jeudi 21 mars 2013

Critique 383 : HAWKEYE #6, de Matt Fraction et David Aja

HAWKEYE : SIX NIGHTS IN THE LIFE OF HAWKEYE est le 6ème épisode de la série, écrit par Matt Fraction et dessiné par David Aja, publié en Décembre 2012 par Marvel Comics.
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Aux prises avec les branchements d'un lecteur dvd...
Et avec les questions de Tony Stark sur ses ressources financières.

Six nuits et un jour avec Clint Barton...
Noël approche. 
Le 13 Décembre, en mission avec Spider-Man et Wolverine contre des membres de l'A.I.M., Hawkeye décide de suivre le conseil de ses amis de profiter d'un congé pour les fêtes de fin d'année.
Le 14 Décembre, alors qu'un de ses voisins lui donne un lecteur dvd, Clint Barton est averti par une de ses voisines que les mafieux russes qu'il a chassés de leur immeuble l'attendent dehors. Il est roué de coups, enlevé, puis relâché après qu'on l'ait prévenu que s'il ne partait pas, son entourage en subirait les conséquences.
Le 15 Décembre, Kate Bishop découvre que Clint veut s'éclipser et lui passe un savon.
Le 16 Décembre, les mafieux russes viennent vérifier que Clint est parti. Ce n'est pas le cas. Pire encore : il les défie à nouveau.
Le 17 Décembre, Clint promet à sa voisine Simone que ses fils pourront voir le "Christmas Show", alors qu'il a endommagé la parabole sur le toit de l'immeuble en se battant contre les mafieux russes.
Le 18 Décembre, Tony Stark tente de donner un coup de main à Clint pour installer sa télé et son lecteur dvd.
Le 19 Décembre, Clint reçoit Simone et ses fils...

Après les épisodes 4 et 5 formant une histoire à part (où Hawkeye partait en mission à Madripoor - dessinée par Javier Pulido), Matt Fraction revient à la structure qui a fait ses preuves depuis la relance de la série, un "one-shot", à la narration éclatée, rythmé par une suite de rebondissements minimalistes fondés davantage sur la vie quotidienne de son héros (quand il n'est pas avec les Vengeurs) que sur des aventures extraordinaires, mais sans oublier quelques éléments posés auparavant.
Suivant une règle courante dans les comics, ce nouvel épisode se déroule durant la période correspondant à sa sortie en kiosques, soit pendant les fêtes de fin d'année, juste avant Noël. Fraction s'en sert pour justifier la nécessité pour Clint Barton de prendre du repos après sa participation foireuse à une mission avec Wolverine et Spider-Man. C'est la première fois que l'auteur convoque ainsi  des guest-stars dans la série, mais il le fait plus comme un clin d'oeil et pour plaisanter que pour inscrire son histoire dans la continuité des séries où apparaissent ces invités. Et c'est tant mieux car cela conserve au projet sa légèreté et son autonomie.

Ce qui fait le charme d'Hawkeye depuis le début du run de Fraction, c'est son attachement à décrire de la façon la plus humble et ironique comment vit un super-héros quand il redevient un simple homme. La situation de Clint a pourtant notablement évolué en 6 épisodes : il a chassé des racketteurs russes d'un immeuble dont il a désormais la charge, s'est adjoint les services de Kate Bishop (des Young Avengers), et essaie de remettre de l'ordre dans sa vie en aménageant son appartement et en cohabitant avec des voisins qui sont aussi ses locataires.
Ses rapports avec ces derniers procurent à Matt Fraction la source de gags savoureux comme quand on le prend pour Iron Fist ou qu'on le rebaptise "Hawkguy" (une idée inspirée au scénariste par ses enfants qui prononçaient mal le pseudonyme du héros). La drôlerie de cet échange résumerait presque à elle seule pourquoi c'est un série si atypique, si délicieuse, si bien écrite - en un mot si irrésistible.
L'autre force de Fraction, c'est sa capacité à faire exister en quelques pages les guest-stars susmentionnées. La scène avec Tony Stark (historiquement lié à ses tout débuts puisqu'Hawkeye, lorsqu'il était encore un vilain associé à la Veuve Noire, encore espionne au service de l'URSS, l'a affronté avant de se racheter une conduite et d'être intégré aux Vengeurs par Iron Man) souligne les différences (sociales, méthodologiques) mais aussi l'amitié entre les deux hommes. Les connaisseurs s'amuseront aussi de l'apparition quasi-subliminale de Dr Druidd...
Kate Bishop n'intervient que subrepticement dans ce chapitre, à peine deux pages, mais son intervention est importante puisqu'elle a lieu après un moment particulièrement douloureux pour Clint Barton et va bouleverser la décision qu'il avait prise de se retirer (au lieu d'assumer ses responsabilités - même si, avec lui, il y a un gros risque de rechute...).
Le soin accordé aux dialogues devient essentiel et Matt Fraction, en dosant bien ses effets (sur la ponctuation, notamment - relayée par un lettrage exemplaire de Chris Eliopoulos), sait leur donner du naturel, du rythme, de la fluidité. Et quand il fait silence, c'est pour laisser à l'image toute la surface nécessaire à une évocation puissante (comme lorsque Clint défie les russes avec une pleine page plus éloquente que n'importe quel bravade orale). Toutes choses qui contribuent au réalisme sympathique de la série.
Et David Aja, me direz-vous ?
Inutile de chercher, son travail est exempt de défauts, c'est remarquablement intelligent, d'une virtuosité qui a l'élégance de ne jamais être suffisante, hautaine. Comme tous les vrais bons dessinateurs, il raconte l'histoire, en souligne les points forts, en bonifie les détails, en simplifie la lecture, tout en ne cessant de stimuler le fan, en lui proposant des astuces graphiques.

Ce qui demeure le plus brillant, c'est à la fois la densité que donne Aja à ses pages, truffés de petites cases dont chacune dit quelque chose, est cadrée avec justesse, donne vraiment à lire sans freiner la progression dramatique du récit ; mais c'est aussi la perfection avec laquelle ses images collent au ton du script. Tenez, regardez la scène ci-dessous, où un de ses voisins renomme Hawkeye "Hawkguy" :


La composition de la page est déjà bluffante : pas moins de 15 vignettes, avec une majorité de plans rapprochés, où chaque expression est représentée avec une économie de traits sidérante, une succession de cadres de face ou de profil, et à chaque fois un écho au texte. Plusieurs sentiments s'y succèdent : l'interpellation, la surprise, l'insistance, la correction, la bienveillance, la bonne foi, la résignation, l'assurance, la bonhommie.

Tout sonne juste, tombe pile au bon endroit, défile avec finesse, c'est drôle, touchant, ironique. C'est un "morceau de bravoure" et en même temps, c'est tellement dénué d'esbroufe qu'on se rend à peine compte, à la première lecture, combien c'est bien fait.

Voilà à quoi ressemble une bonne bd, un bon dessin de bande dessinée, quand il est simple et raconte l'histoire sans prétention mais avec intelligence.

Une nouvelle grande réussite.
Matt Fraction a ensuite écrit le 7ème épisode en hommage aux victimes de l'ouragan Sandy, qui a ravagé la Côte Est des Etats-Unis l'automne dernier. Ce numéro spécial, en marge de la série, a été illustré par Steve Lieber et Jesse Hamm. Le scénariste a cédé ses royalties au profit de la Croix Rouge américaine.
Puis la série a repris son cours au #8, que je critiquerai bientôt.

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