mercredi 30 novembre 2011

Critique 287 : THE SIXTH GUN - BOOK 2 : CROSSROADS, de Cullen Bunn et Brian Hurtt

The Sixth Gun, Book 2 : Crossroads rassemble les épisodes 7 à 11 de la série écrite par Cullen Bunn et dessinée par Brian Hurtt, publiée par Oni Press en 2011.
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Après la bataille du fort Maw, au cours de laquelle Becky Montcrief et Drake Sinclair ont reçu l'aide de Gord Cantrell pour enfermer à nouveau le général mort-vivant Hume dans son cercueil, sans pouvoir empêcher la fuite de sa veuve Missy, les trois héros se sont installés dans un hôtel de la Nouvelle-Orléans pour faire le point.
Drake cherche un moyen de se libérer de l'emprise maléfique des quatre revolvers en sa possession (le cinquième est dans les mains de Missy Hume et le sixième ne quitte pas Becky), après avoir déposé le cercueil du général Hume dans une crypte (gardée par Billjohn O'Henry, devenu un golem).
Gord étudie des livres pour apprendre l'origine des revolvers et met Drake sur la piste d'Henri Fournier, qui vit dans le bayou. C'est ainsi que le pistolero va en apprendre un peu plus sur la mythologie de ces armes, mais aussi éveiller la convoîtise de Marinette Of The Dry Arms, une créature des marais à laquelle obéit le serviteur de Fournier, Woodmael.
Becky, elle, fait la connaissance de Kirby Hale, un redoutable tireur, qui la séduit et va la manipuler...
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Ce nouveau tome est étonnamment accessible même si pour en apprécier tous les enjeux, il est préférable d'avoir lu le précédent. Dead Cold Fingers possédait une structure auto-contenue presque parfaite, une précaution habile dans un contexte de crise où peu de séries sont assurées de survivre (The Sixth Gun se vend à environ 5 000 exemplaires, trois fois moins qu'une série annulée par Marvel). Mais Oni Press soutient son titre et Cullen Bunn, le scénariste, a pu développer ce qu'il avait commencé à bâtir. Toute son histoire en profite : les personnages sont plus affirmés, l'intrigue est plus dense, et graphiquement c'est encore plus efficace.
Le meilleur exemple est la place prise par le personnage de Gord Cantrell, colosse noir apparu à la fin du tome 1, qui devient désormais un des protagonistes de la série : il garde une part de mystère (comme le remarque Drake quand il se demande comment il peut traverser avec autant de flegme les évènements surnaturels) mais son influence sur les situations et sa position à la fin de cet arc narratif prouve qu'il a acquis de l'épaisseur et possède un avenir.
Contrairement aux premiers épisodes, en constant mouvement, l'action se centralise ici dans un décor propice aux fantasmes puisqu'on évolue dans les quartiers de la Nouvelle-Orléans et le bayou. Le folklore de la région est subtilement mais puissamment exploité, avec des références au vaudou, à la magie noire.
On se rend compte qu'en vérité The Sixth Gun est moins un western avec des éléments fantastiques qu'une série fantastique utilisant les codes du western. Les duels, par exemple, sont abondants dans ces nouveaux chapitres et réservent de vrais morceaux de bravoure (Drake affronte un alligator blanc géant - Cullen Bunn a-t-il lu Jim Cutlass où le héros avait affaire à pareille bestiole ? - puis une panthère noire, Kirby Hale abat plusieurs fier-à-bras dans une séquence jubilatoire digne de Lucky Luke, Becky et Gord se démènent contre une horde de hibous et de serpents). Quant à la bataille finale dans le cimetière, elle n'a rien à envier à l'assaut contre le fort du Maw dans le premier livre.
Bunn continue de nous régaler avec des dialogues à la fois sobres et percutants, des personnages ciselés, et un soin particulier accordé aux ambiances.

(Promo art by Brian Hurtt)
Graphiquement aussi, la série mûrit sensiblement. Brian Hurtt confirme qu'il est un storyteller remarquable, produisant des vignettes parfaitement composées, s'enchaînant avec une fluidité imparable. Il n'abuse pas de plans larges mais quand il en produit, ils sont superbement ouvragés, sans être écrasés par des détails inutiles.
Il fait aussi la différence dans le traitement des décors, qu'il sait planter en leur consacrant toute la minutie requise : il faut saluer cet effort car tous les "monthly artists" américains ne sont pas aussi scrupuleux et sacrifie parfois les arrière-plans rapidement, comptant sur le fait que les lecteurs n'y accorderont pas autant d'importance qu'aux personnages. Or, quand on opère dans un genre aussi exigeant que le western où le cadre est à la fois connu de tous et donc implique d'être parfaitement représenté, cela commande à l'artiste de ne pas tricher.

Dans le même esprit, la colorisation, désormais réalisée par Bill Crabtree, souligne la qualité visuelle atteinte par la série. Ces quelques planches dans le bayou en témoignent :




La maîtrise grandissante de Hurtt fait écho à celle de Bunn qui sait nous rendre plus familier avec ses héros et leur histoire. The Sixth Gun est clairement un comic-book addictif, d'une efficacité exemplaire, aussi bien écrit que dessiné. Son scénariste lui-même promet, à la fin de ce 2ème tome, que l'aventure ne fait que commencer (le plan du scénariste courrait sur au moins 50 épisodes !) : il a su en tout cas poser les fondements d'une production avec un étonnant potentiel, qui peut durer longtemps tout en ménageant de nombreuses surprises.
Le vrai coeur de The Sixth Gun réside dans sa capacité à créer un monde à la croisée de deux genres (le western et le fantastique) sans être trop au sérieux ni trop ironiquement distant. Le terreau de cette production est fertile : vivement la suite, donc !

(Becky Montcrief par Brian Hurtt)

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