lundi 17 février 2014

Critique 414 : THOR - A LA RECHERCHE DES DIEUX, de Dan Jurgens, John Romita Jr et John Buscema


J'ai acquis il y a quelque temps ce volume de presque 300 pages pour un petit prix et qui propose le début du run du scénariste Dan Jurgens sur la série THOR, dont c'était le 2ème volume. Le dessins sont signés par John Romita Jr (#1-7, 10-12) et John Buscema (#9). 
Curieusement, cette édition (au format poche, publié dans la collection Succès du Livre de Paninicomics) escamote l'épisode 8, mais cela ne nuit pas à la compréhension de l'histoire.
L'action débute à New York lors d'une prise d'otages dont l'auteur réclame de parler à Thor. Celui-ci se présente et découvre que le preneur d'otages prétend être Heimdall, le gardien du pont arc-en-ciel d'Asgard. Ils s'y téléportent et découvrent la glorieuse cité en ruines et désertée. Désemparé, Thor ramène l'homme sur terre et le confie à Jane Foster, la femme mortelle dont il a été épris et qui travaille dans un hôpital de la ville.
Mais déjà Thor est appelé ailleurs : sur les docks, ses amis Vengeurs affrontent... Le Destructeur, dont l'armure est occupée par un militaire aigri. La bataille fait rage et coûte la vie au dieu du tonnerre qui sombre dans le royaume d'Héla, la déesse des morts.
Là, l'énigmatique Marnot arrache Thor à celle qui le convoitait mais ce service a un prix : désormais Thor, qui veut découvrir ce qui est arrivé à Asgard, devra partager son temps avec l'enveloppe d'un ambulancier, Jake Olson, mort lui aussi durant la bataille contre le Destructeur. 
Thor doit apprendre à connaître les secrets de la vie de Jake Olson qui avait entamé une relation avec Hannah, mère d'une adolescente qui ne s'entendait pas avec l'ambulancier. Il devra aussi affronter Sedna, une créature de la mer, convaincre Hercule de l'aider, subir les assauts de Majest Zelia et Perrikus...


La série THOR avait, avant ce run, connu des auteurs emblématiques comme Jack Kirby (dont c'était un des héros fétiches) ou Walt Simonson (qui l'a animé comme scénariste et dessinateur). Avec ces épisodes, Dan Jurgens hérite du personnage au lendemain de l'event Heroes Return (lui-même issu de Heroes Reborn et la saga Onslaught). Il lui revient de donner un second souffle au dieu du tonnerre, qui a toujours occupé une place à part chez l'éditeur (ce n'est pas un de ces super-héros à problèmes traditionnels).
Le point de départ n'est pas spécialement original : il s'agit à nouveau d'une histoire où la fin d'Asgard fournit l'argument pour que Thor soit embarqué dans une série d'aventures qui vont converger dans une bataille épique et la restauration du royaume des dieux nordiques.
Néanmoins, Jurgens évacue un élément important en n'utilisant pas Don Blake, l'alter ego mortel du dieu du tonnerre. A sa place, on a droit à l'ambulancier Jake Olson, guère plus original, et dont la création semble surtout servir de prétexte pour justifier l'existence et les manigances du personnage de Marnot.
Pour le reste du casting, Jurgens exploite une galerie de seconds rôles charismatiques, qui interviennent ponctuellement (Namor - une idée intéressante de réunir deux monarques, même si elle est juste effleurée ici. Roger Langridge dans Thor the mighty avenger les réunira sans, non plus, avoir le temps de creuser leur relation) ou s'inscrivent dans la trame générale de l'intrigue (le Destructeur, Hercule). Dans la dernière ligne droite du récit, des partenaires familiers de Thor font aussi leur apparition (Balder, Sif, les trois guerriers, Odin).
Tout cela est mené sur un rythme soutenu, même si les dialogues ampoulés (et traduits avec zèle) et un subplot ralentissent occasionnellement l'action. Jurgens prend le parti affiché de livrer une histoire où la baston est prédominante au détriment de la psychologie, qu'il s'agisse des bons ou des méchants (encore des conquérants déchus par Odin qui veulent se venger).
Bref, si on cherche un divertissement spectaculaire, qui ne demande pas de réflexion mais offre son lot de bagarres épiques et d'acteurs manichéens, ces épisodes remplissent parfaitement leur rôle. Mais on peut quand même préférer une autre approche, que ce soit en matière de rythme (avec par exemple le court mais très beau passage de J. Michael Straczynski et Olivier Coipel - le volume suivant celui de Jurgens) ou d'ambition (Kirby ou Simonson donc). Pour ma part, j'ai mis un certain temps avant d'attaquer la lecture de ce livre acheté sur un coup de tête, motivé par son rapport quantité/prix, et j'ai aussi mis du temps à adhérer au style de Jurgens, plus mécanique qu'inspiré. J'ai fini tout ça avec une impression mitigé : c'est distrayant mais bourrin, un peu lassant.

Ces sentiments partagés, on les retrouve aussi dans la partie graphique. A l'exception du fill-in dessiné par John Buscema et encré par Jerry Ordway, d'un superbe classicisme, d'une classe folle, les dessins de John Romita Jr encrés par Klaus Janson ont les défauts de leurs qualités.
Pour ce qui est d'enchaîner les séquences coup de poing vraiment ravageuses, on peut compter sur JR Jr qui connait son affaire et prouve son savoir-faire. L'apport de Janson est minimal : c'est lui mais en vérité, n'en déplaise à ses fans, ça pourrait être un autre qu'on ne verrait pas une grande différence. Il est loin le temps où ce bon vieux Klaus finissait et embellissait les crayonnés des artistes plus ou moins doués que lui, et je ne parle même pas de son run sur Daredevil avec Frank Miller où il était l'encreur le plus impressionnant qui soit, avec des effets de lumière, de texture merveilleux. Maintenant, il ne fait guère plus que ce qu'un encreur lambda accomplit, et je n'ai jamais trouvé que son association avec Romita Jr avait abouti à un résultat particulier (comparez avec ce qu'apportait Al Williamson au même dessinateur et vous comprendrez).
En revanche, quand il s'agit d'illustrer des scènes plus calmes avec des personnages plus ordinaires, les faiblesses de Romita Jr sautent au visage : l'expressivité est réduite au minimum, les attitudes sont figées, les compositions ordinaires... En rendant son dessin plus efficace, plus productif, Romita Jr a aussi négligé puis abandonné tous les aspects du graphisme qui pouvaient le rendre plus subtil, plus varié. A ce régime-là, les séries qu'il anime souffrent toujours d'une espèce de grossièreté dans l'exécution (encore pire quand il se contente de tracer des layouts, laissant le gros du boulot à ses encreurs). C'est dommage car, quand il s'inspirait moins de Kirby et plus de son père, JR Jr était finalement un dessinateur plus complet.

Bon, malgré tout, tout ça n'est pas désagréable à lire, et même, vers la fin, c'est suffisamment tonique pour devenir un "page-turner" assez redoutable. Il manque juste un peu d'âme et de finesse dans ce monde de brutes où d'autres auteurs, avant ou après Jurgens et Romita Jr, ont prouvé que l'univers de Thor ne saurait se résumer aux aventures d'un géant blond avec un gros marteau lançant des éclairs...

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