mardi 17 juillet 2012

Critique 338 : CATWOMAN, VOL. 1 - THE DARK SIDE OF THE STREET, de Ed Brubaker et Darwyn Cooke


Catwoman : The Dark End of the Street rassemble les épisodes 759 à 762 de la série Detective Comics et 1 à 4 de la série Catwoman, écrits par Ed Brubaker et dessinés par Darwyn Cooke, publiés en 2001-2002 par DC Comics.
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- Slam Bradley : Trail of Catwoman (Detective Comics #759-762). Le détective privé Slam Bradley est engagé par le maire de Gotham pour retrouver Catwoman, présumée morte. Son enquête va le conduire à établir que la disparue est en réalité Selina Kyke, une ancienne prostituée ayant connu une ascension sociale fulgurante, au point de se présenter aux élections municipales de New York et d'être au bras du célibataire millionnaire Bruce Wayne. Mais le sort de la jeune femme intéresse aussi la pègre locale et la mission de Slam Bradley va l'obliger à composer avec elle et Batman... 


Le début d'une enquête éprouvante pour Slam Bradley :
Catwoman est-elle vraiment morte ?

- Anodyne, 1-4 (Catwoman #1-4). Selina Kyle est à la croisée des chemins alors qu'elle peut à nouveau jouir d'une relative tranquillité grâce au soutien de Batman. Mais elle doit à présent décider de la direction que prendra son existence : renouer avec ses activités de voleuse et le banditisme ? Ou utiliser son alias de Catwoman pour faire le bien ? Les meurtres de plusieurs prostituées, dont la police gothamite se fiche et rackette, vont l'amener à devenir la protectrice de ses anciennes consoeurs quand Holly Robinson, sa jeune amie, est en danger. Mais le criminel auquel elle va être confrontée n'est pas qu'un seul simple mafieux psychopathe... 






La féline fatale se trouve une nouvelle raison d'être...
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Quand Ed Brubaker reprend en main le personnage de Catwoman en 2001, il le fait d'abord en passant par la série historique de Batman, Detective Comics, et en imaginant une intrigue en quatre parties, formant un épisode de 30 pages, sur la mort présumée de l'héroïne. Mais Catwoman est-elle une héroïne ?
Apparue dès les débuts de Batman, la "femme-chat" a connu une carrière chaotique, écartée même pendant un temps à cause du Comics Code (car il n'était pas envisageable dans les années 50 de sexualiser un super-héros). Elle a toujours conservé une ambivalence, tour à tour voleuse du mauvais côté de la loi et donc ennemie de Batman (même si le Dark Knight éprouvait des sentiments évidents pour elle) ou justicière alliée de la chauve-souris.
Ed Brubaker dispose donc d'un personnage à établir et il va fonder son travail sur ce postulat en jouant sur les correspondances entre son récit et la situation de Selina Kyle.
Dans un premier temps, avec l'enquête de Slam Bradley, il est question de chercher Catwoman.
Dans un second temps, une fois qu'elle a été retrouvée et bénéficie de la protection de Batman, elle doit se chercher elle-même un nouvel objectif dans la vie : nous la voyons alors hantée par ses démons, voulant renouer avec le frisson sans pour autant redevenir une criminelle traquée par les autorités et le Dark Knight, en proie à des insomnies, doutant de vouloir incarner à nouveau Catwoman. Elle doit se réinventer tout comme son scénariste doit la repositionner dans le Bat-verse (et plus globalement dans les comics DC).
Tandis qu'un tueur rôde et sévit dans l'East End de Gotham, le destin de Selina Kyle bascule lorsqu'elle choisit d'aider, sans se montrer, Batman lorsqu'il affronte le Sphinx et son gang puis, surtout, lorsque son amie Holly Robinson est à son tour menacée par le psychopathe. Enfin, sa révolte devant le comportement de la police corrompue et indifférente au sort des victimes finit de déterminer son orientation. Catwoman va donc être la protectrice des opprimés, de ceux dont Batman (et sa "famille") ne s'occupe pas (les prostituées, les pauvres, les enfants...).
Cette évolution est exprimée de manière à la fois subtile et énergique dans un scénario formidablement huilé où Brubaker montre qu'il sait quoi faire de son personnage, comment développer son histoire. Déjà on devine qu'il a des plans pour elle et que cela sortira des sentiers battus tout en s'inscrivant dans une certaine tradition : en effet, le scénariste a choisi pour référence Batman : Year One de Frank Miller et David Mazzucchelli, ramenant Holly Robinson (pourtant tuée par un précédent auteur), rappelant la jeunesse de Selina Kyle comme prostituée (et avant cela comme jeune délinquante, séparée de sa soeur).
Déjà germe ici ce que Brubaker exploitera dans ses oeuvres futures, de Gotham Central à Daredevil en passant par Captain America et ses creator-owned comme Criminal et Incognito : ce mélange de polar et de (super-)héros, ou plutôt de "street-level hero", avec des intrigues à la construction solide, aux personnages bien définis, aux dialogues sobres et à la voix-off très présente (chez Brubaker, les héros pensent autant sinon plus qu'ils ne parlent).
Sa Selina Kyle possède à la fois du charme, de la classe, du mystère, de la fragilité, de la détermination, et les seconds rôles comme Slam Bradley ou Holly Robinson possèdent une voix unique. L'histoire est rythmée, ménageant les moments calmes et les scènes d'action. On se régale.
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Et puis c'est dessinée par Darwyn Cooke et c'est là aussi, comme toujours, un bonheur.
En vérité, tout l'art de cet artiste phénoménal est résumé dans ces épisodes, où l'on ressent à la fois la rapidité, le mouvement, de la narration, avec un trait vif, des angles dynamiques, et la densité, avec des découpages en gaufrier (une figure appréciée de Cooke) mais aussi des pages comptant une dizaine, douzaine et même plus (jusqu'à seize) plans, sans que cela ne ralentisse la lecture, mais au contraire distribue la mise en scène en en soulignant la fluidité.
De son expérience dans l'animation Cooke a su tirer le meilleur en en adaptant la technique du storyboard à l'art séquentiel de la bande dessinée : il sait alterner les effets avec un brio sans pareil, aérant avec de larges vignettes des prises de vue puis en les découpant à l'extrème comme autant de vignettes sur une pellicule au fil des bandes successives.
Le lecteur a la sensation de lire l'ouvrage sans être freiné par des artifices tape-à-l'oeil comme des splash ou doubles pages faciles tout en ayant une proposition graphique stimulante qu'il peut ensuite décortiquer à plaisir pour en apprécier le modelage. Une vraie leçon de storytelling.

Cooke est encré (à partir du #1 de Catwoman) par Mike Allred (l'auteur de Madman) et leurs styles se marient merveilleusement, avec en prime une colorisation comme d'habitude irréprochable de Matt Hollingsworth, sobre et nuancée. 

Enfin, pour la bonne bouche, admirez la couverture extraordinaire du légendaire Jim Steranko qui ouvre le premier récit.
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Une reprise en mains exemplaire, redéfissant l'héroïne remarquablement, avec une écriture et une mise en images imparables. Qui dit mieux ? Et ce n'est que le début... 

2 commentaires:

  1. Question : est-ce que ces histoires ont été traduites en français par Séémic ou Panini ?

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  2. L'histoire issue des "Detective Comics #759-762" avait été publiée par Semic dans "Spécial DC n°19". Mais, à ma connaissance, le reste demeurait inédit en vf.

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