique. Il prend la fuite avec de l'argent avant d'être appréhendé par la police, mais Jérôme est aussi embarqué car il a empêché un agent de tirer sur le voleur (et donc accusé d'avoir entravé l'exercice des forces de l'ordre). Dans la cellule voisine du voleur, il apprend pourquoi celui-ci a commis son méfait : le nommé Vanescu, qui a perdu son emploi depuis quelques mois, avait besoin de cet argent pour continuer à payer l'école privée dans laquelle sa fille, Miléna (qui ignore tout de la situation de son père), étudie.
L'arrestation de Vanescu motive la décision de la directrice de l'école à renvoyer Miléna et celle-ci entame alors une fugue, avant que les services sociaux ne viennent la prendre en charge. Elle se réfugie d'abord chez son père chez qui la police la recherche, puis s'enfuit dans une zone en banlieue où deux frères, truands mais plus bêtes que méchants, la ramènent chez leur mère.
Jérôme sort du commissariat en promettant à Vanescu de retrouver sa fille dont ils ont appris la fugue par un policier...

Alain Dodier assume tous les postes - scénario, dessins, couleurs - pour le 7ème tome des aventures de son détective privé (et ce pour la 3ème fois consécutive). C'est encore, 8 ans après sa création, la "première époque" de la série dans le sens où celle-ci privilégie un ton léger, volontiers humoristique (sans non plus être franchement comique), souligné par un dessin qui, s'il s'affirme, n'a pas encore fixé tous ses éléments (notamment dans la représentation de son héros).

L'histoire est très simple mais fertile en rebondissements, et la linéarité de la narration assure une lecture agréable, avec une succession de situations simples, des personnages bien campés, et des décors bien typés. Jérôme s'implique dans cette affaire par compassion avec un homme qui a commis des braquages sans intention malfaisante (il veut simplement permettre à sa fille de poursuivre des études dans un lycée huppé sans qu'elle sache qu'il a perdu son emploi). 
De ce fait, Dodier prend soin d'avertir le lecteur au tout début de son récit que son héros a quand même gagné de l'argent auparavant, dans une précédente enquête, ce qui évite de tomber dans le piège facile du détective philanthrope bien que fauché (même s'il est évident que Jérôme ne roule pas sur l'or). La rapidité avec laquelle l'enquête se dénoue permet aussi d'apprécier un certain réalisme car on n'imagine pas que le héros consacrerait un temps fou à résoudre ce dossier dont il sait qu'il ne lui rapportera rien.
En outre, Jérôme est activement assisté par sa fiancée Babette, qui lui sert à la fois de chauffeur, fait le guet, avertit la police quand les évènements se corsent. Mais Dodier se sert malicieusement de leur couple en glissant dans un dialogue les gentils reproches qu'adresse la jeune femme à son amoureux sur les attentions qu'il pourrait avoir pour elle en contrepartie des services qu'elle lui rend. Tout cela rend leur relation vivante et piquante, sans encombrer l'intrigue.
Les "méchants" de l'histoire ne le sont pas vraiment : les deux frères, Ange et Timothée, sont décrits comme de petites frappes qui vivent encore chez leur mère, à laquelle ils obéissent, et s'ils profitent de la présence de Miléna, ils le font sur un malentendu en attendant de tomber sur des crapules beaucoup moins sympathiques (le gang des déménageurs), dont le rôle est d'ailleurs peur développé. Le moyen par lequel Jérôme et Babette remontent la piste de tous ces truands est très facile, témoignant d'une écriture encore débutante chez Dodier (alors que par la suite il soignera beaucoup mieux ces détails).

Visuellement, donc, comme je l'évoquais plus haut, l'artiste confirme ses excellents dispositions : on trouve déjà des éléments extrêmement soignés, qui indiquent un travail de repérages en amont approfondi, notamment en ce qui concernent les décors (qu'il s'agisse des extérieurs, avec notamment la zone où évoluent les frangins, le gang, superbement reproduite ; ou les intérieurs, en particulier la maison de la mère d'Ange et Timothée ou le bistrot que fréquentent les déménageurs). On parle souvent du Paris de Tardi, avec ses ambiances incroyables, ses reconstitutions d'époque prodigieuses, mais Dodier dessine également la capitale et sa banlieue avec un incontestable brio.
La représentation des personnages trahit cependant la période à laquelle fait partie cet album : Dodier n'a pas encore trouvé complètement son héros, comme en témoigne encore son nez rond très prononcé ou sa silhouette très mince, et même quelques seconds rôles indiquent les hésitations stylistiques de l'auteur (notamment avec le personnage de Timothée). L'éncrage est aussi encore un peu épais, manquant de nuances. Mais l'expressivité et la variété des physionomies montrent quand même un dessinateur soucieux de peaufiner tout ça.
Le découpage comporte aussi quelques menues maladresses, avec la présence de flèches pour préciser le sens de lecture parfois, mais ce sera vite corrigé.

C'est un album sans prétention, sans doute encore un peu faible, mais Dodier perfectionne avec application son oeuvre, et garantit une lecture très divertissante.

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