jeudi 22 mai 2014

Critique 452 : SPIROU ET FANTASIO, TOME 42 - SPIROU A MOSCOU, de Tome et Janry


SPIROU ET FANTASIO A MOSCOU est le 42ème tome de la série, écrit par Tome et dessiné par Janry, publié en 1990 par Dupuis.
*

Sur le point d'embarquer pour des vacances au soleil, Spirou, Fantasio et Spip sont enlevés par les services secrets français. Direction : Moscou. En vol, ils sont briefés sur l'histoire du pays et la criminalité mafieuse qui y sévit actuellement.
Sur place, ils apprennent enfin pourquoi on les a réquisitionnés de force : il s'agit d'aider le KGB à arrêter un certain Tanaziof, prétendu descendant du tsar Nicolas II, à la tête d'un réseau terroriste qui veut renverser le pouvoir en place en s'emparant de la dépouille de Lénine. En échange de leurs services, deux prisonniers français, qui ont atterri sur la Place Rouge pour une opération publicitaire, seront libérés.
Spirou, Fantasio et Spip s'engagent dans une haletante course-poursuite qui va les opposer à un vieil ennemi...

Tome a toujours pris plaisir à malmener nos héros en les envoyant au bout du monde, dans des contrées hostiles et souvent réels (l'Antarctique, le Népal, New York...). Or, lorsqu'il a l'idée d'expédier Spirou et Fantasio (et Spip !) en Russie, nous sommes en 1990, à l'aube de l'éclatement du bloc soviétique consécutif à la chute du mur de Berlin : c'est encore l'époque où l'aventure derrière le rideau de fer autorise quelques clichés, qui alimentent aussi bien des histoires dramatiques que plus fantaisistes.
Au début de son histoire, le scénariste offre au lecteur et à ses héros un petit cours d'histoire en accéléré particulièrement savoureux (avec un foisonnement de gags visuels qui vont se répéter durant tout l'album - repérez entre autres les lunettes noires que portent tous, et j'insiste bien en disant tous les espions soviétiques...) qui permet d'être immédiatement dans le bain (glacé, ça va de soi).
Le méchant choisi par Tome est iconique et renverra les fans à de nombreux récits classiques du passé de la série - je ne vous dis pas qui c'est, mais les amateurs d'anagrammes le devineront facilement en lisant le résumé ci-dessus. Bien qu'il soit toujours délicat de manier des ennemis inventés par le génial Franquin sans se contenter de reproduire les mêmes recettes que le maître ou en essayant de les employer de façon décalée sans garantie de rester efficace, c'est là un modèle du genre et on mesure à quel point le personnage est véritablement l'équivalent de Olrik (dans Blake et Mortimer de Edgar Jacobs) pour Spirou et Fantasio, et donc un adversaire plus direct que Zorglub (chez qui la dimension pathétique atténue le maléfique).
La maîtrise dans la conduite de l'histoire est aussi une leçon : ça file à toute allure, on est comme aspiré par la succession de péripéties à laquelle sont confrontés nos héros, et pourtant Tome réussit encore, au milieu de tout ça, à glisser des dialogues savoureux (avec encore quelques calembours fameux - et il se fait plaisir avec les patronymes russes), des plaisanteries inventives, des clins d'oeil parodiques. C'est un pur régal : on s'amuse, on frémit, on vibre - du grand Spirou !

Et Janry est lui aussi comme fouetté par le climat moscovite : il nous gratifie de séquences virtuoses (comme le carambolage au début, ou le vol de la dépouille), orchestrées avec un sens de la narration impeccable. Si on examine un peu attentivement le découpage du dessinateur, on peut s'apercevoir de sa densité avec des planches d'une dizaine de cases, qui témoignent à la fois de la rigueur du script et de celle de Janry pour doser ses effets, sans jamais rien rogner sur la lisibilité et l'impact des gags ou rebondissements (avec des chutes de pages admirablement amenées).
C'est aussi l'opportunité pour lui de croquer une collection de gueules épatantes, un exercice qui le rapproche presque plus de Morris que de Franquin., et de soigner les décors, qui restituent à merveille l'architecture moscovite mais aussi des ambiances accrocheuses, propices au suspense.

Une nouvelle grande réussite dans un run de haut niveau. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire